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TCA (troubles du comportement alimentaire) : “On n’accomplit rien le ventre vide !”

Publié le 19 avr. 2023 • Par Candice Salomé

Marie, dite @Inthefoodforlife sur les réseaux sociaux, est atteinte de troubles du comportement alimentaire depuis plus de 10 ans. Désormais sur la voie de la guérison, grâce à un bon suivi et beaucoup de motivation personnelle, elle revient sur son parcours et partage des astuces aux personnes confrontées aux TCA pour s’en sortir. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity !

Découvrez vite son histoire !

TCA (troubles du comportement alimentaire) : “On n’accomplit rien le ventre vide !”

Bonjour Marie, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Je m’appelle Marie, et si je devais me décrire, ce qui est loin d’être évident, je dirais que je suis une femme qui écrit. Tout le temps, autant que je respire !

Conceptrice-rédactrice, la rédaction et la réflexion sont à la fois mon métier, mais surtout ma passion et un besoin vital. J’ai besoin de verbaliser ce que je ressens par la quête du mot qui me semble être le plus juste, que ce soit dans mon journal intime, le transmettre à mes abonnés sur Instagram et mes clients.

Je suis une femme profondément gentille, créative, ambitieuse, fêtarde, sociable. J’aime aussi aider les autres, l’idée d’être utile, que ce soit auprès de mon entourage, dans le cadre du bénévolat mais aussi sur les réseaux sociaux où je suis très active.

Paradoxalement, je suis aussi une jeune femme égocentrique, excessive, timide et angoissée, même si les gens sont loin de s’en douter car je suis d’apparence calme et rationnelle.

Dans la vie, j’aime : ma famille et mon compagnon qui me sont d’un soutien moral extraordinaire, faire des projets, refaire le monde jusqu’au petit matin, marcher pendant des heures en écoutant de la musique très forte pour extérioriser mes angoisses, vivre à Paris, boire, manger…

Vous avez longtemps été atteinte d’anorexie mentale et de boulimie vomitive. Pourriez-vous nous parler de votre parcours avec la maladie ? A quel âge la maladie s’est-elle manifestée ? Et pourquoi selon vous ?

J’ai vécu des troubles alimentaires durant dix ans, la plupart du temps, invisibles, car je n’ai été que rarement maigre. Et en société, je mangeais ! Mais personne ne se doutait de l’obsession alimentaire permanente qui guidait ma vie du soir au matin, dès le réveil et au point de m’en empêcher de dormir. Mes troubles alimentaires se sont installés à l’âge de 12 ans, suite à un viol opportuniste. Mais le véritable traumatisme, ressenti comme tel, eut lieu par la suite. Ce furent, quelques mois plus tard, mes parents qui m’ont contrainte à porter plainte à la Brigade des Mineurs. C’était un second « Non », que l’on n’entendait pas. Une fois encore, mon refus n’était pas pris en compte

A la lecture d’un magazine pour adolescentes, j’ai entendu parler « d’anorexie mentale ». 

Moi qui avais toujours été une enfant plutôt menue, sans aucune difficulté alimentaire ni avec mon poids, c’était une révélation ! Et tout de suite, cela m’a semblé être une solution, MA solution : j’allais arrêter de manger, perdre beaucoup de poids jusqu’à avoir une apparence rachitique, et là, la souffrance, les conflits que je ressentais vis-à-vis de mes parents, s’exprimeraient d’eux-mêmes sur mon corps sans que je n’ai rien à verbaliser. 

Ainsi, je me suis imposée des restrictions caricaturales, atteignant un stade de dénutrition critique… Mais les restrictions étaient tellement intenses qu'elles ont engendré des compulsions alimentaires massives. Qui m’ont complètement dépassées, et que je ne contrôlais plus.

Et comme j’avais peur de grossir, c’est de façon assez « naturelle » que j’ai basculé dans la boulimie vomitive, assortie de laxatifs et d’hyperactivité physique.

Quelle a été votre prise en charge au fil des années ? Quelle est-elle maintenant ? Qu’en pensez-vous ? En êtes-vous satisfaite ?

Pendant les dix ans qui ont rythmé mes troubles alimentaires, savant mélange de restrictions cognitives (ce n’était pas tout à fait de l’anorexie, plutôt un contrôle alimentaire permanent, où tout était très anticipé) et de crises de boulimie vomitives, je n’ai eu absolument aucun suivi sur le plan alimentaire.

J’étais suivie par des psychiatres, en CMP (Centres Médico Psychologiques) puis en libéral vis-à-vis de mon trouble bipolaire et de mon anxiété généralisée, mais comme j’avais un poids mince mais pas alarmant, on parlait de mes oscillations d’humeurs, d’anxiété, de molécules… Mais très peu de mon comportement alimentaire. Dans mon esprit, comme je n’étais pas maigre, je n’étais pas légitime à leur en parler, à mobiliser une séance ! 

Et j’avais aussi profondément honte de dire que je perdais le contrôle face à la nourriture, que j’avais recours aux vomissements et aux laxatifs. Je ne voulais pas donner l’impression d’être un animal, dépossédé de toute volonté.

Je n’ai eu accès à un suivi avec des psychiatres spécialisés et à un diététicien extrêmement aidant, qu’au moment où j’ai été hospitalisée sous la contrainte à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne par ma mère et mon ancien psychiatre. A cette époque, je vivais une phase maniaque, dans le cadre du trouble bipolaire. Je ne me nourrissais plus que de café, de vin, de drogues dures et de crises de boulimie ! J’étais dans un déni affolant, en très mauvaise santé physique et mentale.

Enfermée entre quatre murs, ma maigreur m’a enfin donné la sensation d’être légitime à recevoir de l’aide, et j’ai enfin ouvert les yeux sur mon apparence physique, sur la réalité de ce qu’était devenue ma vie : ce n’était compatible avec aucun de mes rêves !

Ce diététicien, dont je suis restée très proche, à ma grande surprise, m’a aidée dans tous les stades de ma vie : aussi bien quand j’avais du poids à reprendre sur le plan médical, que quand j’avais un poids dans la norme et des crises de boulimie qui persistaient. 

Un vrai spécialiste des troubles alimentaires, se fiche de ton poids et t'aide à rétablir un rapport sain à la nourriture, quel qu'il soit.

Aujourd’hui, je n’ai plus qu’une psychiatre, très aidante elle aussi, très concrète et bavarde. Mais même si un suivi spécialisé est très aidant, ce n’est pas une baguette magique ! Au fond, le médecin, tu le vois 45 minutes, 1 heure. Et même avec une disponibilité par Skype ou par e-mail, c’est toi qui est seul.e avec toi-même. Et un minimum de volonté, dont tu dois faire preuve : faire en sorte que celle de guérir, l’emporte sur celle de mincir, ou de ne surtout pas grossir !

Quel a été le regard de votre entourage sur la maladie ? Vous sentiez-vous soutenue, comprise ? Parliez-vous en facilement ?

Les premiers temps ? Non, vraiment, pas du tout. Quand j’étais très maigre, mes parents m’empêchaient de sortir à leurs côtés : ils avaient trop honte que l’on m’alpague dans la rue ! Mais c’était encore moins pire que le moment où ils se sont rendus compte que je me faisais vomir, que même avec un poids à nouveau dans la norme, le « cirque » n’était pas fini : là, je me suis sentie très jugée. Vraiment monstrueuse.

Nous n’avons eu un dialogue réellement apaisé, fondé sur la confiance, qu'au bout de dix ans ! Non seulement le jour où j’ai eu un suivi avec des spécialistes, mais surtout, le jour où j’ai véritablement mis des stratagèmes en place pour m’en sortir

Jusque là, j’étais toujours persuadée que c’était le régime suivant, qui me sortirait de ma boulimie. Là, non seulement, j’augmentais mes apports, mais aussi, je faisais preuve d’honnêteté. Je verbalisais, je communiquais, je prenais mon téléphone au lendemain d’une crise de boulimie, et leur expliquais ce que j’allais mettre en place.

Ce que je conseille si vos lecteurs sont dans la même situation ? Une communication sincère, honnête, sans rien dissimuler, sur sa volonté et ses difficultés, suivie d’actions concrètes !

Il y a 9 ans et demi, le trouble bipolaire vous a été diagnostiqué. Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances ? Quelle a été votre prise en charge à ce moment-là ?

J’ai été diagnostiquée à l’âge de 19 ans, après avoir vu plusieurs psychiatres et passé des scanners, nécessaires avant de poser un diagnostic lourd.

D’une part, je me sentais déjà chargée depuis toute jeune, d’une forme de différence. Quelque chose « clochait ». J’étais exagérément créative, avec un recours obsessionnel à l’écriture. Je pensais et avais de nouvelles idées tellement vite, que mon cerveau avait du mal à suivre, ce qui générait une véritable souffrance, par exemple. 

Ces symptômes se sont amplifiés avec l’âge et la vie étudiante : selon les périodes, je me sentais complètement différente ! Tour à tour volubile avec un besoin permanent d’écrire, convaincre, débattre, argumenter, une augmentation des conduites à risque (alcool, drogues, relations sexuelles compulsives et non protégées) des lubies, une augmentation du nombre de projets, de dépenses, une humeur exagérément haute alors que rien ne le justifiait et que mon monde intérieur s’effondrait… Le tout suivi de périodes d’anxiété et de dépression profonde, où la moindre tâche (suivre un cours, me brosser les dents) me paraissait trop difficile. L’impression permanente que j’allais m’effondrer, sans réussir à pleurer pour autant.

Un jour, peut-être que ça a été la soirée, la gueule de bois de trop, mais sous la douche, cette différence m’a explosé au visage. J’avais l’impression de devenir complètement folle : j’avais besoin d’aide, de verbaliser, mais surtout de mettre des mots sur ces différentes phases où ma vie m’échappait, avec des conséquences sur ma vie sociale, familiale, financière, scolaire…

J’ai commencé par consulter un psychiatre en CMP (Centre Médico Psychologique) : c’était gratuit, et mes parents n’étaient pas au courant de mes démarches. J’en ai vu plusieurs, passé des scanners, qui ont permis de poser un diagnostic de Trouble Bipolaire.

Quel soulagement, de pouvoir poser des mots sur ce que je vivais ! J’étais malade, et peut-être qu'on allait pouvoir me soigner. Avec des médecins, des médicaments, des thérapies… Et surtout, je n’étais pas la seule à en être atteinte : un jour, je rencontrerais des gens qui eux aussi, vivaient ces moments de trouble ! 

Le conseil que je pourrais donner est de ne pas tomber dans l’auto-diagnostic : si vraiment il y a un trouble seul un psychiatre pourra te donner les médicaments qui viendront t’aider à réguler ton humeur et ton anxiété. Internet et Instagram ne le feront pas à leur place. 

C’est 6 ans plus tard que vous avez également été prise en charge par un diététicien. Pourriez-vous nous parler de cette prise en charge ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ? Qu’en pensez-vous ?

A 25 ans, j’ai été hospitalisée sous la contrainte à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne, par ma mère et mon psychiatre de l’époque. Sur le plan physique, la maladie était très visible aux yeux des médecins, et bien qu’hospitalisée en psychiatrie, on m’a orientée vers un spécialiste des Troubles Alimentaires, Nicolas Sahuc.

Je le consultais depuis ma chambre d’hôpital en visio. Même si, au fond, un suivi n’est jamais une baguette magique dans la mesure où c’est ensuite à toi d’appliquer ou pas les conseils donnés, ce suivi m’a aidée à déconstruire certaines croyances alimentaires, accepter de manger à ma faim, rester motivée pour reprendre du poids sur le long terme.

Ce qui était assez appréciable, c’est que l’on parlait finalement assez peu de mon poids. Je n’avais pas de « contrat de poids » : on se concentrait davantage sur le fait de manger assez à hauteur de mes besoins, assez pour ne plus souffrir de crises de boulimie, assez pour ne pas penser exagérément à la nourriture entre les repas.

Par la suite, il m’a à nouveau prise en charge à raison de quelques séances pour certains « réajustements », notamment même avec un poids dans la norme, je souffrais encore parfois de boulimie

Ou bien quand la peur d’en faire, restait encore très présente. Il m’a aussi aidée à cultiver d’autres centres d’intérêts que la nourriture, car il y a une phase dont on ne parle que peu dans la « guérison » : quand tu manges sans culpabilité, avec plaisir, qu’il n’y a plus ni crises ni restrictions, mais que ça reste l’élément clé et central des journées.

Ce n’est pas lui qui a fait ce travail à ma place, c’est moi qui ai dû retrouver quels étaient mes désirs profonds et ce qui pouvait m’aider à me décentrer de la nourriture, mais son soutien m’a permis d’initier ce changement progressif. Par exemple, en m’interrogeant, je me suis tournée vers du bénévolat, en centres de soins pour adultes atteints de handicaps mentaux.

Quel a été l’impact des TCA et du trouble bipolaire sur votre vie privée et professionnelle ?

L’impact des deux a été vraiment énorme ! 

Déjà, parce que tu ne peux « rien » faire avec ta vie, quand tu es dénutrie (et ça, même avec un poids dans la norme) et que tu ne manges pas assez. Chez moi, ça se caractérisait vraiment par une obsession alimentaire permanente du soir au matin (à prévoir mes repas, fantasmer sur ce que je ne pouvais pas manger ou seulement si je l’avais bien mérité, par de l’hyperactivité, des restrictions) où tout était prévu et calculé, jusqu’à ce que cet hyper contrôle permanent, n’explose en crises de boulimie, désastreuses sur le plan financier et moral, en terme d’estime de mon corps.

Mon objectif n’était ni d’être heureuse, ni de faire carrière : juste d’être toujours plus mince. Dans ces conditions, malgré deux doubles Master 2 eu aux ras des pâquerettes, je n’étais pas du tout impliquée dans mes études. Je suis arrivée dans le monde du travail avec des lacunes, absente, peu investie, je faisais beaucoup d’erreurs de concentration. 

Le trouble bipolaire, non stabilisé, engendrait une très mauvaise hygiène de vie et des addictions : je me rendais au bureau après avoir bu un nombre incalculable de tasses de café, pour me remettre de la cuite quotidienne de la veille, prise seule ou avec mon compagnon de l’époque. J’avais aussi une dépendance majeure aux anxiolytiques, ce qui causait beaucoup de problèmes de mémoire et de concentration.

Le 8 mars, il y a 4 ans, alors que j’étais à la fois en dépression tout en travaillant avec cette même hygiène de vie dans une célèbre agence de publicité, j’ai sauté du troisième étage, ivre, défoncée, une fois chez moi

Je n’étais plus moi-même, je n’avais plus de raison : l’idée de faire une cure et de démissionner pour me soigner, ne m’était absolument pas venue à l’idée.

J’ai passé plusieurs mois dans le coma, en réanimation, en traumatologie… Et même si cet événement m’a convaincue que si j’étais encore en vie, pour en faire quelque chose d’exceptionnel, la seconde conséquence a été sur le plan social.

En route, j’ai perdu des gens que j’aimais, des amis, des compagnons, lassés de me voir toujours excessive. J’étais aussi devenue très égocentrée, toujours prête à faire la fête, mais jamais présente pour les autres.

Auprès de ma famille, je suis devenue un lourd sujet d’inquiétudes et j’ai mis du temps à y retrouver ma place, comme si j’étais entrée dans une case de femme en détresse, dont je ne pouvais plus sortir.

Diriez-vous qu’à l’heure actuelle vous vous en êtes sortie face aux TCA ? Quels objectifs vous êtes-vous fixée pour parvenir à ce résultat ?

Ah, enfin, on va pouvoir parler des solutions, du positif ! De celles que l’on m’a aidée à trouver, et de celles que j’ai mises en place seule.

Je ne me considère pas comme « guérie » des troubles alimentaires : dans mes publications sur mon compte Instagram, j’essaie de mettre des guillemets autant que faire se peut, dans un souci d’authenticité et de transparence, pour ne pas « vendre» quelque chose qui n’existe pas.

Dans le sens où même si je mange absolument de tout, avec beaucoup de plaisir, de flexibilité, sans crises de boulimie ni en avoir envie, je pense que le fait de « manger », après dix ans d’anorexie et de boulimie, ne sera jamais complètement « neutre » : je n’ai pas retrouvé une spontanéité parfaitement enfantine avec la nourriture. 

Cela n’engage que moi mais, quand les troubles ont été très sévères et très longs, ils laissent forcément quelques traces… même s’ils ne nuisent plus du tout à ma qualité de vie ! 

Une fois que la volonté de « guérir » a été bien ancrée, quand celle-ci a dépassé la volonté de mincir (ou de ne surtout pas grossir!) finalement, c’est allé assez « vite » ! En tout cas, sur le plan alimentaire, car ce n’est souvent que l’arbre qui cache la forêt.

Déjà, l’une de mes motivations les plus puissantes, était d’arrêter de faire des crises de boulimie vomitives : même en ayant connu l’enfer de la drogue et de l’alcool, je ne connais rien de plus destructeur pour l’image de soi, de son corps, et pour son portefeuille aussi. On n’en parle peu, mais c’est un véritable gouffre financier qui peut pousser jusqu’à voler ses parents, dans les magasins

Au lieu de regarder les crises, les moments où je mangeais trop, je suis allée dans ceux où je mangeais TROP PEU ! Et en augmentant mes apports, en me faisant davantage plaisir, les crises se sont espacées, jusqu’à disparaître. Mon poids, lui, n’a même pas vraiment changé. Et quand bien-même : enfin, je me sentais bien, propre, et surtout libre ! L’idée, c’est vraiment que manger plus, permet de faire moins de crises. A la clé, j’y ai trouvé énormément de bien-être, mais en plus, un poids beaucoup plus stable. 

Je voulais aussi retrouver de l’espace mental disponible pour vivre ma vie, faire des projets, qui ne soient plus liés au contrôle de mon alimentation et à mon poids. Obsédée par son alimentation, on ne peut plus penser à rien d’autre ! La vie sociale, amoureuse, les voyages… tout cela passe au second plan et devient même une énorme source de stress, car on est souvent confronté.e à de la nourriture

Retrouver des centres d’intérêts, aussi, qui ne soient plus corrélés avec la nourriture, le poids. Admettre qu’on est obsédé par la nourriture et le poids est très culpabilisant, on se sent en décalage en société car on a l’impression de n’avoir rien à dire que de s'exprimer à ce sujet. Sortir de cette impression d’être une « coquille vide », qui ne pense qu’à la nourriture.

Vous êtes active sur les réseaux sociaux sous le nom de In The Food For Life. En quoi cela vous aide personnellement ? Et qu’est-ce que cela peut apporter à votre communauté ? Quels sont les retours de vos abonnés ?

J’ai ouvert ce compte Instagram au moment où j’ai décidé fermement de guérir de ma boulimie vomitive. Au départ, j’y publiais des photos de mes repas, qui se faisaient de plus en plus gourmands, les restrictions qui s’estompaient, les crises qui s’arrêtaient, et le fil de mes réflexions personnelles. C’était ma caution morale face aux quelques abonnés qui me suivaient : je ne voulais pas les décevoir, en faisant une nouvelle crise ou en mettant en place de nouvelles restrictions. 

Le fait d’être active sur Instagram m’a permis de suivre des comptes très inspirants dans le domaine des troubles alimentaires, l’acceptation de son corps, l’alimentation intuitive, d’avoir accès à beaucoup de contenus textuels mais aussi audio, sous forme de podcast. Instagram n’est pas une thérapie à lui-seul, mais c’est une plateforme qui m’a beaucoup aidée lorsque les séances avec les professionnels de santé se sont espacées, du fait de leur coût, aussi.

Et au fil des mois, alors que ma relation à l’alimentation s’apaisait de plus en plus, je me suis moi-même sentie en capacité de raconter mon expérience personnelle, pour transmettre les outils pratiques et concrets qui m’avaient aidé à en arriver là. 

Je ne suis pas un modèle, pas médecin non plus, je ne pense pas qu’il y ait de guérison « parfaite » et absolue, mais je fais mon maximum pour dispenser des conseils auxquels on ne pense pas forcément. Pour essayer aussi, de ne pas me borner qu’à la problématique alimentaire, donner également des conseils pour retrouver du sens à sa vie et une identité, tel du bénévolat.

Aujourd’hui, ce compte Instagram m’aide toujours moi aussi : il permet de m’adonner le soir à ma passion pour l’écriture, de me sentir utile, et peut-être un peu d’écrire ce que je n’ai pas eu la chance de lire quand je suis tombée malade et qui aurait pu m’aider. Très égoïstement, c’est peut-être aussi une façon de me « réparer », de faire quelque chose de positif, avec ce qui m’a « bouffé » la vie pendant des années ! 

Les retours de ma communauté sont… incroyablement touchants ! Que ce soit lorsque je reçois des messages chargés de détresse, ou de gratitude. Quand mes abonnées me disent qu’elles se sentaient seules avec leur maladie, qu’elles avaient honte d’elles-mêmes et de leurs actes, et que mes écrits leur donnaient l’espoir de s'en sortir un jour, à leur tour.

En parallèle, je m’y suis aussi fait une véritable bande de copines, que ce soit des diététiciennes ou des femmes qui ont, comme moi, souffert de troubles alimentaires : on se retrouve en buvant du vin (ou du chocolat chaud pour certaines) en partageant des tapas, en parlant de tout cela… et de nos vies actuelles aussi, bien sûr !

De plus, vous proposez de nombreux contenus aux personnes qui souffrent de TCA, pourriez-vous nous en dire plus ?

En plus de tout le contenu disponible sur mon compte Instagram, j’ai écrit « Le Guide des Mangeuses libres, le guide de guérison de l’anorexie et de la boulimie », joyeusement illustré par mon compagnon. Pour que cela ressemble à un petit guide pratique, à dégainer pour trouver du soutien motivationnel, mais aussi pour faire face à des situations très concrètes : que faire lorsque l’on est invité.e à un restaurant à l’improviste ? Quand on souffre de boulimie et que l’on se rend à un repas de famille ? Que peut-on répondre à sa famille, qui trouve que l’on a maigri ou grossi ?

J’y parle de mon histoire personnelle de façon imagée pour que chacune puisse se l’approprier et s’y reconnaître, et je donne ensuite des conseils qui permettent de sortir de la culpabilité, l’obsession alimentaire, les crises de boulimie, mais aussi des conseils qui n’ont rien à voir avec la nourriture et m’ont personnellement aidée.

Même si les conseils de mon diététicien y sont retranscrits, je précise tout de même qu’il s’agit de mon expérience personnelle et que cet ouvrage est complémentaire à un suivi auprès d’un véritable professionnel certifié ! Diététicien, thérapeute…

Le e-book se vend tous les jours et ce qui est visiblement apprécié, je crois que c’est la sincérité et le plaisir que j’ai mis à l’écrire, le fait que les conseils soient très « pratiques » et surtout, qu’ils s’adressent beaucoup à la « souffrance invisible » : lorsque l’on souffre de troubles alimentaires, mais où on a un poids dans la norme.

Quel regard portez-vous sur l’avenir ? Quels sont vos projets ?

Ils sont nombreux ! Mais le principal est qu’en parallèle de mon emploi salarié, je suis actuellement en train de créer une application mobile, dans le secteur de la santé mentale, pour créer la solution que je n’ai pas eu, lorsque j’étais très isolée. Cela implique des nuits courtes, de suivre plusieurs formations dont celle d’HEC…

Mais je suis fondamentalement convaincue de l’utilité de mon projet, en plus d’avoir la chance d’être quelqu’un de très entourée par ma famille, mon compagnon, mes amis, mon réseau…

Je sais pourquoi je fais tout ça : pour apporter une véritable solution à un problème identifié, casser la honte et la solitude qui entourent la maladie mentale.

Et surtout, j’aimerais un jour trouver un équilibre mental et financier, pour avoir des enfants avec mon compagnon. 

Enfin, que conseilleriez-vous aux membres Carenity également touchés par les TCA ?

Je leur conseillerais de demander de l’aide à des spécialistes le plus tôt possible : on est légitime à demander de l’aide quel que soit son poids, à partir du moment où on souffre de sa relation à la nourriture et à son poids.

D’également garder cet espoir, même lorsqu’on souffre de troubles alimentaires depuis longtemps : avec un bon suivi, les bons outils (que l’on peut trouver sur Instagram, des podcasts, dans les livres…), il est tout à fait possible de s’en sortir, même si on peut conserver certaines séquelles.

De travailler sur leur comportement alimentaire, bien sûr, mais également de découvrir de quelles façons exister et vibrer, en dehors de l’identité trouvée dans la maladie et le plaisir alimentaire. Selon moi, la « guérison », c’est autant dans la tête que dans l’assiette ! 

Et surtout, de ne jamais avoir honte d’être soi-même et d’être malade, de ne pas avoir peur de poser ces mots : « je suis obsédé.e par la nourriture», « je me fais vomir » « je prends des laxatifs ». Vous ne vous définissez pas par votre trouble, mais par qui vous êtes, et ce que vous mettez en place pour y remédier !

Un dernier mot ?

J’ai été très marquée par deux phrases : 

« La réussite c’est être utile au monde » et « A chaque problème, ses solutions ». Ce qui est sûr, c’est qu’on ne les trouve pas et que l’on n’accomplit pas ses objectifs le ventre vide ! 

Merci beaucoup de m’avoir à la fois lu et donné l’occasion de témoigner !


Un grand merci à Marie pour son témoignage !        

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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

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3 commentaires


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Utilisateur désinscrit
le 20/04/2023

je m’excuse mais c’est trop long à lire pour ma part.


Sarenza
le 04/05/2023

Bonjour,

Je trouve votre publication génial.C'est quoi votre compte Instagram ?

Et pourquoi on prend des laxiatifs ? Moi qui l'est été ça ne met jamais venue à l'esprit, j'en prends à leur d'aujourd'hui part prescription médicale 😕.

Mais j'aimerais vraiment partager parler avec vous.




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