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Encéphalomyélite myalgique (EM) : le combat de Millions Missing France pour les patients

Publié le 19 nov. 2024 • Par Candice Salomé

Chantal Somm, fondatrice de l'association Millions Missing France, mais également patiente, nous partage son combat pour les personnes atteintes d'encéphalomyélite myalgique (EM/SFC), une maladie encore souvent méconnue et stigmatisée. 

Millions Missing France œuvre pour sensibiliser le public, soutenir les malades et appeler à des prises en charge adaptées. 

Découvrez ci-dessous les missions et projets de Millions Missing France, association dédiée à l’encéphalomyélite myalgique (EM/SFC), maladie encore trop peu connue et reconnue ! 

Encéphalomyélite myalgique (EM) : le combat de Millions Missing France pour les patients

Bonjour Chantal Somm, merci d’avoir accepté cette interview. Pourriez-vous commencer par vous présenter ? 

Je suis la fondatrice de Millions Missing France et je suis moi-même atteinte d’encéphalomyélite myalgique (EM) depuis 1999. De formation, je suis psychologue et anthropologue, avec un profil un peu atypique puisque j’ai aussi validé des certificats de biologie et de neuropsychiatrie. L’engagement collectif est une constante dans ma vie, dans le cadre de syndicats, d’organisations professionnelles ou d’associations. L’une des facettes du métier d’anthropologue que j’ai exercé jusqu’en 2014, c’est de porter la voix des personnes dont la parole est peu relayée publiquement. La fondation d’une association de malades stigmatisés et invisibilisés est donc une suite logique de dans mon parcours. 

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Photo : Lucas Desroches pour Millions Missing France 

Comment et quand est née l’association Millions Missing France ? Quel est votre rôle au sein de l’association ? De combien de personnes est-elle composée ?  

L’association est née d’un collectif de malades dont beaucoup étaient en état sévère, qui se sont rencontrés sur Facebook dès 2014. L’association a été créée en 2018. Elle est dirigée par un Collège, dont chaque membre a les mêmes droits et devoirs qu’une présidente. Actuellement, nous sommes 5, toutes malades, certaines gravement. Julia, Stéphanie, Émilie, Sylvie et moi formons une équipe très soudée, nous échangeons quotidiennement. Pour travailler efficacement, nous privilégions dans le Collège, un fonctionnement basé sur le partage d’une même vision, de valeurs communes, de modes de communication et d’organisation similaires et d’une bonne entente. Un Collège solide, c’est un garant de la pérennité de l’association.  

Les adhésions ont été ouvertes en octobre 2019. Notre association compte aujourd’hui près de 650 membres.  

Quel était votre constat avant de créer l’association ? A quels besoins répondez-vous ?  

En 2014, il y avait une seule association en France et deux groupes Facebook francophones. Ils ne répondaient pas à nos préoccupations majeures : rendre visibles les malades y compris celles et ceux en état sévère ; informer sur les recherches scientifiques, les essais cliniques, les traitements ; donner un accès libre à des ressources en français ; se démarquer de l’approche biopsychosociale dont les conséquences pour les malades sont délétères ; demander avec fermeté aux autorités sanitaires des soins et des prises en charge adaptées.   

Nous avons, dès le début, mis en avant l’appellation historique d’encéphalomyélite myalgique ou EM, car la maladie est reconnue sous ce nom par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1969, soit plus de 55 ans, quand même… Aujourd’hui l’appellation courante dans la recherche est EM/SFC, que nous utilisons aussi.  

Un des premiers constats que nous avons fait, c’est la stigmatisation entretenue par la représentation de la maladie dans les médias. Quand elle y est évoquée, c’est généralement sous l’expression « syndrome de fatigue chronique », voire « fatigue chronique », qui est un symptôme de très nombreuses maladies. C’est une appellation qui entraîne des confusions et qui ne reflète absolument pas la gravité de la maladie.  

De plus, les médias ne montrent généralement que des personnes légèrement atteintes, à même de se déplacer pour une émission TV ou pour une interview. Or, les personnes gravement atteintes, c’est le quart des malades ! Elles sont très faibles physiquement, confinées à leur domicile, alitées plus de 20h par jour, certaines sont nourries par sonde et totalement dépendantes. L’aspect dévastateur de la maladie est complètement occulté, alors que c’est une information majeure pour que les malades prennent au sérieux leur prise en charge dès le début, pour avoir une chance de ne pas s’aggraver.  

Un autre constat terrible, c’est la psychiatrisation abusive de la maladie, assimilée à un « trouble somatique fonctionnel » « trouble somatoforme » etc., qui fait de l’EM/SFC un trouble causé par les comportements et les croyances des malades, sans causes physiopathologiques. Aucune étude ne va dans ce sens. Au contraire, des milliers d’études affirment des bases physiopathologiques et plusieurs marqueurs biologiques ont récemment été mis au jour. Malgré les preuves scientifiques, le « SFC » est aujourd’hui encore considéré et enseigné comme trouble somatique fonctionnel (TSF) ou apparenté par les sociétés médicales de neurologie, médecine interne, psychiatrie, gastro-entérologie et pédiatrie. 80 % des malades sont des femmes, il y a une tendance lourde à les considérer comme « hystériques » : même si les mots changent, les représentations portées par ces classifications est la même… Les enfants sont également psychiatrisés dans leur immense majorité. C’est inacceptable, car cela expose les malades à des prises en charge inadaptées, dont certaines sont dangereuses et aggravent durablement les malades, comme la réadaptation à l’effort classique, totalement contre-indiquée, ou encore l’arrêt des explorations, criminels quand on sait qu’il y a un risque accru de cancers et de maladies auto immunes

Enfin, l’errance médicale et l’isolement étaient et sont toujours catastrophiques. Il n’y a pas de recommandations officielles de la Haute Autorité de Santé (HAS), donc pas de formation sérieuse des professionnels de santé, ni de parcours de soin, ni de prises en charge adaptées.  

Quelles sont les principales missions de l’association ?  

Elles sont multiples : développer la connaissance sur la maladie, organiser la communauté francophone, promouvoir l’éducation médicale et la formation des professionnels de santé, appeler les pouvoirs publics à prendre des engagements (directives officielles, financement de la recherche, information…) et, bien-sûr, soutenir les malades et leurs proches.  

Nous avons un rôle d’alerte qui nous tient à cœur. Par exemple, nous avons été les premiers à mettre en garde, dès le printemps 2020, sur le risque de développement en masse d’encéphalomyélites myalgiques post-Covid. Malheureusement, la réalité a dépassé nos pires craintes. On estime que la moitié des malades de Covid Long développe l’EM, soit 10 % à 15 % des personnes infectées par le Sars CoV-2. C’est énorme.  

La médecine fondée sur les preuves est importante pour nous. Nous dénonçons les promesses de guérison miraculeuses liées à des régimes ou des traitements qui n’ont jamais été évalués, et dont nous voyons les dégâts sur pas mal de malades. Depuis 2020, nous participons au groupe de travail de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge des symptômes prolongés après une infection covid, ou Covid Long. Nous sommes partenaires du réseau canadien de recherche ICanCME, qui rassemble des équipes reconnues pour la qualité de recherche pour l’EM. Nous échangeons par ailleurs avec de nombreux chercheurs et cliniciens, en France ou à l’international.  

Quels sont les services/ressources proposés aux patients ?  

Nous avons à cœur de mettre des ressources en français en accès libre. Nous faisons beaucoup de traductions, nous créons aussi des contenus à destination des malades et des professionnels de santé. Nous publions régulièrement des articles sur notre site.   

Nous avons un programme nommé « La voix de Faustine » en hommage à Faustine Nogherotto, qui se battait à nos côtés jusqu’à son décès en 2021. Il comporte deux volets. Le premier concerne l’entraide entre malades, le second l’information pour les professionnels de santé.  

Pour les malades, nous avons un grand groupe de soutien et également des groupes locaux sur Facebook, un service d’orientation médicale, des bénévoles pour l’accompagnement de démarches administratives telles que les demandes d’AAH. Pour les professionnels de santé, nous proposons de nombreuses ressources, dont un flyer avec des QR codes leur permettant d’avoir toutes les informations nécessaires pour diagnostiquer et prendre en charge leurs patients

Le cœur du programme La Voix de Faustine est un gros travail mené autour du « pacing », ou gestion du rythme d’activité. C’est une clé de la prise en charge. Deux psychologues américains en sont à l’origine, Ellen Goudsmit et Leonard Jason. Son objectif est de limiter les aggravations en permettant aux malades de rester dans leurs limites de capacités fonctionnelles. Il y a pas mal de stratégies et d’outils pour y arriver, le pacing, ce n’est pas juste « se reposer ». C’est une approche thérapeutique très peu connue en France, nous faisons partie des pionniers de sa mise en place. Nous avons créé un guide pratique consultable en ligne, mis à jour et amélioré régulièrement grâce aux retours d’expériences des malades. Nous avons formé des personnes qui accompagnent nos adhérents de manière personnalisée si besoin. 

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Photo : Nathalie Paton pour Millions Missing France 

Quel est votre champ d’actions d’un point de vue géographique ?  

La plupart des malades de l’EM/SFC ne peuvent pas se déplacer. Nous fonctionnons grâce aux outils numériques, cela élargit notre champ d’actions au monde entier même si notre siège social est en France ! De fait, nous avons des partenaires à l’international, par exemple World ME Alliance, qui regroupe des organisations de plus de 20 pays, ou encore ME Action Network, qui nous a accompagnés dans nos débuts. Nous menons des actions au niveau du Parlement européen, en partenariat avec l’European ME Coalition

Organisez-vous des événements (distanciel et présentiel) ? Si oui, pourriez-vous nous citer des exemples d’évènements passés ? Quels sont les évènements à venir ?  

Nous avons organisé plusieurs actions de rue entre 2018 et 2023, avec stands d’information et exposition de chaussures symbolisant l’absence des malades, dans plusieurs villes de France dont Rennes, Marseille, Lyon, Grenoble, Toulouse, Bourges etc. Nous sommes en pleine réorganisation et nous avons suspendu les événementiels en 2024. Nous avons quelques projets pour 2025, dont nous préférons garder la surprise !  

Quels sont les projets de Millions Missing France à moyen et long terme ? Les actualités ?  

Nous avons grandi très vite et les enjeux liés à la maladie sont très importants. Cela exige une réorganisation de notre association, en particulier la formation de nouvelles personnes (bénévoles et salariées). C’est beaucoup de travail et cela utilise pas mal de ressources depuis l’été 2023.  

Il y a une explosion des cas liés à la pandémie (plus d’un million de malades d’EM/SFC en France), un désert médical qui s’aggrave au vu de la crise du système de santé, et toujours pas de recommandations officielles. L’urgence absolue est la formation de professionnels de santé pour que les malades aient des prises en charge adaptées et puissent être hospitalisés de manière sécuritaire si besoin. Notre objectif 2025 est de créer des supports de formation pour les généralistes, avec le concours de cliniciens reconnus, et d’organiser des formations pour les professionnels de santé. Bien sûr, nous continuons nos coopérations avec les autorités sanitaires.  

Les malades d’EM/SFC ont besoin d’aide concrète et matérielle dans leur vie quotidienne. Nous aimerions que se mette en place une interface pouvant mettre en lien les malades avec des personnes de leur ville qui voudraient leur donner quelques heures de leur temps pour les aider matériellement. Nous avons besoin de partenaires sur cette action.  

Nous avons un rêve : qu’il existe des lieux de soin et de repos dédiés à la maladie, et aussi des petites structures médicalisées où les malades sévères pourraient habiter, temporairement ou à long terme. Si un mécène existe parmi vos lecteurs, nous avons des idées !  

Où pouvons-nous vous retrouver sur Internet ?  

Nous avons un site web, et nous sommes présents sur les principaux réseaux sociaux Instagram, Facebook, X, YouTube, LinkedIn et depuis peu Bluesky.

Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity touchés par l’EM/SFC (encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique) ?  

De rejoindre notre groupe de soutien et de ne pas hésiter à nous contacter. De mettre en place immédiatement le pacing en suivant les conseils de notre guide.  

Un dernier mot ?   

Nous avons besoin de forces vives car le travail est énorme ! S’engager donne un sens, et chacun peut le faire à sa mesure, selon ses possibilités. Adhérer à notre association est un premier pas. Plus nous avons d’adhérents, plus notre légitimité est grande auprès des autorités sanitaires et plus nous avons de chances d’obtenir des prises en charge dignes de ce nom pour les malades.  

Vous trouverez beaucoup d’informations sur la page ressources de notre site web, que ce soit pour la vie associative ou concernant la maladie.  

Nous remercions infiniment l'équipe de Carenity de nous accueillir, grâce à vous, plus de malades vont avoir accès à des ressources fiables.  

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Un grand merci à Chantal Somm pour son témoignage !                     
           
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

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