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Troubles bipolaires : “Il m’a fallu 16 ans pour être diagnostiquée !”

Publié le 2 juin 2021 • Par Candice Salomé

Babeillou, membre de la communauté Carenity en France, a accepté de nous parler de son quotidien avec les troubles bipolaires : du diagnostic à l’acceptation de la maladie, en passant par les difficultés rencontrées et son traitement. 

Elle se livre dans son témoignage !

Troubles bipolaires : “Il m’a fallu 16 ans pour être diagnostiquée !”

Bonjour Babeillou, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Bonjour. J’ai 55 ans, mariée deux fois, divorcée deux fois et j’ai une fille de 21 ans née d’une union sans mariage ! Après avoir eu DES vies de couples plutôt mouvementées, me voici, enfin, depuis 5 ans, dans une relation sereine et tendre.

J’habite la moitié de temps à Paris auprès de mon compagnon et l’autre moitié avec ma maman dans le Sud-Ouest. Je suis fille unique et il m’a toujours paru évident que je m’occuperai d’elle à l’approche de ses vieux jours. Maman est bien plus qu’une mère : c’est mon amie, ma confidente, celle avec qui je ris le plus. Bref, elle est formidable !

J’aime lire, chanter, surfer sur le net, regarder des séries. Et j’adore les chats : j’en ai 8 !

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Vous êtes atteinte de troubles bipolaires. Pourriez-vous nous dire quand a été posé le diagnostic ? Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour poser le diagnostic ? Combien de médecins avez-vous rencontré ?

C’est mon entourage amical qui m’a alertée sur mon état quand j’étais en phase hypomaniaque, sans que quiconque, encore moins moi, sache de quoi il s’agissait. On me disait que j’allais mal alors que je me sentais au top de ma forme. Je n’y prêtais pas attention. A cette époque, je sortais d’un divorce, avec peu de revenus, ma fille avait 9 ans. Quelques mois plus tard, une amie m’a proposé de m’offrir les 4 premières séances avec une thérapeute qu’elle connaissait et qui utilisait les TCC (thérapie cognitivo- comportementale). J’ai tout de suite eu confiance en elle. Et j’ai continué. J’ai passé des tas de tests, et après une dizaine de séances, elle m’a lu un texte. Quand elle a terminé, j'étais en pleurs. Il s’agissait de la définition et des symptômes des troubles bipolaires. Et c’était tout moi. J’ai souhaité avoir un autre verdict. J’ai donc consulté un psychiatre que l’on m’avait recommandé (il est d’ailleurs toujours mon « docteur foldingue »). Même diagnostic. Entre ma première prise d’antidépresseurs et le diagnostic de bipolarité, il s’est passé 16 ans.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de ce diagnostic ? Qu’est-ce que cela a changé dans votre vie ? Comment ont réagi vos proches ?

Le diagnostic m’a tout d’abord anéantie. Etais-je folle ? Depuis quand ? Je me suis énormément documenté sur ce trouble de l’humeur, lu des témoignages. Mon psychiatre et ma thérapeute m’ont aussi beaucoup aidée. Il m’a fallu environ 1 an pour passer le fil de ma vie en revue et tâcher de comprendre à quels moments je décidais moi-même, avec ma personnalité propre, et quand la maladie était aux commandes. Finalement, le diagnostic a été un soulagement. Le mal-être que je vivais depuis toujours avait un nom.

Maman a été là pour moi, comme toujours. Je lui faisais part de toutes mes découvertes au fur et à mesure. Et elle a accepté d’être mon signal d’alerte : me connaissant mieux que quiconque, elle sait comment me dire si elle perçoit des signes de pré-dépression ou un début de phase hypomaniaque, malgré mon traitement. Elle a ma totale confiance.

Certains de mon entourage se sont faits plus distants jusqu’à couper les ponts. Cela m’a blessée sans vraiment m’étonner de leur part.

En revanche, l’attitude de mon amie de plus de 25 ans a été la plus douloureuse : lentement, elle s’est détachée sous des prétextes fallacieux, mettant toujours plus de distance entre nous, pour finir par avouer à une amie commune (qui, elle, est toujours aussi présente) qu’elle ne pouvait pas gérer ma maladie.

Comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quel a été l’impact de la maladie sur votre vie sociale ? sur votre vie professionnelle ? sur votre vie familiale ?

Ma première envie de suicide m’a traversé l’esprit à l’âge de 10 ans. J’ai été dépressive très tôt, quand je me sentais mal, je me scarifiais les bras ou je me tapais la tête contre le mur. J’avais sans cesse l’impression d’être différente des autres. Mes parents disaient de moi que j’avais un caractère « particulier », passant d’humeur boudeuse ou désagréable à des phases très actives.

J’ai toujours eu du mal à me faire des amis. En revanche, ma vie sexuelle a été très active relativement tôt pour mon époque.

Entre mes 27 et 34 ans, j’ai tenté deux thérapies avec des psychologues, commencé les antidépresseurs, fais une tentative de suicide, et suivi 5 ans d’analyse avec une psychiatre-psychanalyste qui n’a rien décelé…

J’ai tout arrêté lorsque je me suis installée en banlieue. De plus, ma fille est née et je me suis aussi occupé des 2 petites filles issues de la première union du père de ma fille.

Au long de ces années, j’ai souvent replongé en dépression et aussi vécu des périodes formidables pendant lesquelles je dormais peu, avais 10 nouvelles idées ou envies à la minute, prenais des décisions sur des coups de tête, maigrissais rapidement, travaillais non-stop 12-15 heures durant, dépensais plus d’argent que je n’en gagnais et ma libido était totalement débridée. Et je croyais que c’était normal… Je me sentais merveilleusement bien.

Prenez-vous un traitement médicamenteux ? Est-ce efficace ? Existe-t-il des effets secondaires ?

Il a fallu environ 2 ans avant que mon psychiatre trouve enfin un cocktail qui me convient. Tous les médicaments préconisés en première instance avaient des effets secondaires que je ne pouvais pas gérer. Actuellement, je prends Depamide 300 mg, 5 par jour, Cymbalta 60 mg, 2 par jour et Laroxyl à raison de 22 gouttes chaque soir. Je n’ai jamais pu arrêter les antidépresseurs. Chaque cure de « sevrage » a été un échec : j’avais des vertiges permanents.

Pour rien au monde je n’arrêterais mon traitement. D’abord pour mon entourage proche ; je ne voudrais pas leur faire du mal. Je me souviens à quel point j’ai pu être agressive, délirante dans mes envies de tout changer voire casser dans ma vie, mes relations, mon boulot. 

Mais je ne veux pas non plus arrêter pour moi ; là aussi, je me souviens des périodes de profond mal-être, une douleur intérieure inexplicable qui donne envie de hurler, d’en finir avec la vie.

Alors, bien sûr, il y a des effets secondaires. Tout d’abord, j’ai pris 20 kilos. J’aimais écrire de beaux textes, parfois des poésies, j’avais, je crois un certain style. Tout cela s’est envolé avec le traitement. Et depuis environ 2 ans, j’ai de plus en plus de problèmes cognitifs : manque de concentration, de mémoire à court terme et mes mains tremblent de plus en plus. Le traitement contre les troubles bipolaires n’est pas seul en cause. Je prends aussi de nombreux anti-douleurs contre la fibromyalgie. 

Aujourd’hui je ne travaille plus. Trop de difficultés cognitives et aussi trop de douleurs dues à la fibromyalgie… C’est difficile à accepter. J’ai l’espoir de reprendre une activité différente et moins fatigante plus tard.

Vous dites avoir beaucoup travaillé sur vous-même. Qu’avez-vous mis en place ? Quels en ont été les bénéfices ? Vous sentez-vous plus apaisée ?

La psychothérapeute qui a su déceler mon trouble, même si je sais que ce n’était pas son rôle, m’a en quelque sorte sauvé la vie. J’ai continué à la consulter pendant plus de 2 ans sous forme de TCC. Ces séances ainsi que mes visites mensuelles chez le psychiatre m’ont permis d’apprendre mes propres signes et symptômes annonciateurs de rechute, un peu à la manière de la psychoéducation, mais sans le travail en groupe.

Je suis partie en province pour me rapprocher de ma mère, et surtout pour vivre dans un cadre moins stressant que la région parisienne. J’ai aussi arrêté toute consommation d’alcool. 

J’ai continué à travailler seule, particulièrement à travers la lecture et quelques formations en m’ouvrant à l’Analyse Transactionnelle, la Programmation Neuro-linguistique, la Communication Non Violente. Je pratique aussi la méditation.

Ce « travail » a été facilité par ma profession. En effet, je me suis mise à mon compte en tant que formatrice pour adultes avec pour thèmes le management, la communication écrite, orale et interpersonnelle et, les dernières années, le développement personnel. 

Depuis presqu’un an, je suis de nouveau suivie par le centre médico-psy de mon département.  

Je me sens apaisée après toutes ces années de montagnes russes. La pose du diagnostic et le travail effectué depuis des années ont le mérite de m’avoir permis de mieux me connaître et d’être plus attentive aux autres. Il paraît que je suis devenue une « bonne oreille » !

Bien évidemment, certaines choses n’ont pas changé. Je suis toujours hypersensible, mais lorsqu’une émotion me touche de plein fouet, je l’accueille et cherche à comprendre les raisons de cette émotion pour pouvoir la gérer. Quelques autres bémols : mon sommeil est encore très perturbé. Et je fais de l’hyperphagie boulimique.

Parlez-vous facilement de la maladie ? Que pensent les gens qui vous entourent lorsque vous le leur annoncez ? Avez-vous toujours pu en parler aussi facilement ?

Après l’annonce du diagnostic, j’ai eu besoin d’en parler très fréquemment autour de moi. Puis, constatant les réactions décrites plus haut, je n’ai plus voulu m’étendre sur le sujet. Jusqu’au jour où j’ai décidé d’en parler pendant mes formations. D’une façon ou d’une autre, face à des apprenants qui avaient souvent des doutes sur leurs compétences, ou manquant d’estime d’eux-mêmes, je me suis ouverte sur ma maladie pour plusieurs raisons : d’une part établir un climat de confiance pour que les stagiaires s’ouvrent sur leurs difficultés. D’autre part, montrer qu’une maladie psychiatrique n’empêche pas d’avoir une vie sociale et professionnelle. Et enfin, faire connaître cette maladie dont beaucoup parlent sans savoir de quoi il s’agit.

Les retours ont toujours été bienveillants. Je crois qu’il en a été ainsi parce que je n’ai plus peur du regard des autres

Maintenant, je parle très facilement de mes troubles avec les gens que je rencontre. Ils sont surpris, puis intéressés de comprendre.

Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également atteints de troubles bipolaires ?

Un traitement à vie peut faire peur. Pourtant, selon moi, c’est un des 3 piliers fondamentaux pour vivre avec cette maladie sereinement. Les deux autres piliers sont une vie la moins stressante possible et l’accompagnement thérapeutique.

Trouvez des activités qui vous épanouissent et vous apaisent. Faites-vous du bien. Vous le méritez. Car personne d’autre que vous ne sait à quel point vous avez traversé ou traversez encore des moments douloureux.

Un dernier mot ?

Je dis souvent : « je suis malade ; je ne suis pas une maladie ». Je vous le dis à vous aussi. Répétez-le-vous chaque jour au réveil. 

Notre maladie est comme un étranger qui s’est installé en nous sans nous demander la permission. Alors quand les symptômes reviennent lentement à la rescousse, mettez-lui un bon coup de pied aux fesses et respirez à fond.


Merci à Babeillou pour son témoignage !

Ce témoignage vous a-t-il été utile ?

N'hésitez pas à partager vos réflexions et vos questions avec la communauté dans les commentaires ci-dessous !

Prenez soin de vous !


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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

12 commentaires


SCHMEUH
le 21/06/2021

Bonjour à tous, merci pour votre témoignage et vos commentaires. J'ai aimé une femme en déni de bipolarité, et je prie chaque jour pour qu'elle écoute un jour le message plein d'amour que j'avais pour elle, en observant sa vie et ce qui ressemblait à des symptômes caractéristiques, et dont elle me faisait si souvent part, sans vouloir voir par elle-même, comme une honte. Je ne saurai jamais si quand elle m'aimait, elle était elle-même, ou comme certains le disent, elle ne l'était pas, et inversement: quand elle m'a jeté, qui était-elle ?

J'ai vécu une merveilleuse histoire, et je ne saurai jamais ce qui a bien pu se passer: sauf ce que je crains le plus, sa bipolarité, et son absence de prise en charge, puisqu'elle était en déni.


Sarougeviolet
le 10/04/2022

Bonjour / bonsoir à tous.

Merci beaucoup pour ce témoignage fort enrichissant.

Les questions semblent vous avoir aidé à dérouler votre vie de bipolaire en errance / diagnostiqué puis soigné / présentement / au futur.

Bravo pour votre courage car se dévoiler n’est pas chose aisée.

Je suis tentée de vous parler de moi mais n’ayant pas réellement posté ici : je préfère écrire ma présentation.

Je vais la poster dans ces jours à venir.

Bonne journée / soirée à tous.

Mélika.





soisyck
le 12/05/2022

Bonjour

Même histoire pour mon.fils quelle renaissance à partir du diagnostic et du traitement adapté !

Ne perdez pas espoir et allez dans des centres experts pour avoir un.diagnostic fiable

Bon.courage à vous tous et toutes!


Bob1935
le 12/05/2022

Bonjour.

Je suis bipolaire, après de nombreuses crises, j'ai été pris en main par le Centre Hospitalier Manhes à Fleury Mérogis.

J'ai été soigné par "Électroconvulsivothérapie", je n'ai plus de symptômes depuis lors.

Mon régime medicamenteux consiste à prendre un cachet de Dépamide 300mg matin et soir.

Bien à vous

Robert Diers


Nath1947
le 12/05/2022

Bonjour

Merci de votre témoignage. J ai 53 ans et je suis bipolaire depuis 1997. Pour le sommeil j utilise du CBD ça me fait gagner entre une et deux heures . Par nuit

Pt être devriez vous essayer ? C est sans risque vous pouvez en parler à votre médecin

A bientôt



Nathalie


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