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Schwannomatose (NF3) : “Il faut trouver, au fond de soi, la meilleure façon de vivre sa vie !”

Publié le 28 sept. 2022 • Par Candice Salomé

Nicolas, bénévole au sein de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R) et atteint de schwannomatose (aussi appelée neurofibromatose de type 3), revient pour Carenity sur la maladie, son parcours et sa prise en charge. Il nous parle également de son quotidien avec la maladie et de son dévouement au sein de l’A.N.R. 
 
Découvrez vite son histoire ! 

Schwannomatose (NF3) : “Il faut trouver, au fond de soi, la meilleure façon de vivre sa vie !”

Bonjour Nicolas, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions. 

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Je suis Nicolas, né à Albertville et j'ai grandi dans un petit village d'Ardèche proche de Valence. J'ai ensuite passé ma vie étudiante à Grenoble, puis j'ai travaillé 3 ans en Suisse, 2 ans en Allemagne pour enfin trouver un poste de chargé de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et être affecté à l'Institut des Géosciences de l'Environnement (IGE) de Grenoble. Je suis donc chercheur et mes travaux portent sur l'évolution des glaciers de montagne. Par ailleurs, je suis marié et j'ai deux filles de 6 et 8 ans. 

J'habite maintenant une petite maison de Pont-de-Claix proche de Grenoble en Isère, et je passe beaucoup de temps en famille, que ce soit pour le quotidien ou pour des moments extraordinaires. J'aime profondément la nature, et c'est assez naturel que je sois passionné par mon métier de comprendre les glaciers mais également leurs liens avec les rivières, l'atmosphère, la neige et les écosystèmes. Je m'épanouis également dans le sport comme la randonnée, le football, le ski de randonnée… 

Pour finir cette présentation, je dirais que j'aime la philosophie dans son sens noble et les échanges sociaux variés, cela englobe le fait de profiter de chaque instant, le fait de faire la fête, au fait de réfléchir et de discuter de politique, de psycho-sociologie, d'astrophysique, de géographie, de la mort… Ma plus grande qualité est mon plus grand défaut : la curiosité, j'aime tout !

Ah une dernière remarque ! J'ai pour désir infini d'œuvrer pour l'inclusion de tous et toutes dans le respect, la diversité et l'éducation. Je suis donc une personne heureuse et, malgré l’importance de ma maladie dans ma vie, je ne la subis pas (aujourd’hui car cela n’a pas toujours été le cas et ne sera peut-être pas toujours le cas). Je vis avec et elle m’accompagne mais ne me définit pas ! Elle fait partie de l’ensemble des choses qui composent notre existence. 

Vous êtes atteint de schwannomatose, parfois aussi appelée neurofibromatose de type 3 (NF3). Pourriez-vous nous parler de la maladie et de ses symptômes ?

Une maladie est difficilement compréhensible pour celui ou celle qui ne fait pas l'effort intellectuel de se mettre à la place de l'autre et qui est dénué d'empathie. Cela me semble encore plus vrai pour la schwannomatose ! En plus d'être très rare, elle est incomprise, incurable, évolutive et imprévisible

Pour entrer rapidement dans sa description, une ou plusieurs anomalies génétiques entraînent une croissance incontrôlée des cellules de Schwann entourant les nerfs (d'où son nom) et forment des tumeurs, presque tout le temps bénignes. À certains moments, ces tumeurs deviennent douloureuses (compression du nerf, inflammation ou autres), c'est le symptôme le plus marqué. Ces douleurs sont indescriptibles et très intenses. Elles sont de quelques secondes répétées toutes les minutes pendant plusieurs jours sans interruption avec des coups de poignard soit à l'endroit de la tumeur, soit sur le trajet du nerf porteur de la tumeur, à une douleur sourde, intense, continue, globalisée… Les douleurs peuvent nous faire perdre la raison ! 

Étant composée d'un aspect neuropathique important, les traitements médicamenteux sont de peu d'effets et possèdent souvent de nombreux effets secondaires. En plus de cela, la schwannomatose entraîne une fatigue importante, un isolement social, des difficultés de concentration, un manque de sommeil… Et, un autre point important, est que la neurochirurgie est un traitement souvent efficace avec une réussite importante, un vrai soulagement pour les patient.es. Malheureusement, en fonction de la localisation de la tumeur et de la grande difficulté de l'acte chirurgical, des conséquences suite aux opérations existent régulièrement (de la perte de sensibilité locale à l'absence de soulagement de la douleur et perte de l'usage d'un membre). 

Pour tenter de conclure, j'ai mentionné que la maladie était incomprise car les processus de croissance tumoraux sont méconnus (ainsi que les causes) ; incurable car on ne peut actuellement rectifier le ou les gènes abîmes ; évolutive car les tumeurs sont en constante évolution bien que les localisations et vitesses de croissance soient très variables ; et imprévisible car nous ne savons jamais ce qui va nous arriver 6 mois plus tard

Quelles ont été les premières manifestations de la maladie ? Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ?

Alors, la première manifestation (mais que ni mes parents, ni moi-même n’avions associée à la schwannomatose) a été l'exérèse d'un schwannome de la cuisse à l'âge de 15 ans. Et nous nous en étions aperçus par hasard lorsque, tombant en jouant au foot, une chaussure a appuyé fortement dessus et cela a provoqué une douleur extraordinaire. En palpant la zone par la suite, nous avons découvert une boule qui fut identifiée par échographie comme un schwannome. Je dois mentionner ici que tout le monde peut avoir un schwannome dans sa vie sans être atteint de schwannomatose, sa déclaration clinique nécessite au moins 2 tumeurs

Ensuite, peu de choses se sont passées pendant plusieurs années ; des douleurs sourdes, continues, toujours en augmentation sont apparues les nuits lorsque j'avais 22 ans. Après de longs errements médicaux (et cela bien que mon père soit également atteint, peut-être un peu par déni et un peu par la complexité des symptômes – la douleur étant très peu spécifique comme symptôme et difficile à décrire) et notamment une IRM de la colonne vertébrale, plusieurs schwannomes ont été détectés au niveau dorsal et lombaire, c'est alors que le diagnostic est tombé. Je ne me souviens pas cependant qu'un seul médecin m'ait dit "vous avez une schwannomatose (neurofibromatose de type 3 à l'époque)" ! 

Combien de médecins avez-vous rencontrés et quels examens avez-vous passés ?

Haha, de nombreux ! Je dois dire que malgré la rareté de la maladie (peut-être 500 malades en France !) et donc sa méconnaissance, les médecins qui m'ont suivi ont été compétents. Je pense avoir rencontré (durant cette période car j'en ai rencontré de nombreux autres depuis) plus de 12 médecins (2 neurochirurgiens, 3 médecins traitants, 2 radiologues, 2 dermatologues, 2 généticiens, 2 kinésithérapeutes et j'en oublie sans doute !) sans compter tous les soignants et toutes les soignantes des hôpitaux après avoir été opéré 2 fois durant l'été 2010. 

Concernant les examens, les principaux ont été analyses de sang, échographies et IRM de diverses régions du corps. 

Avez-vous pu recevoir toutes les informations nécessaires à la compréhension de la maladie de la part de l’équipe médicale ?

De manière générale non, mais ce n'est pas la faute des soignants et soignantes, la raison est que la maladie est incomprise. Par chance ou feeling, la grande majorité des personnes qui m'accompagnent sont extraordinaires ! Mais je connais de nombreux autres patients et patientes pour qui ce n'est pas le cas. Ainsi, les informations données ont quand même été très utiles, pertinentes pour ce que nous savons de la maladie. Et je dois quand même rajouter que sans travailler soit même sur la maladie (c'est-à-dire se renseigner sur la maladie, suivre des cours de médecine…) et co-construire des solutions, co-comprendre la maladie avec les soignants et soignantes, il n'aurait pas été possible de vivre aussi bien aujourd'hui. 

De manière générale, je pense qu'il faut repenser la médecine moderne avec deux principes :

  • Le premier est que la médecine est l'art de soigner avec l'aide de la science et non pas la science du soin (on s'en fout de prendre ce traitement ou celui-là parce que statistiquement il marche mieux, on prend celui qui est le plus adapté),
  • Le deuxième est que le ou la patiente et ses soignants et soignantes sont ensemble et indissociables pour aider le malade et avancer pour améliorer la vie du malade (le médecin n'est pas un ou une professeure qui sait et le ou la patiente un élève). De plus être moteur (quand cela est possible) de ces soins aident à leurs qualités et à leurs effets ! 

Que pensez-vous de votre prise en charge ? En êtes-vous satisfait ? 

Dans l'ensemble oui, j’en suis satisfait. Comme je l'ai dit, je suis suivi par des soignants et soignantes exceptionnels et ma ténacité m'a permis de "construire" une équipe médicale qui me prend bien en charge. Il y aurait cependant tellement à dire sur l'organisation du système de soin ainsi que l'aide, la simplification des choses que nous pourrions apporter aux patients et patientes : charge financière et administrative, cloisonnement des métiers de soins, difficultés d'accès… Plus spécifiques à la schwannomatose sont le manque d'informations et de formation sur cette maladie pour les médecins, et un centre de référence uniquement à Paris

Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfait ?

En ce moment, ils sont très faibles voire inexistants. En fait, ils dépendent entièrement du nombre, de la taille et des effets des schwannomes que j'ai. Dans les périodes de douleur intense, ceux-ci peuvent être du paracétamol, des anti-inflammatoires, des dérivés morphiniques et des neuroleptiques par exemple (neurontin, lyrica), avec des médicaments complémentaires pour limiter les effets secondaires des premiers. Je ne l'ai pas encore fait mais je sais que l'acupuncture, la sophrologie, la cryothérapie peuvent soulager en partie les douleurs. Et des essais sont en cours sur le CBD. 

Pour terminer, le ressenti de la douleur est aussi modulé par l'état de fatigue, le stress (au travail, à la maison, sur l'état du monde), l'activité sportive, l'alcool, les moments de la journée… et de nombreuses choses que j'oublie. 

Sur la satisfaction, je le suis entièrement sur la charge du traitement qui est plutôt faible mais évidemment pas sur la qualité car la réduction de la douleur est souvent très insuffisante… 

Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?

Il y aurait beaucoup de chose à dire et ce serait très long ! Commençons par ma vie professionnelle. Comme je suis dans un métier qui est évalué sur les résultats scientifiques (peu importe comment tu travailles, combien de temps, quelles sont tes circonstances particulières…), l'impact est fort. Si je résume, ayant eu entre 1 et 2 mois d'arrêt maladie pour opération chirurgicale pendant 10 ans, plus de 2 à 3 mois de douleurs intenses précédent les interventions, accompagnés de nombreux rendez-vous médicaux, je dirais que j’ai eu entre 30 et 35% de temps de travail en moins comparé à mes collègues, ce qui est significatif sur les résultats de recherche que j'ai pu produire. Ainsi, j'ai réussi le concours CNRS grâce à la reconnaissance RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé). 

Maintenant que je suis en poste permanent, la qualité du travail est la même (ou presque) que mes collègues quand mes schwannomes me laissent tranquilles et elle est très affectée dans des moments de crise, mais j'ai la chance que cela soit accepté, compris et pris en compte dans mon travail. 

Je ne vais pas beaucoup m'étendre sur ma vie privée, l'impact le plus important, et j'en suis profondément attristé et désolé (et je remercie ma femme, mes enfants du fond du cœur, mes parents et mes amies également), concerne ma patience, ma tolérance qui sont réduites à la maison et mon agacement, irritation, énervement qui sont accentués. Cela s'accompagne d'une fatigue importante et de mauvaises nuits qui m'empêchent de faire l'ensemble des activités que j'aimerais par manque de temps. 

Je précise également en revenant sur ma vie professionnelle que ma concentration est souvent aussi réduite à cause de la fatigue, du manque de sommeil et de la douleur … 

Pour terminer sur ma vie personnelle, toutes les opérations subies (12 ou 13 je crois, à 36 ans) avec leurs conséquences ont des impacts forts sur ma carrière de sportif, que ce soit en termes d'entraînements ou de récupération (vous demanderez à des sportifs et sportives professionnels comment cela est difficile de revenir après une blessure et une opération, alors imaginez 10 !) ou en termes de capacité physique qui s’amoindrit avec le temps (blessures récurrentes au muscle car nerf affecté, plus de sensibilité au pied gauche, moins de motricité au pied droit). Je sais également que la maladie peut avoir des impacts sur la sexualité, entraîner des dépressions, du manque de lucidité à cause de la douleur, du manque de motricité également à cause de la douleur… et j'en oublie ! 

Avez-vous dû revoir votre mode de vie depuis l’annonce du diagnostic ? 

Non pas vraiment, en tout cas pas à cause du diagnostic car je ne crois pas que des façons de vivre soient identifiées pour mieux vivre la maladie, améliorer les symptômes ou diminuer la croissance des tumeurs (à ma connaissance, et s'il y en a je suis preneur !). Je dirais plutôt que ma façon de vivre s'adapte à ma situation de santé. En plus d'une maladie évolutive, j'ai une façon de vivre évolutive ! Mais bon, potentiellement tout le monde est dans ce cas pour d'autres circonstances de vie. 

Vous sentez-vous soutenu par vos proches ? Comprennent-ils la maladie ? 

Entièrement ! Et je rajouterais que cela a pris du temps, ce n'était pas forcément autant le cas au début mais cela s'est amélioré grandement depuis. Certains proches comprennent la maladie, d'autres moyennement, d'autres non mais cela n'empêche pas de recevoir du soutien de leur part dans la mesure de leur possible. 

Après, tout n'est pas tout rose, et je suis aussi souvent remis à ma place soit par manque de compréhension, soit par abus de demande de soutien de ma part car les malades peuvent exagérer également ! Par contre, en dehors du cercle proche, le soutien est extrêmement variable et la compréhension de la maladie faible, ce n'est pas facile à gérer. 

Vous êtes bénévole au sein de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.). Dans quel but ? Qu’est-ce que cela vous apporte ? Quelles sont vos missions au sein de l’association ?

Je suis membre actif et représentant des schwannomatoses depuis peu. Du coup, j'apprends ! Mon objectif principal est d'aider les médecins à mieux accompagner les patients et patientes (je participe par exemple à l'écriture de documents sur la maladie destinés au personnel médical) et améliorer la recherche sur la maladie, sans doute par déformation professionnelle car je pense que c'est là que j'aide le plus (traitement des douleurs, suivi psychologique, amélioration des opérations notamment pour diminuer les séquelles et compréhension de la maladie, mécanisme de croissance des tumeurs et cause génétique et environnementale de la maladie). 

Je participe également à divers groupes de discussion, à la rencontre des malades, à la communication autour de la maladie… Je suis par contre très mauvais dans l'écoute empathique des patients et patientes qui râlent et se plaignent, alors que c'est compréhensible et l'écoute est nécessaire ! Je m'inquiète également du manque de considération des soignants et soignantes dans les hautes sphères du pouvoir… Je milite pour une transparence, démocratie, inclusion, construction collective à toute épreuve pour l'association et pour tous les projets de santé en général ! 

Et pour terminer, l'association est essentielle car elle apporte une communauté qui permets de mettre du sens dans sa vie, ses actions et se rencontrer ensuite avec d'autres communautés, ce qui fait l'ouverture au monde. Mais surtout je crois que sans faire un grand bruit l'association m'apporte une grande énergie

Enfin, quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par la schwannomatose ?

C'est sans doute la plus complexe des questions … car il n'y a pas de bon conseil aux autres malades ! L'opinion que je peux émettre est de trouver au fond de soi ou au fond d'autres personnes ou dans la nature ou dans sa spiritualité (quelque part en tout cas) ce qui permet de vivre sa vie ; et vivre sa vie est la meilleure façon de la vivre puisque c'est cette vie-là, unique, que l'on vit ! 

Le conseil que j'aurais est de continuer, continuer à chercher ce dont on a besoin, continuer à vivre sa vie entièrement ! 


Un grand merci à Nicolas pour son témoignage !       
     
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

2 commentaires


Wonderfulmind
le 08/03/2023

Bonjour Nicolas, je viens de lire votre témoignage et c’est à la fois la tristesse qui m’envahi et comme ci j’avais un miroir devant moi… j’ai 39 ans, 3 enfants, première opération en 2009, j’ai appris que j’étais malade en 2012 … depuis j’ai été opéré 9 fois et j’ai connu également les différents traitements … j’ai une question concernant mes enfants, je me demande si ils vont connaître le même parcours ou si ils passeront au travers des mailles.. merci pour votre réponse, Laëtitia


valjoukeke
le 28/04/2023

Bonjour Laëtitia, cela dépend si vous avez transmis à vos enfants le ou les gènes déficients. En gros il y a une chance sur deux si le père de vos enfants n'est pas atteint. Je vous invite à contacter un centre de génétique proche de chez vous pour premièrement connaître le gène atteint chez vous, et peut-être que la même analyse pourra être mené chez vos enfants. Sinon merci pour votre retour et également en général les symptômes se déclenchent uniquement à l'âge adulte donc vos enfants peuvent dans tous les cas vivre tranquillement et innocemment leur enfant. Bonne journée, Nicolas

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