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Encéphalomyélite Myalgique (EM) : “Il faut prendre conscience des défis anormaux auxquels nous sommes confrontés.”

Publié le 27 déc. 2023 • Par Candice Salomé

EM & Co. a 29 ans et est atteinte d’encéphalomyélite myalgique (EM), anciennement appelée syndrome de fatigue chronique. Depuis très jeune, elle sait que quelque chose ne va pas. Dès ses 9 ans, des hypoglycémies quotidiennes, des malaises à répétition, des crises de tachycardie, ou encore des vomissements, l’envahissent au point de devoir revoir sa vie et ses activités. En errance diagnostique depuis de très longues années, ce n’est qu’à 28 ans qu’elle est enfin diagnostiquée. 

Désormais, elle partage sa compréhension de la maladie sur son compte Instagram @em_nco afin d’informer, d’échanger mais surtout de permettre un soutien aux nombreux patients atteints de maladies chroniques et invisibles. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity. 

Découvrez vite son histoire ! 

Encéphalomyélite Myalgique (EM) : “Il faut prendre conscience des défis anormaux auxquels nous sommes confrontés.”

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Hello ! J'ai 29 ans et je suis la créatrice du compte Instagram @em_nco, à travers lequel je peux laisser libre court à deux passions : sensibiliser à l’Encéphalomyélite Myalgique (EM) et au handicap invisible (& Co.) tout en donnant vie à la création de visuels. 

J’aime créer et comprendre les mécanismes physiologiques et les processus biologiques impliqués dans certains dysfonctionnements internes du corps. 

En dehors de l’univers créatif et scientifique, j’adore contempler et photographier la beauté du ciel et de la nature. La mer est mon endroit préféré, j’y sens mon cœur et mon esprit comblés. 

Au quotidien, je vis avec mon conjoint. Sa présence et son soutien constants m'aident à vivre pleinement malgré la maladie. 

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Quelles ont été les premières manifestations de l’encéphalomyélite myalgique (EM) (aussi appelée syndrome de fatigue chronique) ? Quel âge aviez-vous ? Quand avez-vous décidé de consulter ? Quels médecins avez-vous rencontrés ? 

Mes premiers symptômes remontent à l’âge de 9 ans avec des hypoglycémies quotidiennes. À 11 ans, j’ai eu mon premier Malaise Post-Effort (initialement attribué à une succession de malaises vagaux), à la suite d’une randonnée Halloween. Mon village organisait tous les ans un repas après la randonnée, et c’est au moment de l’entrée que j’ai dû quitter la table à plusieurs reprises pour aller m’évanouir. Je n’arrivais pas à rester consciente en position assise. 

Après consultation, on m’a diagnostiqué une thyroïdite de Hashimoto

J’ai également été suivie en cardiologie pour des palpitations et extrasystoles quotidiennes, et pour des crises de tachycardie la nuit qui duraient 3h et se terminaient par des vomissements. 

Plus les années passaient, plus mon état se dégradait. Toute activité était suivie d’un malaise. Malgré mes inquiétudes précoces sur ma santé, les médecins ne partageaient pas mon point de vue, et aucun généraliste que je consultais ne prenait mon cas au sérieux. Tout était dû à la thyroïdite selon eux. 

Alors j’ai vécu pendant des années avec une fatigue écrasante, une faiblesse généralisée avec des douleurs internes difficiles à décrire, des difficultés respiratoires, des malaises quotidiens, des problèmes cardiaques handicapants et une nécessité de manger toutes les 2-3 heures, avec du sucre à portée de main jour et nuit, sans aucune prise en charge. 

J’ai dû tout adapter à ma santé, y compris mes études, que j’ai réalisées à distance. J’étais incapable de me tenir droite, je vivais constamment avec le haut du corps légèrement penché en avant. Je ressentais un dysfonctionnement de mes organes, et je savais qu’à long terme j’allais avoir de gros problèmes, mais j’étais seule. 

Récemment, une suspicion de maladie de Crohn est apparue en raison de saignements fréquents, de crises intestinales et de douleurs abdominales constantes (une des raisons qui m'obligeaient à me pencher en avant pour éviter tout malaise). Je ne pouvais plus manger, la nourriture m’écœurait, et j’avais l’impression d’avoir les organes « troués », « nécrosés ». Mon corps n’arrivait plus à digérer et à assimiler les aliments. 

Combien de temps a-t-il fallu pour que vous puissiez être diagnostiquée ? Quels examens avez-vous dû passer ? Quelle est votre prise en charge actuelle ? 

J’ai reçu le diagnostic d’Encéphalomyélite Myalgique à l’âge de 28 ans seulement, en avril 2023, après plus de 18 années d’errance, par l’interniste qui suspectait la maladie de Crohn. Le traitement prescrit dans le cadre de l’EM pour les voies digestives et le métabolisme a éliminé les symptômes apparents de la maladie de Crohn, y compris les saignements. Mon interniste ne sait pas par quel mécanisme cela s'est produit, c’est pour vous dire combien l’EM, pourtant reconnue par l'OMS depuis 1969, est aujourd’hui encore une maladie mal comprise ! 

Le diagnostic a été confirmé par une TEP/IRM au FDG, révélant un hypométabolisme caractéristique de la maladie. Voir les images a été un réel soulagement. 

À ce jour, je continue à être suivie en médecine interne, car l’EM est une maladie neurologique systémique

Pourriez-vous nous décrire l’impact de l’EM sur votre quotidien ? Il y a-t-il des choses que vous ne faites plus ? 

À cause de ma condition extrêmement instable, je ne travaille plus depuis 2021 et, aujourd'hui encore, je reste dans l'incapacité de travailler. J'ai mis fin à toute activité physique depuis longtemps, et ai donc été contrainte d’abandonner mes passions telles que l’équitation, le Handstand, la GRS, le motocross … Même jouer de la guitare déclenchait des douleurs terrassantes au niveau des épaules. Je n’ai également plus l’énergie de chanter. 

Ma vie repose désormais sur une approche de repos stratégique, visant à minimiser les efforts physiques et cognitifs pour économiser mon énergie. Mon corps est extrêmement affaibli et, après seulement quelques dizaines de mètres de marche, par exemple, le malaise m’envahit, comme si quelqu’un venait de me frapper violemment à la tête. Tout part du cerveau qui se brouille et alerte le corps qu’il court un danger, et les symptômes neurologiques affluent. Du coup, je ne peux quasiment plus rien faire. Je vis principalement allongée ou assise dans un canapé avec les jambes surélevées. 

Êtes-vous atteinte d’autres pathologies ? Lesquelles ? 

J’ai une dizaine de pathologies au total comme la dysautonomie cardiaque, le syndrome d’activation mastocytaire, le syndrome de Raynaud ou le SII, qui sont, elles, associées à l’EM. 

Vous êtes également atteinte d’endométriose. Quel est, ou a été, l’impact de l’endométriose sur votre vie privée et professionnelle ? 

Quand j’ai commencé à travailler, j’avais déjà une pilule qui me coupait les règles, et les douleurs pelviennes hors règles étaient supportables. Il n’y a qu’entre 2019 et 2021 où la question s’est réellement posée pour le travail, car j’avais de nouveau mes règles. 

Les douleurs menstruelles liées à l'endométriose étant insupportables, je me retrouvais souvent par terre, agrippée au canapé à pleurer et gémir de douleurs. Parfois, je me retrouvais même dans la douche habillée, parce que je n’avais pas eu le temps de retirer mes vêtements tellement il était urgent de soulager les douleurs perçantes avec de l’eau bouillante. Je n’avais pas vraiment conscience de mes actes sur le moment, c’était automatique. Les souvenirs de ces moments me revenaient en mémoire plus tard, sous forme de flashs, une fois les crises de douleur de 9h terminées. 

Alors évidemment, il était impératif pour moi d'être chez moi au moins les deux premiers jours de mes règles, sans négociation possible. Mais j’avais la chance d’être majoritairement en télétravail avec des horaires flexibles qui me permettaient de repousser mes tâches si vraiment je n’avais pas le choix. 

Un phénomène particulier, c’est qu’à cette période, quand je devais impérativement être au bureau à cause d’une charge de travail et des responsabilités considérables, j’arrivais à faire retarder l’apparition de mes règles (et il faut savoir que j’étais réglée tous les mois au jour près). On est capable de repousser les limites de son corps, mais ce n’est pas bien. 

Côté vie privée, j’ai évidemment manqué des tas de sorties à cause des douleurs. J’ai même failli louper un oral du baccalauréat. 

L’endométriose est un handicap qui doit être compris et accepté par votre partenaire, car elle peut sévèrement impacter le couple. Il faut réussir à surmonter ensemble les obstacles liés à la maladie. 

Il y a la publication de mon témoignage complet que j’ai réalisé sur mes années d’errance et les défis liés à l’endométriose sur mon compte @em_nco, au cas où certains souhaiteraient en savoir plus. 

Parlez-vous facilement de vos pathologies ? Vous sentez-vous soutenue ? Vos rapports ont-ils changé avec vos proches ? 

Pendant ma quête de diagnostic, mes parents me répétaient : « Mais tu vois bien, tu as passé des dizaines d’examens et ils n’ont rien trouvé ».

À penser que mon vrai problème était un manque de motivation à « me lever pour faire des choses », alors que ma passion c’est d’apprendre et de faire un milliard de choses, leur jugement m'a affectée. 

Aujourd'hui, ce sont eux, avec mon conjoint bien sûr, qui comprennent le mieux mon état. Je savais que leur attitude était teintée d’inquiétude et d’incompréhension, et qu’ils comprendraient tout le jour venu. Quand je vais voir mes parents, ils sont aux petits soins et m’aident beaucoup, à couper mes aliments notamment quand cela m’est totalement impossible. 

J’ai également la chance de pouvoir être moi-même avec les autres membres de ma famille proche et avec mes amis, et de pouvoir faire passer les impératifs de la maladie avant tout, sans être stigmatisée. 

À vrai dire, je ne peux pas cacher mon état aux personnes que je vois souvent. 

Vous parlez de votre parcours face à la maladie sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir fait ce choix ? Quels messages souhaitez-vous transmettre ? Quels sont les retours de votre communauté ? 

En créant ce compte, je souhaitais partager mes expériences dans le but d'offrir du soutien et, idéalement, d'insuffler de l'espoir à ceux qui vivent des situations similaires.

On partage aussi nos émotions, ce qui permet parfois d’atténuer le sentiment d'isolement. C’est déchirant de constater que de nombreuses personnes souffrent de manière similaire en raison de la maladie, mais le côté positif est que cela crée une compréhension mutuelle. On s’entraide dans la gestion de la maladie, on échange sur nos traitements, nos spécialistes, nos astuces pour améliorer notre qualité de vie ... C'est un espace de partage infini. 

Un autre aspect essentiel est de rendre l’EM et les maladies chroniques plus compréhensibles, de les démystifier autant que possible en expliquant les processus responsables des dysfonctionnements internes. Parfois, on veut en savoir plus, mais les médecins n'ont pas toujours le temps de rentrer dans les détails. Moi, j’ai besoin de chercher, de comprendre, de savoir, et j’aime le partager, au cas où d'autres personnes ressentiraient également ce besoin de compréhension. 

Les retours des personnes qui suivent mon compte sont incroyables. Il y a tant de bienveillance et d’émotions ! Leurs messages sont une source de réconfort et confirment que j’ai pris la bonne décision en ouvrant ce compte. Je suis profondément touchée par leurs retours, et je peine même à trouver les mots pour l’exprimer. 

Que pensez-vous que les réseaux sociaux, forums santé et podcasts apportent aux patientes dans la gestion de la maladie ? Est-ce important, selon vous, d’être informé sur ses pathologies ? Si oui, pourquoi ? 

Je pense qu’il est primordial d’être informé sur ses pathologies, et cela passe par les réseaux sociaux, les forums santé et podcasts, lorsque les médecins ne disposent pas du temps nécessaire pour nous exposer en détail notre pathologie, ou s'ils ne la connaissent pas parfaitement. Sur Internet, c’est une mine d'informations qui est partagée, les témoignages et astuces de chacun se recoupent et se complètent pour former le puzzle que l’on pensait devoir construire seul. 

Connaissiez-vous Carenity auparavant (ou d’autres forums de santé) ? Qu’en pensez-vous ? 

Je me suis rendu compte que les seuls avis détaillés sur mon traitement que j’avais trouvés, c’était le site Carenity qui les répertoriait. L'accès à des informations comme celles-ci est très important pour les patients, tout comme les témoignages et la représentation graphique de la répartition de vos membres par pathologie que vous fournissez.

J’aime également consulter l’annuaire de professionnels de la santé par pathologie mis à disposition par le site MaPatho. 

Votre travail est une pièce essentielle du puzzle que nous construisons en tant que patients et personnes intéressées ou concernées par une pathologie particulière. 

Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par une maladie invisible ? 

Pour prendre soin de soi et se libérer de la pression qui peut parfois peser sur notre vie sociale et professionnelle, je pense qu’il est primordial de réussir dans un premier temps à prendre conscience des défis anormaux auxquels nous sommes confrontés. Bien que la maladie soit invisible, notre état n’est pas comparable à celui d’une personne en bonne santé. Par conséquent, il est essentiel de ne pas s’imposer le même niveau d'activités, ni de se comparer à elle.

Aussi, soyez authentique, n’ayez pas une peur constante du jugement car elle peut être destructrice, et le processus de déconstruction est souvent long et difficile. Il ne faut pas hésiter à chercher du soutien auprès de professionnels de la santé, mentale notamment, et à échanger avec d’autres personnes atteintes d’une maladie invisible ou de votre pathologie. 

Si vous traversez une période d'errance diagnostique et / ou médicale, ne renoncez jamais à la recherche de réponses. Obtenir un diagnostic est crucial, car il peut tout simplement être vital. 

Un dernier mot ? 

Si vous faites face à une fatigue écrasante qui impacte significativement votre quotidien, il est possible que ce soit l’Encéphalomyélite Myalgique (EM). Mal connue, stigmatisée et souvent réduite au seul symptôme de fatigue chronique, cette maladie neurologique se manifeste dans 80% des cas après une infection (grippe, COVID, mononucléose…), et s’attaque à tous les systèmes du corps. Ce n’est pas une maladie rare, elle peut toucher n’importe qui, mais elle manque cruellement de reconnaissance et de visibilité, alors que 75% des malades ne peuvent plus travailler. Millions Missing France est une association qui agit pour la visibilité et la prise en charge de l’EM. 

Merci de m’avoir lue jusqu’au bout, et merci à Carenity de mettre en lumière nos témoignages. Malades chroniques diagnostiqués ou non, n’oubliez pas que vous faites ce que vous pouvez, et que c’est largement suffisant. 


Un grand merci à EM & Co. pour son témoignage !          
        
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

1 commentaire


coquillette02
le 02/01/2024

Témoignage tellement poignant .Moi, j ai un rhumatisme psoriasique détecté après plusieurs années d errance .MAL partout etc mais à côté du témoignage de cette jeune femme ,je relativise et je me dis que j ai de la chance.

Quel courage elle a !

Carenity est un site extra, nous informe sut tous les points des maladies .Je les en remercie!

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