SEP, expatriation et grands projets : Pauline refuse de renoncer à sa vie
Publié le 30 mai 2025 • Par Candice Salomé
En juin 2024, Pauline, une jeune trentenaire installée au Québec, remarque soudainement des troubles de la vision. Ce qu’elle pense être passager s’avère être le début d’un parcours médical qui la mènera quelques mois plus tard à un diagnostic inattendu : la sclérose en plaques. Entre choc, éloignement géographique, bouleversements professionnels et adaptation de ses projets de vie, elle revient pour Carenity sur son quotidien avec la maladie, ses choix, et la manière dont elle continue à avancer.

Bonjour Pauline, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous commencer par vous présenter ?
Je m’appelle Pauline, je viens d’avoir 30 ans. Je suis originaire d’Albi, dans la belle région d’Occitanie, mais je réside à l’étranger depuis 2017. Après de nombreuses immigrations, c’est au Québec à Montréal que j’ai décidé de m’établir de façon permanente. Je suis passionnée par le voyage, le blogging, et le hockey ! D’ailleurs, je travaille pour les Canadiens de Montréal, la plus grosse franchise de hockey au monde (dont je suis également fan !). Je suis en couple avec mon conjoint depuis plus de 10 ans. Nous n’avons pas d’enfant.
Vous avez été diagnostiquée de la sclérose en plaques en octobre 2024. Quels signes vous ont alertée, et comment s’est déroulé le parcours vers le diagnostic ?
Je me suis réveillée, le 8 juin 2024, avec la vision floue et une diplopie (la perception de 2 images d'un seul objet). Moi qui aie toujours eu 13/10 à chaque œil, je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait ! J’avais également des vertiges. J’ai mis ça sur le dos d’une chute de tension. J’ai fait ma journée de travail comme prévu mais avec beaucoup de misère pour lire. Le lendemain, ma vue ne s’était pas améliorée. Ne sachant pas si je devais aller voir un ophtalmo (trouble de la vision), un ORL (problème de vertige/oreille interne), j’ai contacté la télémédecine. Le médecin m’a tout de suite obligée à me rendre aux urgences car il m’a tout de suite parlé d’un problème potentiellement cérébral. Une fois à l’hôpital, j’ai fait une batterie de tests qui n’ont mené à rien. Les troubles de la vision sont partis au bout de 8 jours environ et j’ai récupéré ma vision parfaite comme avant. J’ai ensuite été convoquée pour un scanner qui n’a rien donné. C’est en août que j’ai fait une IRM. À ce stade, j’avais aucun stress puisque je n’avais plus de problème de vision. Je n’avais pas fait de recherches sur Internet donc l’IRM était pour moi qu’un simple contrôle final. C’est en octobre que le neurologue m’a rappelée et m’a indiqué que j’avais la sclérose en plaques. Aux nombres de plaques et de lésions à mon cerveau, le diagnostic était évident.
Comment avez-vous vécu l’annonce de la maladie, si loin de votre famille et dans un autre système de santé que celui de la France ?
Ça a été un gros choc puisque j’étais très sereine depuis le début de l’accompagnement. Certaines personnes ont des échos que le résultat pourrait être la SEP, mais dans mon cas, je n’avais aucune idée et j’étais certaine qu’il allait m’annoncer que l’IRM n’avait rien donné. J’étais seule lors de l’annonce (j’avais dit à mon conjoint qu’il n’y aurait rien donc pas la peine qu’il m’accompagne !). J’ai beaucoup pleuré en rentrant à la maison ou j’ai retrouvé mon conjoint pour lui annoncer la nouvelle. Lui aussi était sous le choc. Mais le plus dur a été de l’annoncer à mes parents. Ils savaient que j’avais un rendez-vous et ils s’inquiétaient de ne pas avoir de nouvelles de ma part. Lorsqu’on s’est appelé en visio, ça a été un très gros choc pour eux. Nous avons tous beaucoup pleuré. J’étais déjà optimiste dans mes propos, mais pour eux c’était très dur à entendre. Je suis leur fille unique et j’habite à 5000km de chez eux, donc ils se sentaient impuissants. Dès le lendemain, bien que le neurologue m’eût fait un arrêt maladie, j’ai ressenti le besoin d’aller au travail pour annoncer la nouvelle à tous mes collègues. Au début ça n’était pas facile et je pleurais beaucoup. Mais, au fur et à mesure de la journée, j’acceptais de plus en plus ma nouvelle condition.
Je dirais dans l’ensemble que l’annonce de la maladie s’est bien passée pour moi. J’ai eu un choc de 3h environ, suivis de 2/3 jours à pleurer de temps en temps. Mais très vite, je me suis mise en mode « warrior » et j’ai choisi d’accepter cette maladie comme une compagne de route, avec qui j’allais potentiellement passer le reste de mes jours.
Vous avez connu plusieurs expatriations ces dernières années. Avez-vous l’impression que votre parcours de vie à l’étranger a influencé votre manière d’aborder la maladie ?
Je pense que les expatriations que j’ai vécues m’ont forgée une personnalité plus résiliente et débrouillarde. Je trouve toujours des solutions et des ressources dans des environnements inconnus. Donc ce n’est pas directement le fait de m’être beaucoup expatriée qui a influencé ma manière d’aborder la maladie, c’est plutôt le caractère que l’expatriation m’a forgé qui m’a permis de mieux l’aborder.
Le diagnostic a-t-il remis en question certains de vos projets à court ou long terme ? Comment avez-vous réussi à les adapter, notamment en ce qui concerne les voyages ?
Oui ! Nous avions des projets d’aller vivre dans d’autres pays (d’ici 5 ans environ). Mais ce projet-là est un peu plus tombé à l’eau. Les futurs pays dans lesquels nous voudrions vivre, devraient avoir un système de santé efficace et un système de sécurité sociale. Et on se rend vite compte qu’il n’y a pas beaucoup de pays au monde qui offrent cela ! Par chance, le Québec est super sur ce plan-là. Je n’ai pas déboursé un seul dollar depuis ma névrite optique qui a mené au diagnostic. Sur le plan du voyage, nous avons prévu de faire un long voyage d’un an courant 2028. Ce projet est toujours en tête, mais je sais qu’il est difficilement compatible avec mon traitement actuel. J’attends de voir mon neurologue pour lui en parler et déterminer mes options.
Aujourd’hui, vous suivez un traitement par Kesimpta. Comment vivez-vous ce traitement au quotidien ? Vous convient-il ?
Par chance, je n’ai jamais craint les piqures. Donc, lorsque j’ai su que j’allais devoir m’injecter chaque mois, j’étais rassurée. J’avais de l’anxiété pour la première dose, mais l’infirmière a été adorable et m’a bien guidée pour ma première injection. J’ai eu quelques effets secondaires grippaux quelques heures après l’injection qui ont duré 3h environ. Mais depuis, je ne ressens plus aucun effet, et ce dès la seconde dose. Je m’estime vraiment chanceuse ! J’ai une IRM de contrôle la semaine prochainel. Ça va me permettre de savoir si Kesimpta réagit bien avec mon cerveau. À date, les seuls symptômes que j’ai, ce sont les pertes de mémoire immédiates. C’est assez étrange et déconcertant. Autrement, je suis satisfaite de Kesimpta !
Quels aménagements avez-vous mis en place pour continuer à voyager malgré la maladie ? Est-ce que vous préparez vos déplacements différemment aujourd’hui ?
Nous avions prévu de partir au Japon en mai 2025. Malgré l’annonce et le traitement, nous avons préparé ce voyage et nous partons le mois prochain au Japon. J’ai juste dû faire un gros tableur Excel pour analyser à quelles dates j’allais débuter mon traitement. Mais rien de bien sorcier !
Je m’injecte chaque 28 du mois, donc je fais toujours en sorte d’être à mon domicile ce jour-là, ou d’avoir accès à un frigo dans lequel je pourrai garder ma dose au frais. Pour l’instant, je m’adapte très facilement aux sorties et je fais en sorte de ne pas être ailleurs le 28 du mois. Mais si ça venait à arriver, je prendrais mes précautions et j’amènerai l’injection avec moi.
Avez-vous ressenti certaines limites physiques ou des appréhensions particulières lors de vos premiers voyages après le diagnostic ?
Pas spécialement. J’ai de suite pensé aux autres malades qui ont des maladies bien plus lourdes que moi, les personnes diabétiques qui doivent se piquer tous les jours, ou encore les malades qui vivent avec une sonde. Certes, je croise les doigts pour ne pas avoir de poussées pendant mes voyages (la SEP n’est pas prise en charge par les assurances de voyage), mais je ne peux pas m’arrêter de vivre de peur qu’il m’arrive une poussée. Si la crise arrive, je prendrais des mesures immédiates pour être en sécurité, quitte à retourner chez moi, à Montréal. Mais je ne peux pas arrêter de voyager, parce que j’ai appris ce diagnostic. Ma prochaine crise aura peut-être lieu dans 10 ans.
Vous envisagez un tour du monde d’un an avec votre compagnon. Ce projet est-il compatible avec la SEP ? Avez-vous commencé à en parler avec votre neurologue ?
Je vais lui en parler lors de mon prochain rendez-vous. C’est un projet que l’on a commencé à construire depuis un moment, bien avant mon diagnostic. Le traitement n’est pas compatible avec ce voyage en itinérance d’un an. Néanmoins, je voudrais connaître les options que mon neurologue pourrait m’offrir. Emporter 12 doses de traitement est impossible car je ne pourrai pas garantir de les garder au frais. En revanche, la plupart des pays que nous désirons visiter disposent du traitement Kesimpta. Je vais me renseigner prochainement et j’espère obtenir des options favorables !
Qu’est-ce qui vous aide au quotidien à garder le cap et à ne pas laisser la SEP freiner vos envies ? Y a-t-il des routines ou des ressources qui vous vous permettent de mieux vivre avec la maladie au quotidien ?
Pour le moment, j’essaie de vivre le plus possible comme avant. J’ai toujours eu un rythme de vie intense alors j’essaie de lever un peu le pied. En revanche, j’ai augmenté mon activité physique car je voudrais maintenir ma motricité le plus longtemps possible. La SEP ne freine aucune envie ou aucun de mes rêves. Elle rajoute juste plus de logistique à réaliser mes rêves, mais j’ai la conviction que j’arriverai à les réaliser !
En partageant votre histoire sur les réseaux sociaux, vous donnez de la visibilité à une maladie souvent mal comprise. Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de vos différents partages au sujet de la SEP ?
Moi la première, il y a 7 mois, si on m’avait parlé de la SEP, j’aurais dit que j’ai déjà entendu ce nom, mais que je ne sais pas du tout ce que c’est. Aujourd’hui, j’essaie de partager quelques infos sur la SEP via mes réseaux sociaux afin d’informer les gens sur cette maladie malheureusement trop courante. Si vous me croisez dans la rue, vous ne devinerez jamais que j’ai une maladie incurable. C’est ça que je veux que les gens comprennent : "Ce n’est pas parce que tu ne le vois pas que ce n’est pas réel." Je veux que les gens soient plus éduqués aux maladies invisibles et qu’ils arrêtent de juger les personnes qui s’assoient dans le métro alors qu’elles paraissent en pleine forme. On ne peut pas écrire sur notre front qu’on a la SEP.
Quels conseils donneriez-vous à une personne récemment diagnostiquée de la SEP, qui se demande si elle pourra continuer à voyager ou mener une vie “normale” ?
La SEP est unique à chaque personne donc ça ne sert à rien de se comparer à son voisin. À l’heure actuelle, je n’ai que très peu de symptômes au quotidien. Ça me permet de mener une vie des plus normales. Je sais très bien que tout pourrait basculer du jour au lendemain. J’ai rencontré quelqu’un de mon âge qui avait la SEP et était en déambulateur. Ça fait mal, et je sais que ça reste une possibilité dans mon futur. Néanmoins, il faut toujours garder à l’esprit que la recherche avance, la médecine évolue, et que je veux rester positive le plus possible. En tout cas, à mon stade de la maladie, je n’ai pas de raisons d’être défaitiste et de me plaindre.
Enfin, si vous deviez résumer en une phrase votre philosophie de vie depuis le diagnostic, que diriez-vous ?
Ne pas avoir peur de la SEP, l’accepter, faire de son mieux pour garder la forme (mentale et physique) malgré les petites batailles. Ne jamais s’empêcher de faire quelque chose parce qu’on a la SEP. Demain, quiconque peut se retrouver tétraplégique dans un accident de la route, et la SEP n’aura rien à voir avec ça !
Au final, ma philosophie, c’est d’accepter la maladie, continuer ma vie avec elle, et ne pas avoir peur sans raison. Je ne peux pas avoir peur de quelque chose qui n’arrivera peut-être pas !
Un grand merci à Pauline pour son témoignage !
Ce témoignage vous a-t-il été utile ?
Cliquez sur J'aime et partagez vos réflexions et vos questions avec la communauté dans les commentaires ci-dessous !
Prenez soin de vous !
Commentaires
Vous aimerez aussi

Sclérose en plaques : “Il faut apprendre à connaître son corps et ses limites !”
24 août 2022 • 5 commentaires

Sclérose en plaques et cancer du sein : “Ma prise en charge a été formidable !”
16 nov. 2022 • 19 commentaires

Sclérose en plaques : "Il est très difficile d'accepter tout ce qui vous arrive"
21 juil. 2022 • 6 commentaires

Sclérose en plaques : “Je n’ai plus de poussées depuis de nombreuses années !”
23 mars 2022 • 11 commentaires