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Commotion cérébrale : vivre dans l’angoisse par manque de souvenirs

Publié le 7 mai 2021 • Par Candice Salomé

souris17, membre de la communauté Carenity France, nous parle de l’accident qui lui a causé une commotion cérébrale. Entre pertes de mémoires et séquelles au quotidien, elle se livre dans son témoignage !

Commotion cérébrale : vivre dans l’angoisse par manque de souvenirs

Bonjour souris17, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Bonjour, je suis mariée et j’ai trois enfants.

Ce que j’aime dans la vie : les œuvres artistiques, les grands peintres, les œuvres picturales moins connues, la lecture et le monde du vivant (nature, animaux, respect de l'environnement).

Je découvre actuellement le milieu hippique, sans monter mais on peut dire que j'en rêve ! J’aime cuisiner. Avant, je brodais, je dessinais, je tricotais etc… Je peignais également sur porcelaine. J’aime la musique éclectique. 

J’aime aussi : les amitiés, les échanges, les fleurs et jardins, l'océan et ses coquillages à ramasser... Les bouts de plastiques aussi...

Il y a 30 ans, vous avez fait une commotion cérébrale. Pourriez-vous nous expliquer dans quelles conditions cela est arrivé ?

Je travaillais comme sous-officier de l’Armée de Terre, au poste de chef-comptable, nous étions à l’époque aux FFA (Forces françaises en Allemagne). J’étais chargée de payer le salaire des appelés, commander les billets de train pour leur retour en permission, l’équipement pour les habiller, les coucher, prévoir les effectifs rationnaires (combien étaient présents pour manger au réfectoire afin d’éviter le gaspillage). Il fallait donc connaître « les effectifs » des personnes, du matériel de couchage, du matériel « en temps de guerre » etc. 

Cette fonction requiert, en temps de guerre, de défendre le poste qui fait partie du commandement de l’unité et de son bon fonctionnement (sur le terrain, s’il n’y a ni nourriture, ni eau… vous ne tenez pas longtemps les troupes en action). Donc, il faut protéger le camp et être capable de descendre des avions en vol (menace rapide qui vous bombarde très facilement). J’ai donc participé à un stage LATTA (Lutte antiaérienne toutes armes) avec une mitrailleuse américaine communément appelée 12,7 parce que c’est le diamètre de la munition. J’espère que cela va vous parler si je vous dis qu’il vaut mieux être deux pour la soulever... elle était fixée à la tourelle d’un camion GBC et à 100 mètres près, lorsqu’elle tire, la munition de la longueur d’une demi-main parcourt presque 1 kilomètre à la seconde. C’est un envoi très rapide et très violent, dans un sens (l’avant) mais ensuite il y a le recul de l’arme. Je l’ai pris dans la mâchoire supérieure, cela a sectionné net l’incisive gauche (la seule dent qui dépassait un peu).

Je me suis retrouvée alors avec la dent sectionnée net, dans la main, et je saignais.

J’étais sonnée, j’étais en KO debout mais je ne le savais pas encore…

L’arrière de mon crâne a été touché quand ma tête a violemment basculé en arrière sous le choc, le bord du casque lourd a écrasé, étiré les cervicales supérieures, vers l’atlas, le bulbe rachidien, reptilien, les nerfs du Trijumeau et d’Arnold…

Ma colonne vertébrale a subi une violente torsion de la gauche vers la droite, vers la bande du soutien-gorge et au-dessus des reins.

La vitesse c’est une force et cette force invisible, quand elle a frappé ma mâchoire supérieure, est passée par l’intérieur de mon palais et a traversé ce qui est le plus sensible dans mon cerveau : le noyau central (hypophyse, hypothalamus, thalamus, amygdale).

Quel a été l’impact de cette commotion sur votre vie (amnésie partielle, perte de souvenirs) ? 

J'ai eu très mal et comme j'étais sonnée, je ne me suis pas aperçue de mon état. 

J'ai suivi des cours de secourisme et de réanimation à 17 ans. On nous apprend que la personne qui ne dit rien, et qui en apparence semble bien, est peut-être la plus gravement touchée (en interne). L'ennui, quand c'est vous le blessé, si personne ne cherche à voir dans quel état vous êtes... Cela donne ce qui m'est arrivé. 

Je n'ai pas été prise en charge. RIEN. L’accident est arrivé vers 11h00 du matin, j'ai eu accès à l'infirmerie du stage en fin d'après-midi, au moment où tout le monde veut rentrer chez soi et ne plus penser au travail. L'infirmier me dit "Vous n'êtes pas de notre régiment, on ne peut pas vous soigner". 

Cela faisait au moins 6 heures que j'avais le nerf de la dent sectionné à vif, façon décharges électriques de torture, et il ne m’a même pas donné un comprimé pour la douleur. J'ai passé la nuit (sans dormir) et toute la matinée du trajet de retour en camion, avec les douleurs, sans rien pour me calmer. 

Vers l'heure du repas le lendemain, je me suis enfin retrouvée dans l'infirmerie de mon régiment, c'est l'aspirant qui m’a reçue. Au lieu de se dire que c'est grave et de voir le médecin-chef, il m’a dit de voir les dentistes militaires le lundi (nous sommes vendredi, cela fait déjà 24h que je suis mal).

Et voilà, plus rien !

Je ne me suis pas aperçue qu'il me manquait des souvenirs, parce que je me souvenais fortement de certains souvenirs. 

C'est lors de mon deuxième accouchement, 6 ans après, que j'ai eu une première réaction qui m’a fait comprendre que ce que je vivais n’était pas normal. 

Puis 10 ans après l'accident, lors d'un rêve, je me suis souvenue du bruit de la déflagration avant l'impact. J'ai pas mal de séquelles comme les traumatismes crâniens et des difficultés à apprendre, à mémoriser, des maux de tête extrêmement violents etc. 

Comment vous êtes-vous rendue compte qu’il vous manquait de nombreux souvenirs ? Qu’avez-vous ressenti au moment où les souvenirs sont réapparus ?

C'est quand j'ai eu par hasard une discussion avec une personne retrouvée et contactée (juste pour dire merci pour son travail d'alors, c'était comme impératif, il fallait que je dise merci, pour pouvoir mourir un jour l'esprit en paix). Cette personne s'est aperçue que je la vouvoyais et que je me souvenais d'elle comme d'une collègue, pas comme d'une amie. En me posant des questions, elle a vu que je ne me souvenais pas, elle a été plus précise dans ses questions ou en apportant des éléments et là, en effet, je me suis aperçue que c'était le trou noir total. 

Le trou noir, le vide, ça fait bizarre, j'ai beau chercher, je ne me souviens pas, mais je sais que c'est vrai parce qu'il y a des preuves des événements. C'est très déstabilisant, surtout que je viens de découvrir cela 30 ans après l'accident. C'est une sorte de tsunami émotionnel, vous avez une forme de détresse et d'angoisse de ne pas vous souvenir, et de la joie que quelqu'un semble là pour vous aider à retrouver ces souvenirs. Vous avez (l'illusion ?) que cela va aller mieux, que vous allez comprendre le pourquoi-du comment de tout ce que vous vivez de difficile depuis tant d'années. Mais au bout de 5 mois, j'ai juste eu trois fois "une image d'une seconde" soit trois secondes de mémoire retrouvée... C'est flou et fugace comme une plume, et rien d'autre ne vient. 

Pensez-vous que votre vie aurait pu être différente à ce jour sans cette commotion cérébrale ? Si oui, de quelle façon ?

J'aurais été différente, moins affaiblie, moins perdue, j'aurais mieux analysé certaines situations et j’aurais évité certaines personnes. J'aurais pu faire plus rapidement un travail psychologique pour me libérer de tout ce stress post-traumatique. Moins de stress, d'angoisses inutiles, de manque de confiance en soi par manque de forces physiques. Pas de maux de tête, donc un esprit clair pour analyser les situations et s'organiser. J'aurais gardé ma concentration, une meilleure mémorisation, je n'avais même pas 24 ans lors de l'accident ! Les belles années de jeunesse ont été bien difficiles et gâchées, pour la note positive : j'aurais pu mourir, cela aurait pu être pire ! Néanmoins le handicap invisible et non reconnu, cela entraîne une agressivité des personnes extérieures qui ne veulent pas comprendre. J'ai beaucoup plus d'empathie que ces personnes-là, ne pouvant faire du bénévolat (physiquement c'est trop dur), je fais de l'appel téléphonique depuis 5 ans pour les personnes âgées (beaucoup sont seules, elles ne vivent pas toutes le même degré de solitude ou d'abandon, certaines sont bien plus actives que moi à plus de 80 ans). Cela m'a ouvert les yeux sur mon enfermement involontaire au fil des ans. La Covid-19 m'a montré que je suis encore plus confinée que je ne l'imaginais et ce, depuis des années. 

Oui, la vie serait forcément différente ! D'un côté, j’aurais pu continuer à faire du sport, aimer les animaux, profiter de balades dans la nature et les activités artistiques et culturelles. De l'autre, je suis blessée, douloureuse de la tête, des cervicales, mâchoires, dents , épaules, bras, dos, puis de partout et je perds mon temps à chercher quelqu'un qui se penche réellement sur mon état pour m’aider à m’en sortir, à aller mieux.

Tout s'en ressent : vie affective, famille, amis, vie amoureuse, travail, loisirs, vie sociale, vie quotidienne, apprentissage. TOUT est impacté, RIEN n'est épargné. Et en prime, je me sens coupable et d'autres savent me culpabiliser encore plus.

Vous avez récemment été diagnostiquée fibromyalgique. Pour quelles raisons avez-vous consulté à ce sujet ? Quels étaient les symptômes ressentis ? Combien de temps a-t-il fallu pour poser le diagnostic ?

Depuis 2017, j'ai consulté pour la fibromyalgie (centre de la douleur à Chartres), on m'a envoyée paître, sorti que c'était une maladie fourre-tout, que c'était dans la tête (je remplissais 100% positivement le questionnaire de la fibromyalgie). Je décrivais les symptômes depuis au moins dix ans. 

J'ai consulté une neurologue pour mes maux de tête. Elle a vu mon carnet avec les croquis des douleurs, elle a parlé de fibromyalgie en 2018, mais je considère que cela a été vraiment reconnu et écrit en décembre 2020.

Puis la dépression est arrivée ! Cela fait un truc de plus à surmonter ! 

Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Pourquoi ?

Ma prise en charge pourrait être plus que meilleure, mais elle pourrait être pire (c'est à dire rien du tout). Là où j'aurais aimé être secourue, c'est pour les papiers auprès de l'assurance militaire obligatoire à souscrire lorsque l'on débute en école et cette assureur ne m'a pas versé un centime. Couplé aux erreurs de non assistance à personne en danger, fautes professionnelles répétées : le régiment n'a pas fait le dossier d'invalidité obligatoire.

Aux douleurs physiques se sont accumulées le désespoir de ne pas être entendue ni secourue ! 

J’aurais aimé pouvoir vivre tranquillement et normalement en touchant un salaire décent et en ayant des loisirs et une vie de famille dont je peux m'occuper. La première difficulté que je rencontre dans mon quotidien, c’est d’emmener mes enfants à leurs activités ou à l'école : dur de prendre le volant avec des maux de crâne carabinés invalidants. C’est également difficile pour moi de me laver les cheveux, de porter des lunettes même les plus légères, elles déclenchent des névralgies. Le froid, le chaud, le vent, les ondes, la pression atmosphérique, les néons, le bruit, la climatisation, les odeurs déclenchent des névralgies.

Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity qui vous lisent ?

Je vous encourage à trouver vos façons personnelles de vous adapter à vos soucis de santé, à suivre votre bon sens et votre instinct (à éviter charlatans ou mauvais médecins/praticiens). A voir ce qu'il reste de bon dans "la bouteille" et non ce que l'on a perdu. A trouver un nouveau chemin, forcément différent de celui qu'il aurait pu être sans accident ou maladie. On peut avoir perdu certaines choses, mais devenir meilleurs dans d'autres domaines. Je vous souhaite à tous de garder espoir, d'avoir du courage, de l'inventivité et les bonnes personnes rencontrées au bon moment qui vous apportent l'aide véritable et non des "conseils à l'emporte-pièce" qui ne sont pas adaptés à votre particularité.


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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

6 commentaires


roseavril20
le 07/05/2021

A souris17, entre 7 et 9 ans, je suis tombée en arrière au niveau de la nuque dans la cours de l'école poussée par un camarade. j'ai passé 2 semaines à l'hôpital dont la première allongée car j'ai eu un traumatisme crânien. ma vie s'est déroulée avec des maux de tête qui heureusement passait avec des antalgiques. j'ai eu des vertiges, vomissements. N'ayant pas des parents inquiets pour ma santé, j'ai subi ces maux sans voir aucun médecin ou spécialiste. Ensuite, j'ai aidé mon mari à faire notre maison, j'ai porté des sacs de ciments, des parpaings, des charges lourdes. Aujourd'hui, j'en suis à des maux de têtes continuels, des cervicales foutues, des hypersignaux en supra tentoriel (dessus cerveau) , des pertes de mémoire, des difficultés à trouver les mots dans une conversation. Beaucoup de problèmes qui me font m'isoler. Heureusement, il y a des personnes qui vous aident et cherchent à vous sortir de votre souffrance. Oui, elles existent mais encore faut il percévérer, car nous seule pouvons nous en sortir. Courage à vous (moi j'essaie de m'en sortir pour mes deux enfants) je veux être là s'ils ont besoin de moi).


Hookette • Membre Ambassadeur
le 07/05/2021

Bonsoir @souris17‍      Merci pour votre témoignage Courage à vous


souris17
le 07/05/2021

@roseavril20 Votre témoignage me touche beaucoup. Il montre que malheureusement l'on ne vous a pas conseillée pour vous ménager physiquement (port de charges lourdes) et il y a eu pour vous ce que j'appelle "sur-accident " et à présent vous souffrez encore plus et tous les jours. Les douleurs au dessus et dedans le cerveau sont terribles à supporter. J'ai conscience de votre courage pour tenir pour vos deux enfants. C'est ce qui nous fait tenir l'amour de nos enfants. Avez-vous constaté des aggravation en consommant des laitages ou en prenant du paracétamol ? Au niveau du cerveau fogg douleurs intenses style de charges électriques continues. Je vous adresse mes pensées de force et de santé. 


roseavril20
le 07/05/2021

Bonsoir, il n'y a pas eu d'aggravation en consommant les laitages, par contre le paracétamol et autres antalgiques ne me font plus aucun effet. Il y a quelques jours, j'ai fait une séance de mésothérapie qui m'a bien soulagée, c'est un médecin traitant qui c'est spécialisé, c'est un rhumathologue qui doit le faire normalement, mais je la vois le 14 juin pour ma polyartrite, donc cela faisait loin et ne pouvait plus attendre. Je ne sais pas si vous savez ce que c'est, produit inflammatoire et autres produits (que j'ai oublié) qu'il injecte le long des cervicales. En ce moment on dirait que j'ai un poids dans mon cerveau mais plus rien à voir avec les douleurs intenses, fortes avec envie de vomir. je ne dirais pas des décharges électriques, je ne saur


roseavril20
le 07/05/2021

je reprends mon récit : je ne saurais pas décrire mes douleurs. plusieurs fois dans la journée je mets une bouillotte chaude autour de mon cou qui me fait du bien aussi. J'essaie de positiver et d'aller de l'avant, j'aimerais reprendre mon travail d'aide à domicile car c'est ce que je fais de mieux. heureusement le traitement pour la polyarthrite fait son effet mais je suis très fatiguée malgré une sieste d'une heure, une heure et demi l'après midi. Avez vous fait IRM des cervicales ? bon courage à vous et bon week end. 

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