Le témoignage de Jessica : "Le Covid long a tout changé dans ma vie"
Publié le 4 juin 2025 • Par Candice Salomé
Jessica a 43 ans, elle vit en Haute-Saône avec ses deux enfants. Joyeuse, passionnée de photo et de musique, elle menait une vie bien remplie avant qu’une infection bénigne au Covid-19 en 2020 ne bouleverse tout. Trois ans plus tard, elle vit avec un diagnostic de Covid long, une fatigue écrasante, des douleurs et une invalidité. Dans ce témoignage sincère et courageux, elle revient sur son parcours, l’impact de la maladie sur sa vie familiale et professionnelle, et son combat pour préserver une relation forte avec ses enfants malgré les limites imposées par la maladie.

Bonjour Jessica, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
J’ai 43 ans, je vis en Haute-Saône. J’ai 2 garçons de 13 ans 1/2 et 9 ans. Je suis de nature joyeuse. J’aime la photographie, regarder les petits oiseaux, les fleurs, et les couchers de soleil. J’aime aussi beaucoup la musique, les séries (en tout genre) et les réseaux sociaux. J’ai un bouledogue français qui a même son propre compte Instagram !
Pouvez-vous nous raconter comment s’est déroulée votre première infection à la COVID-19 en octobre 2020 ?
J’ai été contaminée à la Covid-19 lors d’un petit événement familial, pour l’anniversaire de mon fils. Je n’ai eu que des symptômes très légers, à peine une journée fébrile, sans fièvre le lendemain, et un peu de fatigue. Je ne me serais jamais fait tester si je n’avais pas été déclarée cas contact 10 jours plus tard. Mais le test PCR était sans appel : positive ! Je me suis confinée 1 semaine en télétravail et heureusement je n’avais contaminé personne entre temps. J’ai senti quelques difficultés respiratoires sans gravité qui se sont estompées. Ensuite j’ai repris une vie « normale »...
À quel moment avez-vous compris que les symptômes persistaient au-delà de la phase aiguë ?
Fin 2020, plus de 2 mois après, j’ai réalisé que des bugs de goût et d’odorat persistaient. Et puis début 2021, j’étais encore très fatiguée, de plus en plus même, et des petits maux de tête sont devenus de plus en plus fréquents. Les 2 premières doses du vaccin Covid en mai/juin 2021 ont remis mon corps en flambée, pire que pendant la phase aiguë. Les troubles de l’odorat sont revenus fortement et une toux sèche s’est déclenchée.
Comment a été posé le diagnostic de COVID Long, et comment l’avez-vous vécu ?
En août 2021, c’est ma généraliste qui a évoqué le Covid long quand je suis allée consulter pour cette toux persistante et cette fatigue. Elle en avait entendu parler, avait vu un premier cas, et m’a dit que je cochais toutes les cases. On a fait toute une batterie d’examens pour éliminer d’autres causes et comme tout est revenu négatif, le Covid Long est resté la seule explication possible. Ce diagnostic a été confirmé par un médecin de la douleur 2 ans plus tard, avec une dysrégulation du système nerveux autonome.
J’étais soulagée d’avoir un diagnostic et assez confiante à l’époque : on m’a dit qu’il fallait un peu de patience et que les symptômes devraient finir par partir tout seuls.
Malheureusement, personne ne m’a alors parlé des malaises post-effort et du pacing. Et comme j’ai continué sur mon rythme effréné de maman qui travaille… tant que j’ai pu, je l’ai payé très cher. Avec l’amplification des symptômes et l’apparition de nouveaux.
Quels sont les symptômes les plus invalidants pour vous aujourd’hui, et comment impactent-ils votre quotidien ?
Alors sur le podium, il y a :
- La fatigue écrasante qui me bloque sous une chape de plomb et me contraint dans chaque tâche. J’ai envie de dormir dès que je prolonge une activité (au bout d’1h, parfois moins) et malgré des longues nuits et des siestes, le sommeil n’est jamais réparateur.
- Les céphalées persistantes H24 (depuis un gros malaise post-effort en septembre 2021), que rien ne soulage, avec une pression constante derrière les yeux, sourde et pesante, et des flambées régulières qui vont et viennent. C’est juste une torture et je ne sais pas comment j’arrive encore à fonctionner après tout ce temps
- Les malaises post-effort (aussi appelés “crash”) qui réactivent et amplifient aléatoirement tout ou partie des symptômes pour une durée indéterminée après une surcharge physique, cognitive, sociale et/ou sensorielle : état pseudo grippal, douleurs, brouillard mental, palpitations, essoufflement, acouphènes… C’est une épée de Damoclès au-dessus de ma tête en permanence, qui oblige à pratiquer le pacing le plus sérieusement possible (espacement – fractionnement des activités, s’arrêter avant de dépasser ses limites, alterner avec du repos strict sans stimuli, allongée dans le noir).
Mais, j’ai aussi :
- Des douleurs neuropathiques (brûlures, picotements, fourmillements… qui sont sous contrôle grâce à un médicament),
- Des douleurs musculaires/articulaires (je marche avec une canne si je dois faire + de 50m),
- Un pseudo syndrome d’activation mastocytaire - SAMA - (non confirmé mais le traitement antihistaminique stabilise les réactions digestives-épidermiques),
- De la dysautonomie (pas encore diagnostiquée mais j’ai le cœur qui bat à 115-120 de moyenne quand je marche plus de 150m à 2km/heure). Ça m’oblige à faire beaucoup d’activités assise.
Votre état de santé a évolué avec le temps : comment avez-vous vécu cette dégradation progressive ?
Comme personne ne m’avait expliqué le principe des malaises post-effort et le pacing, j’ai essayé pendant longtemps de continuer à vivre le plus normalement possible malgré les symptômes. J’ai appliqué les injonctions sociales telles que « faut pas trop s’écouter », « quand on veut on peut », « moins t’y penses plus t’as de chance de guérir » …
Mais je sentais au fond de moi que je m’enfonçais et plus j’étais dans le déni, plus j’avais de nouveaux symptômes, plus je forçais, plus j’aggravais mon état général. Ça a été une terrible descente aux enfers jusqu’en mars 2023 où j’ai dit stop. J’avais entre temps découvert des livres, des témoignages, des associations qui parlaient du COVID long, de l’encéphalomyélite myalgique (EM) et de ses états sévères à très sévères. J’ai vraiment pris peur et j’ai décidé de m’écouter. J’ai eu raison car depuis j’ai réussi à me stabiliser. Je reste à moins de 50 % de mes capacités d’avant mais je ne dégringole plus.
Qu’est-ce que le COVID Long a changé dans votre vie personnelle, familiale et professionnelle ?
Le Covid Long a TOUT changé ! Avant, j’étais une secrétaire expérimentée. J’ai été licenciée pour inaptitude il y a un an. Maintenant, je suis en invalidité à dépendre des prestations sociales et de ma prévoyance.
Avant, je vivais avec le père de mes enfants, propriétaire de notre jolie petite maison au « paradis vert ». La maladie est venue à bout de ma vie de couple. Maintenant, je suis séparée depuis quelques mois, j’ai déménagé dans un appartement social (heureusement pas très loin et toujours un peu à la campagne), j’ai mes enfants en garde alternée 1 semaine sur 2.
Avant, j’essayais d’avoir une vie sociale, j’étais membre de l’association du village, je promenais des chiens pour la SPA. Maintenant, je ne vois plus personne, quasiment auto-confinée entre mon lit et mon canapé. Je ne peux presque plus conduire, que le strict minimum. J’arrive à aller à peu près 1x par mois à un groupe de parole organisé par une association de fibromyalgie à Vesoul. Mais c’est tout.
Comment gérez-vous votre rôle de mère avec la maladie ?
C’est assez compliqué. Il m’a fallu du temps pour accepter mes limitations et surtout l’image de moi que je renvoie à mes enfants. Je ne sais pas si le plus jeune se souvient de moi avant la maladie (il avait 4 ans à l’époque). Je n’imaginais pas que je serai une maman tout le temps allongée, ou avec une canne… La séparation a récemment rebattu toutes les cartes. La garde alternée me permet de poser ma surcharge mentale 1 semaine sur 2. Quand je les ai, c’est assez frustrant de ne pouvoir leur offrir que le gîte et le couvert, car je ne suis pas en capacité de faire des activités avec eux. Mais on s’adapte. Par exemple, mon grand lit est devenu un « lieu de vie », un espace de discussion (car on parle beaucoup, de tout), de visionnage de séries… on scrolle ensemble pour rigoler devant des réels Instagram… Quand je peux, de temps en temps, j’arrive à les emmener au cinéma (grâce, notamment, aux cartes mobilités inclusion dont je bénéficie pour le moment).
Ils m’accompagnent aussi parfois aux rencontres avec mes amies fibromyalgiques.
J’essaie de ne pas leur cacher mes difficultés tout en évitant de les inquiéter, c’est tout un équilibre à trouver.
Et je sais qu’ils sont compréhensifs et qu’ils voient les efforts que je fais pour rester impliquée dans leur éducation, dans leurs passions, dans leur quotidien. On partage plein de moments de joie, de rire. Nous sommes très proches.
Ma nouvelle condition est aussi l’occasion de sensibiliser mes garçons sur le handicap invisible, de les ouvrir sur un mode de vie plus lent, plus calme. Ils apprennent qu’on a le droit de s’écouter, de se poser, de ne rien faire, de prendre son temps, l’importance de ne pas juger et de s’affranchir du regard des autres. C’est à contre-courant du tourbillon de la société et j’espère qu’ils s’en inspireront pour vivre moins stressés plus tard.
Avez-vous trouvé du soutien dans le corps médical ou dans votre entourage ?
J’ai eu la « chance » que les quelques médecins que j’ai croisés (je n’en ai pas vu tant que ça) n’ont jamais remis en question ou minimisé mon Covid Long. Mais aucun ne sait comment gérer cette nouvelle maladie, aucun n’a de formation sur la spécificité des malaises post-effort. Si je ne fais pas mes propres recherches de mon côté via les associations de patients et les réseaux sociaux, pour leur suggérer des pistes, ils ne me proposent pas grand-chose, il ne se passe rien. J’ai même fini par me fatiguer à essayer de courir d’un spécialiste à un autre donc je fais une sorte de « pause thérapeutique » depuis quelques mois. Je dois avouer que je me sens assez seule dans ce long parcours depuis bientôt 5 ans.
Mon entourage est bien désolé de ce qui m’arrive mais pareil, ils sont bien démunis et surtout ils ne voient pas les difficultés du quotidien. Le peu que je les côtoie, je suis debout, habillée, souriante… Difficile pour eux d’imaginer l’envers du décor et surtout les douleurs invisibles qui meurtrissent mon corps en permanence, ni l’effort surhumain que je fais pour rester tout un repas à discuter. Les quelques connaissances que j’avais avant ont disparu depuis que j’ai disparu. Les rares ami.e.s que j’ai sont essentiellement des personnes malades avec qui les échanges sont plus faciles car plus authentiques et sans filtre.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous engager dans la sensibilisation au COVID Long sur les réseaux sociaux ?
J’ai vite compris que le Covid Long touche beaucoup plus de monde qu’on imagine, mais que la population générale étant traumatisée par la « période Covid », nous malades, sommes une communauté que les gens ne veulent pas voir, pas entendre.
Je me sentais seule, incomprise, oubliée, un vulgaire dommage collatéral. Et puis j’ai vu un reportage télé avec un collectif de malades et j’ai réalisé que je pouvais conjurer un peu cette solitude en la partageant sur les réseaux sociaux et en me rapprochant d’autres Covid longs.
Témoigner, laisser une trace, continuer à se faire entendre, c’est important pour qu’on ne nous oublie pas en attendant un traitement, un jour j’espère.
J’ai toujours aimé écrire, c’est thérapeutique en plus ! Et, depuis peu, je découvre que j’aime aussi tourner des petites vidéos humoristiques pour mettre un peu de second degré dans notre quotidien bien tristounet.
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Qu’est-ce qui vous aide à garder espoir malgré les difficultés ?
J’avoue que c’est difficile de garder espoir. Des malades souffrent de syndromes post-infectieux depuis bien avant la Covid-19 et sont laissés à l’abandon depuis des décennies. J’espère que le grand nombre de malades du Covid long incitera les autorités à investir dans la recherche pour qu’un traitement curatif soit trouvé. Grâce à mon engagement auprès d’associations comme Covid Long Solidarité, AprèsJ20, Millions Missing France, Winslow Santé Publique, je sais qu’il y a plein de gens motivés à faire bouger les choses, et je vois aussi passer beaucoup d’articles mettant en avant des avancées de la communauté scientifique internationale (malgré une conjoncture défavorable). C’est encourageant, je m’y accroche de toutes mes forces.
En attendant, je suis très lucide sur ma situation personnelle : je suis handicapée à + de 50 % et je risque de le rester encore un sacré moment. J’apprends à composer avec, j’ai réorganisé ma vie pour ajuster les voiles au gré des vents, souvent dans la tempête, parfois profitant de brèves accalmies.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux personnes qui, comme vous, ont été diagnostiquées du Covid Long ?
« Vous n’êtes pas seul.e.s ! »
Rapprochez-vous d’associations, de collectifs de patients, de groupes de parole, ne restez pas isolés. La prise en charge est insuffisante et inégale, la reconnaissance tarde à venir, financièrement c’est compliqué, moralement c’est dur. Sur les réseaux sociaux, il y a toute une communauté qui tente de se serrer les coudes à défaut de mieux mais c’est déjà énorme. On n’a pas de solution miracle, et même si certaines associations ont des contacts de médecins compétents sur notre maladie, ils sont souvent trop loin ou débordés. Mais on échange des astuces, des conseils, on se soutient … N’hésitez pas à témoigner !
« Écoutez-vous et soyez patients »
Respectez vos besoins, écoutez votre corps, n’en faites pas plus pour la gloire ou parce qu’un médecin essaiera de vous convaincre du contraire. Apprenez à respecter vos limites et à les faire respecter. Le Covid Long ne nous lâchera pas comme ça, il faut apprendre à vivre avec. En l’absence de traitement curatif, cet hôte indésirable fait partie de nous pour un long moment, autant apprendre à le connaître et à maîtriser ses réactions.
La résilience ce n’est pas renoncer, c’est accepter ce qui est, s’adapter pour tenir, sans perdre espoir qu’un jour ça ira mieux.
Un grand merci à Jessica pour son témoignage !
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