Bipolarité : comment faire face aux réactions de sa famille
Publié le 18 oct. 2018 • Par Louise Bollecker
À 46 ans, Sophie, alias @Sophie612, est maman de deux enfants de 17 et 18 ans, divorcée depuis 8 ans. Cette amoureuse de lecture, de sport et de promenades en forêt a accepté de partager son expérience sur les relations qu'elle entretient avec ses proches depuis l'annonce de sa bipolarité.
Quand avez-vous été diagnostiquée bipolaire ? Quels étaient les symptômes ?
J’ai été diagnostiquée très tardivement, il y a 5 ans. Cela faisait des années que j’étais sous anti-dépresseurs. Je les ai tous pris à un moment ou un autre. Les résultats étaient bons mais les rechutes inévitables. Un ami m’a conseillé son psychiatre qui a mis en évidence des hypomanies : achats compulsifs nombreux, sexualité débordante, hypersensibilité entre autres.
Comment vos proches ont-ils réagi à l’annonce de votre bipolarité ? Ont-ils compris ce que signifie cette maladie ?
Ils n’ont pas compris et ont prononcé cette expression magique de « diagnostic à la mode ». C’est à ce moment que j’ai compris que le chemin serait long avec eux. J’ai alors choisi de les mettre face à la réalité : j’ai une maladie mentale. Ils étaient très choqués, c’était mon but, mon électrochoc pour eux, pour qu’ils comprennent. « C’est comme une maladie cardiaque sauf que c’est le cerveau qui est malade ». Mais toucher au cerveau… c’est là que tout se complique.
On a tous des variations d’humeur, mais comprendre l’amplitude des ces variations lorsque l’on n’est pas malade est quasi impossible. Mon entourage me remettait systématiquement dans la case des personnes « normales », ce que je ne suis pas.
Mes enfants ont été les plus à l’écoute malgré leur jeune âge au moment du diagnostic. Je leur ai expliqué simplement la maladie. Ils ont compris et intégré les informations. Ils ont du respect pour moi et sont très protecteurs. Ce sont mes meilleurs conseillers émotionnels. Ils savent quoi faire dans tous les cas. Je leur ai fait une formation de choc !
En quoi être bipolaire a-t-il un impact sur votre comportement avec vos proches ?
Depuis le diagnostic, ils ont un autre regard sur moi. Je suis trop sensible pour que l’on me dise certaines choses que l’on me cache. Il y a eu un changement de comportement de ma part car mes proches me jugent. J’ai mis de la distance dans mes émotions vis-à-vis d’eux. On ne partage que du quotidien « léger ».
Vos proches font-ils preuve de patience face à vos rechutes ?
Mes enfants sont patients et compréhensifs. Ils sont très aidant malgré leur âge, très aimants et me soutiennent plus que tous. Une de mes sœurs ne veut plus m’entendre car je ne vais jamais bien et que "je ne suis pas la seule à l’être". Lors d’une rechute dépressive, elle m’a gentiment exposé devant le psychiatre tous les reproches qu’elle avait à me faire et qu’elle ne voulait plus de mes nouvelles jusqu’à nouvel ordre. C’est dur à entendre. Je ne suis pas du tout rancunière ; c’est la première fois que je le suis.
Comment aimeriez-vous que vos proches se comportent à votre égard ?
Maintenant que j’ai compris que seuls mes enfants et mes ami(e)s proches étaient présents et étaient à l’écoute, je me tourne vers eux en variant les contacts pour ne pas les « fatiguer » moralement. Je ne veux pas les perdre, je prends soin d’eux ainsi.
J’ai appris à gérer leur soutien. Ma famille a la version : Sophie va bien.
Quels conseils donneriez-vous au proche d’une personne bipolaire ?
Ma famille a refusé la main que je leur tendais pour leur expliquer la maladie, comment la gérer et comment m’aider.
"Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie"
Charles Beaudelaire
Je conseillerais au proche d’une personne bipolaire de se renseigner, d’appeler les associations comme Unafam ou de participer à la psychoéducation si le patient suit ce programme. Plus on connait la maladie, plus on est à même d’aider le malade.
Quels conseils donneriez-vous à une personne bipolaire vis-à-vis de ses proches ? Vous-même, regrettez-vous certaines choses vis-à-vis de vos proches ?
Je regrette d’avoir pensé qu’ils seraient toujours présents pour moi et qu’ils chercheraient à me comprendre. J’ai encore mal aujourd’hui. Je conseillerais de se tourner vers des amis qui sont souvent plus compréhensibles. Les associations et les patients de groupes de paroles aident énormément aussi. On se comprend très bien entre nous et nous avons une capacité d’écoute et une bienveillance naturelle. Un bipolaire sera toujours présent pour un autre bipolaire car il connaît les ressentis et les mots qui font du bien.
Le mot de la fin ?
La maladie bipolaire est stigmatisée. C’est un combat quotidien mais si l’on connaît bien sa maladie et que l’on trouve ne serait-ce qu’une personne pour nous soutenir, la vie est alors belle et on peut avancer plus sereinement au quotidien.
Merci infiniment à Sophie d'avoir partagé son histoire ! Commentez ce témoignage pour exprimer votre soutien ou expliquer vos propres relations avec votre famille et vos amis !
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