Tension élevée malgré tous les efforts : le cri silencieux des patients exemplaires
Publié le 17 mai 2025 • Par Candice Salomé
Certains patients font tout "comme il faut" : ils suivent scrupuleusement leur traitement, adoptent une alimentation équilibrée, pratiquent une activité physique régulière, gèrent leur stress, évitent l’alcool et le tabac… Pourtant, leur tension artérielle reste élevée. Cette situation, à la fois incompréhensible et décourageante, est loin d’être rare.
Elle renvoie à une forme spécifique d’hypertension appelée hypertension artérielle résistante ou réfractaire (HTAr), mais aussi au ressenti émotionnel des patients chroniques, souvent négligé.
Pourquoi la tension ne baisse-t-elle pas malgré tous les efforts ? Que peut-on faire dans cette situation ? Et surtout, comment reconnaître la souffrance psychologique de ces “patients exemplaires” ?
Cet article propose d’éclairer ce phénomène à la croisée du médical et du vécu patient.

Tension artérielle élevée malgré un traitement : que se passe-t-il ?
Définir l’hypertension résistante
L’hypertension résistante désigne une tension artérielle qui demeure supérieure aux valeurs cibles (souvent 140/90 mmHg) malgré un traitement associant au moins trois antihypertenseurs de classes différentes, dont un diurétique, administrés à doses optimales.
Elle concerne environ 10 % des personnes hypertendues. Dans certains cas, une tension normale peut être obtenue en ajoutant un quatrième traitement, mais d'autres patients demeurent en échec thérapeutique, malgré cette intensification.
Les causes possibles d’une tension qui ne baisse pas
Avant de conclure à une réelle résistance, il est essentiel d’exclure plusieurs facteurs. Il peut s’agir d’une erreur de mesure (tension prise dans un contexte stressant ou sur un seul bras), d’un effet blouse blanche (une augmentation inhabituelle de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle en présence d'un médecin), ou encore d’une fausse observance, consciente ou non.
Mais pour les patients réellement observants, plusieurs explications sont possibles.
Des facteurs biologiques peuvent entrer en jeu : des anomalies hormonales (hyperaldostéronisme, phéochromocytome), une atteinte rénale, ou encore une prédisposition génétique.
D’autres causes sont environnementales ou comportementales : stress chronique, troubles du sommeil, apnée du sommeil non diagnostiquée, interactions médicamenteuses (notamment avec les anti-inflammatoires ou certains antidépresseurs).
Enfin, dans un petit nombre de cas, l’origine reste inexpliquée, renforçant le sentiment d’impuissance chez les patients concernés.
Le paradoxe du “patient exemplaire” : bien suivre son traitement sans amélioration
Observance thérapeutique et absence de résultats
L’observance thérapeutique, c’est-à-dire la capacité à suivre correctement les prescriptions médicales, est souvent mise en cause dans l’échec du traitement antihypertenseur. Pourtant, certains patients suivent scrupuleusement leur traitement, parfois même au-delà des recommandations.
Ils prennent leurs médicaments à heure fixe, adoptent un régime pauvre en sel, arrêtent le tabac, réduisent leur consommation de café, pratiquent la marche quotidienne, méditent, consultent régulièrement… Et malgré tous ces efforts, leur tension ne baisse pas.
Cette absence de résultats remet en question l’équation "effort = amélioration" sur laquelle repose souvent le discours médical. Elle peut générer une profonde frustration, voire une forme de découragement.
La charge mentale des patients chroniques
Ces patients exemplaires vivent avec une charge mentale importante. Chaque geste de leur quotidien est pensé en fonction de leur santé : que manger ? à quelle heure prendre les médicaments ? comment éviter un pic de stress ?
Lorsque cette discipline ne porte pas ses fruits, elle peut se transformer en épuisement psychologique. La tension qui reste élevée devient alors plus qu’un simple indicateur biologique : elle incarne un échec perçu, injuste et démotivant.
Quand le corps médical doute : l’incompréhension des patients
Être entendu quand les chiffres ne parlent pas
Dans ces situations, les patients peuvent aussi se heurter à l’incompréhension du corps médical. Certains médecins peuvent suggérer, parfois sans le dire explicitement, que le traitement n’est pas bien suivi. D'autres minimisent la situation en se focalisant sur les chiffres, sans interroger ce que vit réellement le patient.
Ce manque de reconnaissance est souvent vécu comme une double peine : non seulement la tension ne baisse pas, mais en plus, on se sent soupçonné, jugé, voire ignoré. Or, un patient chronique a besoin d’être écouté, compris, et soutenu. L’absence de résultats ne devrait jamais invalider la sincérité de son engagement dans sa prise en charge.
Un besoin de reconnaissance du parcours patient
Les patients hypertendus dits “résistants” ont souvent une longue histoire médicale derrière eux. Ils ne demandent pas qu’on les félicite, mais simplement qu’on reconnaisse leur implication. Loin de se plaindre, ils cherchent surtout à comprendre pourquoi la tension ne diminue pas, malgré tous leurs efforts.
Valoriser ce parcours et valider ce ressenti ne relève pas seulement de l’empathie : c’est aussi une manière de renforcer l’alliance thérapeutique, et de leur redonner une place active dans leur propre soin.
Que faire quand la tension reste élevée malgré tout ?
Évaluer les pistes thérapeutiques alternatives
Face à une hypertension résistante, plusieurs solutions peuvent être envisagées. La première consiste à réévaluer le traitement en cours : certaines associations de médicaments sont plus efficaces que d’autres, ou mieux tolérées. Il peut aussi être utile de rechercher une cause secondaire (rénale, hormonale) par des examens complémentaires.
Dans le même temps, des approches complémentaires peuvent être explorées. Des études montrent que la pratique du yoga, la cohérence cardiaque, ou la réduction du stress chronique peuvent contribuer à améliorer le contrôle tensionnel, en complément d’un traitement adapté.
L’intérêt du deuxième avis médical
Lorsqu’un patient a le sentiment d’être dans une impasse, solliciter un deuxième avis médical peut représenter un véritable levier. Des centres spécialisés en hypertension artérielle existent, notamment dans les CHU, et disposent d’outils d’évaluation avancés.
Ce second regard peut permettre une relecture complète du dossier, une modification du traitement, ou l’exploration de causes rares. Il contribue aussi, souvent, à redonner espoir et confiance au patient dans le processus de soin.
En conclusion : redonner confiance aux patients "exemplaires"
L’hypertension résistante est un défi médical, mais aussi humain. Elle met à l’épreuve la patience, la résilience et la confiance des personnes concernées.
Reconnaître les efforts de ces patients "exemplaires", valoriser leur engagement, et prendre au sérieux leur découragement, ce n’est pas accessoire. C’est une étape essentielle vers une médecine plus juste et plus humaine. Une médecine qui soigne la pression artérielle, bien sûr, mais aussi la pression psychologique que vivent ceux qui, malgré tout, tiennent bon.
Sources :
Prise en charge de l'hypertension artérielle de l'adulte, HAS
Hypertension artérielle résistante, Revue Médicale Suisse
Qu’est-ce que l’hypertension artérielle résistante et comment l’objectiver ?, La Revue du Praticien
Hypertension artérielle résistante au traitement, Société Francophone du Diabète
Hypertension artérielle résistante aux traitements médicamenteux : une étude internationale démontre le bénéfice tensionnel d’un traitement par ultrasons focalisés, INSERM
Hypertension artérielle résistante : quelle prise en charge?, Hôpital du Valais
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