Manger bio permet-il d'éviter les cancers ?
Publié le 3 déc. 2018 • Mis à jour le 12 juin 2019 • Par Louise Bollecker
Manger de la nourriture biologique permettrait de faire baisser les risques de contracter un cancer. Pourtant, cette étude française publiée fin octobre illustre la difficulté d'établir une relation de cause à effet précise.
Des études récentes sur le bio
Auparavant, une seule étude d'ampleur avait cherché à mesurer l'effet de la nourriture bio sur le cancer : la Million Women Study, avec 600 000 femmes britanniques suivies en 2014. Elle n'avait trouvé aucune différence entre les consommatrices de bio et les non-consommatrices sur le risque général de cancer, mais avait vu un risque réduit pour un cancer particulier : le lymphome non hodgkinien. Une étude française (Sorbonne, Inra, Inserm...) de la fin octobre 2018 se frotte à nouveau au sujet. Publiée dans la revue américaine Jama, elle se fonde sur l'observation de 69 000 participants, en majorité des femmes.
Moins de pesticides, moins de cancers ?
L'hypothèse est que les consommateurs de bio ingèrent moins de pesticides synthétiques par les fruits, légumes ou céréales, et réduisent ainsi leur risque, certains pesticides étant soupçonnés d'être cancérigènes. Après leur recrutement, les volontaires de l'étude NutriNet-Santé ont rempli un questionnaire (revenus, activité physique, fumeur ou non, indice de
masse corporelle...) et déclaré les aliments bio consommés dans les 24 heures précédentes. L'étude a réparti les participants en quatre groupes, selon leur consommation de bio. Puis le nombre de cancers dans chaque groupe a été compté, sur quatre ans et demi en moyenne. Dans le quart de personnes ayant déclaré manger le plus de bio, le risque de cancer était 25% inférieur à celui dans le quart qui n'en mangeait jamais. En absolu, l'augmentation est seulement de 0,6 point, soit six malades supplémentaires pour 1.000 personnes.
L'étude ne trouve de corrélation statistiquement significative que pour le cancer du sein pour les femmes ménopausées, et les lymphomes, notamment le lymphome non hodgkinien. Les auteurs ont pris soin de corriger leurs résultats pour tenir compte du fait que les mangeurs de bio étaient, en moyenne, plus riches, moins obèses, moins fumeurs. Mais d'autres facteurs invisibles, environnementaux ou liés au mode de vie, jouent aussi peut-être un rôle. C'est le problème typique de ces études.
Les consommateurs de bio, en meilleure santé globale ?
"Les gens qui mangent bio délibérément, au point de le déclarer, sont probablement différents des autres par bien d'autres aspects", a expliqué à l'AFP Nigel Brockton, directeur de la recherche de l'Institut américain de recherche contre le cancer (AICR). Il recommande, plutôt qu'un type d'aliment particulier, un ensemble de pratiques pour réduire les risques de cancer : poids normal, activité physique, régime sain, pas trop de viande rouge...
"Le régime alimentaire est une chose complexe", dit-il. "Nous ne ferions jamais de préconisation fondée sur une seule étude, même si elle est statistiquement significative". Un autre problème mentionné est le fait que la plupart des gens seraient bien incapables de dire précisément combien de nourriture bio ils mangent. "L'étude a 3% de chance d'avoir trouvé quelque chose d'important, et 97% de propager des résultats absurdes et ridicules", conclut Nigel Brockton qui salue néanmoins l'avancée inéluctable de la recherche médicale.
Comme pour la viande rouge ou la cigarette, il faudra de nombreuses études allant dans le même sens pour pouvoir conclure sur la nourriture bio. En attendant, l'American Cancer Society continue de préconiser de manger des fruits et légumes, bio ou pas.
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AFP
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