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Séropositive depuis l’enfance : le parcours de Sophie-Elena

Publié le 1 déc. 2025 • Par Candice Salomé

Sophie-Elena Jaquenod, mère au foyer de 36 ans vivant en Suisse, porte un témoignage unique sur sa vie avec le VIH. Née en Roumanie et abandonnée à la naissance, elle a traversé une enfance marquée par l’adversité et la maladie, avant d’être adoptée par une famille suisse qui l’a entourée d’amour. Séropositive depuis l’enfance à cause d’un soin infecté, Sophie-Elena a connu des traitements lourds, des effets secondaires difficiles et des moments où elle a même tenté d’arrêter ses médicaments. 

Pourtant, à travers ces épreuves, elle a appris à se réapproprier sa santé et à voir les médicaments non pas comme un ennemi, mais comme son principal allié contre le virus. Aujourd’hui, elle mène une vie épanouie, avec un conjoint et un fils en pleine santé, et s’engage activement pour changer la perception du VIH dans la société. Son message est clair et puissant : Indétectable = Intransmissible.  

Entre résilience, maternité et engagement citoyen, le parcours de Sophie-Elena est un exemple de courage et d’inspiration pour tous. 

Séropositive depuis l’enfance : le parcours de Sophie-Elena

Bonjour Sophie-Elena, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous en remercions. 

Tout d’abord, pouvez-vous commencer par vous présenter ?  

Bonjour, je m’appelle Sophie-Elena Jaquenod et je vis en Suisse. Mère au foyer de 36 ans, je témoigne de mon vécu avec le VIH.  

En dehors de mes interventions, je suis une inconditionnelle de la musique et de la lecture de fantasy. 

Avec l'aimable autorisation de Sophie-Elena

Avec l'aimable autorisation de Sophie-Elena

Pouvez-vous nous raconter un peu votre enfance et le contexte dans lequel vous avez grandi ? 

Je suis née en Roumanie en 1989 et j’ai été abandonnée à la naissance. Je fus mise dans un petit lit rouillé dans lequel je passai mes journées durant dix mois. Puis je fus adoptée par une famille suisse. Ils me ramenèrent en Suisse et ce fut le début d’une enfance heureuse, entourée et choyée. On me découvrit une malentendance importante, qui impacta mon rapport aux autres durant l’enfance, malgré les appareillages. Mais j’ai pu vivre mon enfance de façon sereine, malgré toutes les difficultés que je traversais alors. 

À quel moment avez-vous découvert que vous étiez porteuse du VIH, et comment cela a-t-il impacté votre quotidien ?  

Je souffrais d’hépatite B transmise dans le ventre et j’ai dû être soignée à l’hôpital. Dans ces années-là, la Roumanie était régie par la dictature très dure de Ceaușescu et le pays manquait de tout. Les hôpitaux manquaient notamment de matériel médical. C’est dans ce contexte que j’ai contracté le VIH, lors d’un soin avec une aiguille infectée. Mes parents ont pris du matériel stérile avant de venir me voir, se doutant de quelque chose (ma maman est infirmière), et ils ont prélevé mon sang. C’est ainsi qu’après analyse en laboratoire, ils ont su. Cela ne changea rien pour eux, qui voulaient m’offrir une fin de vie digne, sachant qu’il n’y avait à ce moment-là pas de traitement

Mes parents ne m’ont jamais caché ma séropositivité, jamais. J’ai toujours su que j’étais concernée par le « petit virus », ainsi qu’ils appelaient mon VIH. Durant les sept premières années de mon enfance, le virus se tenait tranquille. Mon médecin me prescrivait des antibiotiques quotidiens pour prévenir les maladies opportunistes et des injections mensuelles de globules blancs pour préserver mon immunité. En dehors de cela, j’avais une vie normale. 

Mais à mes sept ans, tout a changé. Je développais des maladies opportunistes : un zona sur le crâne, couplé à un herpès de la gorge et de la bouche. J’avais une charge virale très élevée et un taux de CD4 (les défenses immunitaires) de 50 par ml de sang. La population générale en a entre 1000 et 1500. J’ai failli mourir. Heureusement, les antirétroviraux firent leur apparition en 1996

Quels souvenirs gardez-vous de vos premières expériences avec les traitements médicamenteux ? 

Je commençais alors à prendre un sirop, le Norvir. C’était un sirop particulièrement dégoûtant, au goût infect. Mais il me sauva la vie. Je devais prendre ce médicament tous les jours. Puis d’autres traitements arrivèrent, et c’était toute une logistique, car il fallait les garder au frigo et les prendre à jeun. Donc pas de goûter avec les copains, pas d’anniversaires, car je devais garder le ventre vide le plus possible entre les repas. Je mangeais peu, j’étais poids plume et je vomissais beaucoup. Je ne supportais pas les traitements durant cette période. 

Comment votre santé a-t-elle évolué durant votre enfance et vos premières années à l’école ?  

Comme je l’ai dit, j’ai eu ces épisodes de maladies opportunistes. Je manquais alors l’école durant un mois. Ce fut éprouvant pour toute la famille. À l’école, c’était compliqué, car j’étais souvent absente, mais je ne pouvais pas dire à mes camarades les détails de ma maladie, juste que j’étais malade. En effet, mes parents m’avaient interdit d’évoquer le VIH en dehors de la sphère familiale. Ce fut difficile de garder ce secret, mais c’était nécessaire pour éviter le harcèlement et la stigmatisation. Dans ma propre famille, j’avais une tante qui refusait que je touche ma cousine bébé. Alors, à l’école, je n’imagine même pas l’effet que cela aurait eu. Le VIH/SIDA faisait peur dans la société

Comment avez-vous ressenti les effets secondaires visibles des traitements à l’adolescence ?  

Je développais de la lipodystrophie/lipoatrophie, nom barbare qui décrit une mauvaise répartition des graisses. Toutes mes graisses ingurgitées s’emmagasinaient dans le ventre et la poitrine. Le reste de mon corps était extrêmement maigre. J’étais très émaciée. Je le vivais très mal, me sentant stigmatisée sur mon apparence, que les gens attribuaient parfois à tort à de la consommation de substances. Je devais aller dans des enseignes spécialisées pour me vêtir et trouver des sous-vêtements à ma taille. Mon dos me faisait souffrir le martyr et tout le monde se moquait de moi ou me regardait comme un bout de viande. 

Y a-t-il eu un moment où vous avez voulu arrêter ou modifier votre traitement ? Pourquoi ?  

À l’adolescence, j’ai, suite à ces effets indésirables visibles, décidé d’arrêter de prendre mes médicaments. Je les cachais dans un petit sac plastique que je mettais au fond de mes chaussettes. Je ne disais évidemment pas à mes parents que je prenais mal mes traitements : un jour oui, un jour non. Les prises de sang ont révélé que je n’étais pas observante dans la prise des traitements. Plein de médecins se sont succédé et tous ont essayé sans succès, jusqu’à mes 20 ans. 

À ce moment-là, j’ai eu une doctoresse qui m’a dit : «Le VIH est un serial killer qui va vous traquer et vous tuer. Vous devez prendre votre traitement, faute de quoi vous mourrez. Vous allez aller à la pharmacie tous les jours pour prendre vos comprimés devant un pharmacien, qui notera votre prise. »

Qu’est-ce qui a finalement changé dans votre manière de prendre soin de votre santé à l’âge adulte ?  

Cette expérience fut difficile mais salvatrice. Je me réappropriais mon traitement et compris, au fil des années, que c’est le virus l’ennemi, pas les médicaments. En 2008, une étude suisse prouva qu’une personne séropositive qui a une virémie indétectable ne transmet pas le virus. Cela n’a pas tout de suite fait écho chez moi, mais mon médecin m’a dit : « Si vous êtes indétectable durant six mois, vous pourrez bénéficier d’une réduction mammaire, car vous pourrez supporter l’opération.» Cette opération fut une renaissance pour moi, qui avais tant souffert de ma grosse poitrine disproportionnée. 

Comment votre vie affective et vos relations personnelles ont-elles été influencées par votre parcours médical ?  

Mes relations furent parfois compliquées, car le fait d’être séropositive peut faire peur. Mais j’ai fini par rencontrer un homme extraordinaire en 2013. Nous sommes toujours ensemble, et j’ai donné naissance en 2018 à un petit garçon en pleine santé

Pouvez-vous nous parler de votre expérience de la maternité et de ce que cela a représenté pour vous ? 

Après un accouchement traumatique, j’ai pu rentrer à la maison avec mon fils et mon conjoint. Ce fut le début d’une nouvelle vie à trois, dans laquelle le virus n’avait pas sa place. Bien sûr, je prends toujours mes médicaments quotidiennement et j’ai une virémie indétectable depuis 2013. Et au quotidien, mon virus ne m’impacte plus. Mon fils est au courant et connaît le mode de transmission sanguin. Il sait que je prends des médicaments et pourquoi. Il me soutient, ainsi que mon conjoint, dans toutes mes démarches autour du VIH. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à partager votre histoire et à sensibiliser les autres sur votre expérience ?  

Active sur les réseaux, je suis devenue une porteuse de parole autour du VIH et de mon vécu. Je sensibilise également les soignants aux bonnes pratiques autour du VIH et je témoigne très souvent de mon expérience. Il est important de parler du VIH de façon positive et de changer la perception des gens sur ce virus

Un dernier mot ? 

Merci de m’avoir permis de m’exprimer sur mon vécu ! Je souhaite rappeler une chose importante : Indétectable = Intransmissible ! I = I est vraiment une notion à mémoriser et à intégrer. J’insiste également sur le dépistage, tous les trois mois. Il est tellement important de savoir où vous en êtes pour que le VIH ne se propage pas. 

Merci pour cette interview ! 


Un grand merci à Sophie-Elena pour son témoignage !

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Prenez soin de vous !

avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

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