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Trouble du spectre autistique : "Vos besoins sont plus complexes et ce n'est pas quelque chose que vous devriez être obligé de cacher !"

Publié le 29 mars 2023 • Par Lizzi Bollinger

Pidge est une personne non binaire de 22 ans, iel est atteint.e d'un trouble du spectre autistique. Depuis qu'iel est enfant, iel est confronté.e aux défis de la vie liés à ses maladies chroniques. Pidge nous décrit ses moyens de faire face aux maladies, aux douleurs chroniques limitantes et comment obtenir du soutien.

Ile explique l'importance d'avoir un chien d'assistance et la façon dont les communautés de personnes handicapées et de personnes homosexuelles les ont accueillis. Iel nous partage aussi des conseils sur la manière d'exprimer ses besoins.

Découvrez son histoire ci-dessous !

Trouble du spectre autistique :

Bonjour Pidge, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.  

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ? 

Je suis Pidge, une personne non binaire qui a grandi dans le Midwest, avec des parents originaires du Sud. J'ai été diagnostiqué.e autiste à un jeune âge et j'ai reçu beaucoup de soutien de la part de ma famille. Je continue de recevoir ce soutien aujourd'hui puisque je vis toujours avec mes parents à l'âge de 22 ans.

Je travaille comme couturier.ère depuis 3-4 ans. Je peux travailler de chez moi, personnaliser mon espace de travail et fixer mes propres horaires. C'est la seule raison pour laquelle je peux travailler. Bien que je fasse principalement des retouches et des réparations, la couture est aussi l'un de mes principaux plaisirs créatifs. Je suis un.e cosplayeur.se, je crée mes propres cosplays (déguisements ressemblant aux personnages de fiction), ainsi que ceux de mes amis. Je fabrique également de petits objets pour faciliter ma vie de personne handicapée.

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Pouvez-vous nous parler de vos maladies ? Laquelle vous a été diagnostiqué.e en premier ? Quand avez-vous commencé à ressentir des symptômes ? Comment avez-vous réagi, et vos parents ? 

Mon premier diagnostic a été celui d'un trouble du spectre autistique, à l'époque, on parlait du syndrome d'Asperger. Pendant la majeure partie de ma vie, on a supposé que tous mes autres handicaps étaient des symptômes d'autisme se manifestant d'une manière étrange. On supposait que mes douleurs chroniques étaient dues à une surstimulation, que mes évanouissements étaient dus au fait que j'avais du mal à me souvenir de manger ou de boire, et que mes éruptions cutanées n'étaient qu'un symptôme inhabituel de l'autisme.

Mes parents ont été les premiers à remarquer ce qui n'allait pas chez moi. Ils ont également été les premiers à remarquer mes autres symptômes étranges, comme mes articulations qui se disloquaient et mes réactions allergiques intermittentes. Ces symptômes ont été diagnostiqués plus tard comme étant le syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile (SEDH) et le syndrome d'activation des mastocytes. Mais après s'être fait dire pendant des années qu'ils réagissaient de manière excessive, ils ont commencé à y croire. À tel point que lorsque même mes symptômes ont commencé à devenir graves et que j'ai dû suivre des cours à distance - quatre ans avant la pandémie - ils ont eux aussi pensé qu'il s'agissait simplement d'autisme. 

On m'a diagnostiqué un trouble bipolaire, un trouble obsessionnel compulsif, un trouble anxieux généralisé et une psychose induite par un trouble bipolaire. J'ai passé des tests en 2011, et ce fut un processus complexe pour déterminer comment mes troubles s'influencent les uns les autres. Il y a eu beaucoup d'incertitudes, mais cela n'a pas empêché mes parents et les prestataires de soins de santé mentale de trouver un plan de traitement extraordinaire pour moi.

Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ? Combien de médecins avez-vous consultés ? Quels tests avez-vous dû passer ? 

Après avoir rencontré une personne atteinte du SEDH, ma mère m'a suggéré de passer un test de dépistage, qui n'a pas été effectué correctement. En même temps, j'ai été examiné.e pour des problèmes cardiaques et d'éventuelles crises d'épilepsie (causées par des médicaments et des épisodes de STOP - Syndrome de tachycardie orthostatique posturale).

Outre les analyses de sang, on m'a fait passer le test de la table basculante, qui a également été mal effectué en raison du manque de personnel. Heureusement, mon cardiologue a pu contourner ces tests non concluants et m'a diagnostiqué.e. Très récemment, j'ai été orienté.e vers un spécialiste en gastro-entérologie pour tous mes problèmes digestifs et pour vérifier la présence d'une gastroparésie. J'ai également rencontré un spécialiste en janvier dernier pour obtenir un deuxième avis sur le SEDH et j'ai été diagnostiqué.e.

Qu'avez-vous ressenti lorsque le diagnostic a été posé ? Vous y attendiez-vous ? Avez-vous compris ce qui vous arrivait ? Avez-vous pu recevoir toutes les informations dont vous aviez besoin pour comprendre la maladie ? 

J'ai toujours su que j'étais handicapé.e. Il n'y a jamais eu dans ma tête de version "normale" de ma vie qui aurait pu être ébranlée par la réalité de mon handicap. À l'âge de 9 ans, je me demandais si je pourrais un jour trouver un emploi. Mon avenir comprenait les limites de mon handicap et de la société qui le rendait encore plus invalidant. D'aussi loin que je me souvienne, mes diagnostics de santé mentale ont toujours fait partie de ma vie. Et j'ai fait des recherches approfondies sur mes handicaps physiques avant d'être diagnostiqué.e. J'ai pu vivre avec quelqu'un qui avait les mêmes handicaps que moi. Cela m'a donné le privilège de ne pas me contenter de lire sur ces handicaps, mais de pouvoir voir et comparer les expériences vécues. 

Une grande partie de l'ergothérapie pour les troubles du spectre autistique consiste à être capable de comprendre son corps et ce qu'il nous dit, car cela n'est pas naturel pour nous. Une thérapie régulière enseigne la prise de conscience des émotions, car il peut être difficile pour les autistes d'identifier leurs sentiments. Je me suis compris.e avant que l'on me donne une étiquette pour savoir ce qui n'allait pas chez moi.

Quel est votre prise en charge médicale actuelle ? Qu'en pensez-vous ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfait.e ? 

J'ai une longue liste de médicaments pour traiter mes troubles bipolaires et mes troubles digestifs, ainsi qu'un relaxant musculaire pour la douleur. Je reçois également une solution saline par intraveineuse, dans mon cathéter, trois fois par semaine, pour m'hydrater.

J'ai un chien d'assistance qui m'aide à naviguer dans le monde en tant que personne autiste. Il peut effectuer la thérapie par pression profonde (DPT) pour m'empêcher de m'effondrer ou pour m'immobiliser. Il m'aide également à me déplacer en tirant vers l'avant pour que je me déplace à un rythme régulier ou en me permettant de me hisser sur son harnais lorsque je suis déséquilibré.e. Il m'aide même à me lever en me laissant m'appuyer sur ses fesses.

J'utilise un fauteuil roulant la plupart du temps lorsque je suis en public, afin de gérer la douleur et de me protéger contre les évanouissements.

Pour ma santé mentale, j'ai une longue liste de mécanismes d'adaptation que j'ai développés tout au long de ma vie pour me gérer.

Quel est ou a été l'impact de ces pathologies sur votre scolarité, votre vie professionnelle ou sociale ? Quel est, selon vous, l'aspect le plus gênant de votre vie quotidienne ?

Je n'ai jamais été sociable. J'ai du mal à entrer en contact avec les personnes neurotypiques parce que nos méthodes de communication sont très différentes. J'ai également vécu plusieurs amitiés ou relations amoureuses abusives qui m'ont isolé.e de mes pairs, ce à quoi l'autisme me rend plus vulnérable.

J'ai dû m'isoler de ma communauté au lycée en raison de ma mauvaise santé. Je ne pouvais assister aux cours que la moitié du temps et je restais le plus souvent à la bibliothèque pour travailler seul.e afin d'éviter les crises de panique dues à la surstimulation constante. Lorsque j'ai obtenu mon diplôme, il était clair pour moi que l'université n'allait pas être ma prochaine étape. J'ai commencé à chercher un emploi qui pouvait s'adapter à mes nombreux handicaps, mais je n'en ai jamais trouvé.

Je ne peux pas conduire, je vis dans une zone rurale où il n'y a pas de transports en commun et j'ai besoin d'un soutien constant de la part de mes soignants.

Vous avez dressé votre chien d'assistance actuel, Grimm. Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les chiens d'assistance et nous expliquer comment vous avez appris à dresser Grimm ?

Mon dernier chien d'assistance, Griffin, nous l'avons obtenu par l'intermédiaire d'une organisation qui a fermé ses portes en raison de pratiques commerciales contraires à l'éthique. Ma famille s'est retrouvée avec un chien d'une valeur de 30 000 dollars qui n'avait reçu que peu ou pas de formation. J'ai commencé à travailler avec des dresseurs locaux. Ils ont travaillé dur pour m'apprendre à dresser un chien. Tragiquement, il a développé une malformation cardiaque et a fini par mourir d'un caillot de sang.

Le dressage de mon chien actuel, Grimm, a pris un an et demi. J'ai eu la chance de continuer à recevoir des conseils de mes anciens entraîneurs, mais c'est moi qui ai fait tout le travail pratique. Il fait son travail de manière fiable pour moi, et il est bien élevé et discret en public. Les chiens d'assistance ne cessent jamais d'être en formation. Ils ont toujours besoin de travail, ou ils commencent à perdre leurs compétences et à oublier la formation.

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Vous dessinez et partagez certaines de vos visions de psychose. Ces visions vous effraient-elles ? Le dessin vous aide-t-il à les traiter ? 

Pour moi, la psychose est une expérience étrange. Je suis capable de comprendre sur le moment que ce que je vis n'est pas réel. Du moins, dans mon esprit, je le comprends. Mon corps, lui, ne le comprend pas. Il est facile de se dire "cet homme allongé dans le coin de ma chambre ne peut pas être réel", mais il est impossible d'arrêter la peur qui accompagne ce petit "et si". Cet instinct de survie n'est pas quelque chose que l'on peut combattre. Il est rassurant de voir mon chien ignorer quelque chose qui, pour moi, semble menaçant et terrifiant. S'il ne réagit pas, c'est qu'il n'y a rien.

J'ai vu d'autres personnes faire de l'art pour faire face à leurs hallucinations et on me l'avait toujours suggéré, alors j'ai décidé d'essayer. Honnêtement, je ne sais pas si cela m'aide. C'est bien d'avoir un exutoire pour que ces choses ne vivent pas seulement dans ma tête, mais cela les rend aussi plus réelles.

Vous êtes également couturier.ère. Quand avez-vous commencé à coudre ? Réalisez-vous vos propres modèles ? À quoi consacrez-vous la majeure partie de votre temps ?

J'ai commencé à pratiquer le cosplay. Cela a ravivé mon amour de la couture. J'ai fini par découvrir que je savais coudre et j'ai commencé à recevoir des demandes, alors je suis devenue couturier.ère. Je travaille de courtes journées et je fais de longues pauses en raison de mes problèmes de santé. C'est l'idéal, mis à part le fait que je ne gagne pas assez d'argent pour vivre.

Quels conseils donneriez-vous aux membres de Carenity qui vivent également avec une maladie chronique ? 

Vous méritez de prendre plus de place qu'une personne valide. Vos besoins sont plus complexes et vous ne devriez pas être obligé de les cacher. Il est bon de faire du bruit lorsque vos besoins ne sont pas satisfaits. Il est bon d'occuper l'espace dont vous avez besoin pour participer correctement. Vous devez vous aimer et aimer vos frères et sœurs handicapés plus que de craindre d'être une "gêne" pour les personnes valides.

Beaucoup de nos membres souffrent de plusieurs pathologies, appartiennent à de nombreuses catégories sociales et ont du mal à trouver des personnes qui leur ressemblent. Vous identifiez de multiples intersectionnalités dans votre profil Instagram - autiste, handicapé physique, queer. Êtes-vous en mesure de vous connecter en personne et/ou en ligne avec d'autres personnes qui vous ressemblent ? Comment faites-vous pour trouver des personnes avec qui parler ? 

J'ai découvert le hashtag #actuallyautistic lorsque je faisais du travail de plaidoyer sur Tumblr au début des années 2010. Les communautés de personnes handicapées et de personnes homosexuelles sont profondément liées et lorsque j'ai finalement fait mon coming-out, j'étais déjà intégré.e dans ces communautés. Je n'ai jamais eu à les rechercher, car elles se recoupent largement. Si je trouve un hashtag qui est utilisé dans une communauté, je suis généralement en mesure de trouver tous les autres.


Un grand merci à Pidge pour son témoignage !

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Prenez soin de vous ! 


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avatar Lizzi Bollinger

Auteur : Lizzi Bollinger, Rédactrice Santé

Lizzi est titulaire d'un MBA en responsabilité sociale des entreprises de l'école de commerce Audencia de Nantes, en France. Sur le plan personnel, Lizzi aime explorer de nouvelles villes, faire du shopping et se... >> En savoir plus

3 commentaires


eclairounette
le 04/05/2023

TROUBLE DU SPECTRE AUTISTIQUE depuis toute petite et j'ai une autre maladie il faut que les gens ouvrent leurs yeux et en parler a ne pas avoir honte de soi j'ai retrouvée ma place je ne me sentais pas à ma place petite car je n'ai pas les codes sociaux


Enzaelle
le 16/06/2023

eclairounette, entièrement d’accord il ne faut pas avoir honte de soi. Si nous n’avons pas les codes sociaux ce n’est pas important. Notre monde est moins cruel, notre sensibilité est plus forte. Apprendre à se connaître est très important. Bon courage ^^


eclairounette
le 25/06/2023

merci beaucoup

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