« La maladie ne m’empêchera pas de vivre » : le combat quotidien de Jonatha contre la drépanocytose
Publié le 3 sept. 2025 • Par Candice Salomé
Jonatha, 33 ans, mariée et maman de deux filles, vit avec la drépanocytose, une maladie chronique du sang qui touche l’hémoglobine. Depuis son diagnostic à la naissance, elle fait face à des douleurs intenses et à des complications multiples. Dans ce témoignage exclusif pour Carenity, elle raconte son parcours, les défis du quotidien, les traitements qu’elle suit et le message qu’elle souhaite transmettre aux autres jeunes femmes concernées.

Bonjour Jonatha, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous commencer par vous présenter ?
Bonjour ! Je m’appelle Jonatha, j’ai 33 ans. Je suis une femme mariée et mère de 2 petites filles formidables. Je suis atteinte de la maladie de la drépanocytose, qui est une maladie du sang touchant l’hémoglobine.
Mes globules rouges, étant mal formés, ont du mal à passer dans les petits vaisseaux sanguins, et c’est ce qui provoque de fortes douleurs dans tout le corps, surtout au niveau des os. On appelle ça la maladie de la douleur, car on souffre énormément.
Mes enfants et mon mari sont ma priorité et ma force. J’aime aussi partager, sur mes réseaux, mon quotidien et ma vie de famille en vivant avec une maladie chronique.
Avec l'aimable autorisation de Jonatha
Pouvez-vous nous raconter à quel moment et dans quelles circonstances vous avez été diagnostiquée de la drépanocytose ?
La drépanocytose est une maladie génétique et héréditaire qui m’a été diagnostiquée dès la naissance. Depuis bébé, j’ai commencé à faire beaucoup de crises, et c’est de là que les tests ont pu révéler la maladie.
Quels ont été vos premiers symptômes ?
Mes premiers symptômes, c’était ce qu’on appelle les crises vaso-occlusives. Ce sont des pics de douleurs dans tous les membres du corps. J’avais les jambes et les bras qui enflaient. Le sang circulait mal dans mon petit corps, et cela créait des douleurs atroces dans tout le corps, mais surtout au niveau des articulations. Mes yeux aussi étaient très jaunes, ce qui indiquait que j’étais en crise et anémiée.
Comment la maladie a-t-elle évolué depuis le diagnostic ? Avez-vous connu des périodes de crise fréquentes ?
Au fil des années, je dirais que la maladie prend de plus en plus d’ampleur sur ma vie. Après avoir eu mes enfants, dont les grossesses étaient des grossesses à risques très compliquées, il m’a fallu plusieurs mois d’hospitalisation d’affilée. C’est là que les complications de la maladie ont commencé.
Les complications de la drépanocytose, c’est quand ça commence à toucher différents organes de ton corps. Plus je prends de l’âge, plus mes crises durent longtemps, plus c’est dur de me soulager, et plus je fais des complications multiples comme les ostéonécroses, les embolies pulmonaires, les syndromes thoraciques aigus, etc. J’ai plusieurs membres du corps touchés en même temps, et c’est assez difficile à gérer, surtout très douloureux au quotidien.
En hiver, je fais beaucoup plus de crises, car le froid déclenche les crises.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre quotidien à cause de la drépanocytose ?
Pour moi, la drépanocytose est une maladie avec un handicap invisible. C’est vrai que je ne suis peut-être pas en chaise roulante, mais j’ai tout autant de difficultés à faire certaines choses qu’une personne avec un handicap visible.
Les simples tâches du quotidien me créent des douleurs. Rester debout trop longtemps ou marcher pendant un long moment me déclenche des crises. Chaque sortie faite est calculée en fonction de comment je me sens et si je vais avoir la force pour la souffrance qui va m’attendre après. Je sélectionne mes sorties, car sinon je souffre trop après : je ne suis pas bien, je suis douloureuse, et il me faut plusieurs jours pour m’en remettre.
La difficulté est de ne pas avoir la liberté de faire ce que je veux, quand je veux, sans obstacles, sans freins. Il y aura toujours des répercussions et des conséquences négatives après chaque activité faite.
Quels traitements ou prises en charge vous ont été proposés jusqu’à présent ? Sont-ils efficaces pour vous ?
Actuellement, je suis sous Hydrea, qui aide à la fabrication des globules rouges et est censée espacer les crises. Je fais aussi des échanges transfusionnels une fois par mois pour faire baisser au maximum l’hémoglobine S et faire remonter le taux d’hémoglobine.
Je ne dirais pas que tout cela ne sert complètement à rien, mais de mon côté, je remarque que je fais toujours autant de crises, à la maison comme à l’hôpital. Mes crises durent très longtemps et ont du mal à passer. Je souffre toujours autant, même avec ces traitements mis en place.
Comment gérez-vous la douleur au quotidien ou lors des crises ? Avez-vous des astuces ou des rituels qui vous aident ?
À la maison, lorsque je suis en crise, je ne peux pas faire grand-chose à part me reposer un maximum et prendre mes antidouleurs. Heureusement que j’ai la machine à oxygène à la maison, qui m’aide à mieux supporter la crise, mais il n’y a pas 10 000 solutions : je souffre et j’attends que la crise veuille bien me laisser un peu de répit.
Parfois, j’utilise une bouillotte : la chaleur sur la douleur aide aussi à atténuer l’intensité de la douleur. Sinon, je serre les dents et je prie pour que ça passe.
La maladie a-t-elle eu un impact sur votre scolarité, vos études ou votre vie professionnelle ?
Évidemment que oui. C’est là où j’ai le plus échoué : dans ma vie professionnelle, que je n’ai jamais pu avoir. Jusqu’au BAC, ça a été : j’ai lutté malgré mes absences, j’ai pu tout rattraper et j’ai obtenu mon BAC.
Pour les études supérieures, il a fallu que je vienne en France. Je me suis inscrite à l’université, et le rythme m’a tuée. Tout le temps hospitalisée, c’était catastrophique, donc je n’ai pas validé mon année. Mais je me suis dit : non, je veux continuer et réessayer. Pareil : malade H24, à l’hôpital, je n’arrivais pas à suivre le rythme de l’université. Pourtant, je ne voulais toujours pas lâcher l’affaire : mon rêve, mon but, c’était de faire des études supérieures.
Donc, deuxième année non validée non plus. Alors je décide de faire par correspondance. C’était dur, mais le rythme était moins intense, car c’était à distance, jusqu’au jour du stage. Le stage m’a achevée aussi : toujours hospitalisée.
Mais une première petite victoire : la première année par correspondance est validée. Je suis contente et je m’apprête à faire la deuxième année… Mais je découvre que je suis enceinte, et tout bascule. Impossible de faire quoi que ce soit en étant enceinte, et là j’abandonne pour me consacrer à 100 % à devenir mère.
Aujourd’hui, je n’arrive pas à travailler. Douloureuse tous les jours, c’est carrément impossible pour moi de faire quoi que ce soit sans avoir mal. J’ai eu beaucoup de complications avec la maladie, qui touchent plusieurs membres du corps et m’empêchent aussi de travailler.
Et sur le plan social ou affectif : comment vos proches réagissent-ils face à votre maladie ?
Mes proches sont au courant pour ma maladie. Parfois, ils n’osent pas me demander certaines choses, car ils savent que c’est délicat pour moi. Ils savent que, lorsque je décline une invitation, c’est parce que je ne peux vraiment pas. Ils apprennent aussi un peu plus sur la maladie et s’y intéressent davantage.
Vous sentez-vous suffisamment soutenue ou informée par les professionnels de santé ?
Je trouve que je suis très bien suivie, surtout que mon spécialiste, qui me suit, est très investi dans la cause de la drépanocytose. Dans mon hôpital, il y a constamment des groupes de parole, des réunions, des ateliers concernant la maladie et la prise en charge. Le personnel soignant, dans mon hôpital, est aussi formé afin de bien gérer une patiente drépanocytaire.
Quel message aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes femmes atteintes de drépanocytose ou à celles qui découvrent leur diagnostic ?
En tant que personne malade, je sais ce que ça fait. Je sais aussi que parfois nous avons envie d’abandonner le combat, mais il ne faut pas. C’est très dur, je le sais. Ce ne sont pas que des douleurs physiques : ça atteint aussi notre moral, mais il faut avancer. Il ne faut pas hésiter à en parler lorsque le moral est touché.
Ayez une bonne hygiène de vie en général, écoutez votre corps et sachez quand vous arrêter. Restez fort pour continuer le combat quotidien, entourez-vous de bonnes personnes qui vous soutiennent. Bien prendre son traitement et éviter tout ce qui peut déclencher une crise.
Un dernier mot ?
Ne laissez jamais la maladie vous empêcher de faire ce que vous voulez. Évidemment, il faut savoir lever le pied quand le corps le demande, mais il faut vivre un maximum et profiter de la vie, de ses proches, car tout peut basculer d’une seconde à l’autre. C’est un combat sans fin malheureusement, donc il faut s’accrocher et être fort.
La maladie ne m’empêchera pas de vivre. Certes, elle m’handicape dans beaucoup de choses, mais je refuse que ce soit elle qui gagne à la fin.
Surtout, un point très important : je recommande à tout le monde, à tous mes amis, aux couples, de faire l’électrophorèse. C’est une prise de sang qui permet de savoir si l’on est porteur du gène ou malade. C’est important de savoir si nous sommes porteurs, cela évite de mettre au monde des enfants malades.
Un grand merci à Jonatha pour son témoignage !
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