Errance médicale et douleurs faciales : 10 ans de lutte contre la névralgie du trijumeau
Publié le 9 oct. 2025 • Par Candice Salomé
Pendant dix ans, elle a vécu avec une douleur invisible, incomprise et souvent remise en question. Maman d’un petit garçon, professionnelle passionnée et artiste dans l’âme, @lameinvisible raconte son combat contre la névralgie du trijumeau atypique. Entre consultations infructueuses, diagnostics erronés et traitements inefficaces, son témoignage illustre les défis d’une errance médicale longue et épuisante.
Elle partage avec franchise son quotidien bouleversé par la douleur, mais aussi l’espoir et la résilience qui l’accompagnent face à une intervention chirurgicale envisagée comme solution.

Bonjour, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous commencer par vous présenter ?
41 ans, maman d’un petit garçon de 6 ans. En cours de divorce d’une relation abusive, je suis actuellement en couple, mais nous ne vivons pas ensemble. Professionnellement, je suis CIP (conseillère en insertion professionnelle) avec la spécificité handicap : je ne m’occupe que d’usagers en situation de handicap, quelle qu’en soit la nature. Je suis passionnée d’art et de photographie.
Pouvez-vous nous raconter comment vos premières crises de névralgies ont débuté ?
Mes premières crises de névralgie du trijumeau ont commencé il y a une dizaine d’années. Je me suis réveillée avec des douleurs « dentaires », du moins ce que je pensais… J’ai donc consulté un dentiste, qui n’a… rien vu. Les douleurs ont rapidement progressé dans la gencive, puis vers l’œil et l’oreille. Elles se déclenchaient vers 10-11 h et s’aggravaient au fil de la journée.
À l’époque, quels examens ou spécialistes avez-vous consultés pour tenter d’identifier la cause de vos douleurs ?
Après le dentiste, on m’a parlé de migraines. Échec total des traitements. On m’a orientée vers un acupuncteur, un orthodontiste, un orthopédiste et même un posturologue. Rien n’a fonctionné ! (Par contre, le point de la « douleur » lors de la séance d’acupuncture était digne d’un vrai film d’horreur : un véritable geyser de sang !)
Bref.
Mon médecin, ne trouvant rien, m’a donc suggéré que ce soit dans ma tête. Et vu que j’ai très mal réagi au tramadol (vertiges m’empêchant de rester debout et combo nausées/vomissements), il a émis l’hypothèse que je sois… alcoolique !
Par acquis de conscience, il a demandé une prise de sang pour vérifier l’état inflammatoire et, sans me prévenir, pour vérifier si je n’étais pas alcoolique ou enceinte (il savait que j’étais mariée à une femme !).
C’est, arrivée au laboratoire, que la dame me demande si je suis à jeun… et insiste jusqu’à me demander : « et même d’alcool ? ». J’ai vu rouge…
Je suis retournée voir le médecin en lui présentant les résultats NEGATIFS, à l’exception de l’inflammation très avancée. Il a bredouillé un truc du genre : « maintenant que je suis sûr, on va pouvoir avancer », mais j’ai mis un STOP : s’il remettait en question ma parole, il ne pouvait pas m’aider.
J’ai changé de médecin : la meilleure décision que j’ai pu prendre !
Je parle donc de mes symptômes à ce nouveau docteur, qui évoque immédiatement des névralgies faciales. On commence les traitements spécifiques et il me fait également une séance de mésothérapie.
Rien ne fonctionne et j’enchaîne tous les effets secondaires : vertiges, vomissements, etc. Évidemment, je regarde sur Internet et je n’ai plus aucun doute : il s’agit bien de névralgies trigéminales. Je me joins donc à des groupes Facebook sur la thématique. Je partage, j’échange et c’est aussi mon refuge… avec des personnes qui savent.
Cela fait plus d’un an déjà que j’erre et enchaîne les rendez-vous. Les crises sont insupportables, je me retrouve tétanisée de douleurs un peu partout. Je me rappelle une fois être bloquée sur un parking, incapable de conduire… devoir sortir d’un magasin car il m’était impossible de me concentrer sur les courses. Je m’isole de plus en plus… et je retourne donc chez le médecin, qui m’oriente vers un neurologue… lequel me prescrira une IRM cérébrale.
Mais voilà, entre la prescription et l’IRM, plus d’un mois d’attente, et un beau jour : plus rien. Plus de douleurs, rien.
Les dix années qui ont suivi, j’ai eu des crises… mais cela durait quelques heures, quelques jours… maximum 48 h, donc trop peu pour que je prenne contact avec un médecin.
Puis, février 2025, un matin… tout revient. Deux jours, trois, sept… Je prends rendez-vous ; on me parle de migraines malgré le fait que j’évoque immédiatement les névralgies. Peine perdue. Je panique en me disant que je vais recommencer le parcours de l’enfer.
Je sors du rendez-vous, je prends un second rendez-vous directement, et c’est là que tout se met ENFIN en place.
Comment le diagnostic a-t-il finalement été posé ? Par quel médecin ou grâce à quel examen ?
Lors du second rendez-vous, ce médecin est à l’écoute. J’avais anticipé et lui avais apporté la liste des 17 traitements essayés lors de mon premier épisode. Il cherche désespérément quelque chose qui puisse fonctionner et m’oriente immédiatement vers une IRM cérébrale. Manque de chance : je fais une réaction allergique au traitement, et l’IRM revient négative.
Il admet ne pas être compétent et m’oriente vers un neurologue… Il ira même jusqu’à prendre rendez-vous pour moi afin de m’éviter des délais monstrueux.
Au vu du tableau clinique, le diagnostic officiel tombe : névralgie du trijumeau atypique. Il m’oriente vers un neurochirurgien, qui regarde les images de l’IRM et me dit : « conflit artère/trijumeau ». Il me propose deux solutions : l’opération (décompression microvasculaire) ou la thermocoagulation, et surtout me demande de prendre un second avis, ce que je fais auprès de la pionnière du trijumeau en France. Le verdict est clair : conflit.
Quelle a été votre réaction en apprenant le diagnostic ? Vous êtes-vous sentie soulagée, en colère, résignée... ?
Soulagée !! Mettre un nom sur une errance, c’est rendre « réelle » une douleur invisible. C’est la faire exister pour les autres aussi. Maintenant, je peux dire « névralgie du trijumeau », même si personne ne connaît… mais cela donne un caractère plus légitime, là où auparavant je disais : « j’ai des brûlures dans le visage ». Et puis… si c’est nommé, ça existe, et donc… cela laisse aussi entrevoir des solutions concrètes.
Par contre, en arrivant chez la neurologue, mon médecin était dans une optique antidouleur : traitement à l’oxygène, TENS… Donc, quand on m’a annoncé qu’aucune de ces solutions ne serait possible, mais qu’à la place il faudrait envisager une intervention chirurgicale, j’ai été secouée.
Une fois le diagnostic posé, quelle prise en charge ou traitement vous a été proposé ? Et cela a-t-il été efficace ?
Je suis en attente de la date d’intervention et, à ce jour, c’est ce qui me permet de tenir car les crises sont de plus en plus violentes…
Vous dites qu’à un moment tout s’est « arrêté » : s’agissait-il d’une rémission spontanée ou était-ce grâce au traitement ?
C’était spontané. Le nerf était moins irrité par le conflit, donc les douleurs se sont arrêtées. Il n’y a pas d’explication au pourquoi ça arrive et ça repart.
Les douleurs ont repris récemment : les symptômes sont-ils similaires à ceux d’il y a 10 ans ? Qu’avez-vous initié à ce moment-là ?
Les symptômes sont strictement identiques : des brûlures dans la gencive, la moitié de la langue et la lèvre supérieure, en salves. Les brûlures les plus intenses me donnent des nausées et des vertiges. La douleur irradie vers l’œil et l’oreille, et j’ai une paresthésie sur la zone de la joue, à l’intérieur comme à l’extérieur.
La seule différence, c’est qu’à l’époque je ne savais pas : j’ignorais qu’il existait des facteurs aggravants (contact, froid, vent, etc.).
Mon trijumeau est atteint sur les branches V2 et V3. Normalement, ce type de névralgie provoque des décharges électriques, ce qui n’est pas mon cas et ce qui explique aussi l’errance médicale, tout comme le fait que mes douleurs soient continues. Aujourd’hui, on qualifie ma névralgie « d’atypique » pour ces raisons.
Quel est l’impact de la maladie sur votre quotidien ?
Les névralgies trigéminales ne concernent toujours qu’un seul côté. Dans mon cas, le gauche. Elles sont déclenchées (toujours à gauche) par le contact sur une zone de la nuque ou du cuir chevelu. Les douleurs étant permanentes et aggravées pour un rien, je ne peux pas m’attacher les cheveux, les démêler ou les laver. Je ne peux pas me brosser les dents (vive les bains de bouche !). Je ne peux pas porter de boucles d’oreilles longues ou de cols hauts. Le vent et le froid déclenchent des crises (ventilateur, climatisation, courant d’air). Le fait de parler trop aussi… et, vu mon métier, je dois jongler pour ne pas fixer trop de rendez-vous dans la journée. Je ne peux plus porter de casque (pour les visios), et j’en passe.
L’impact : je ne sors pas quand il y a du vent… Pendant la canicule, vous imaginez bien : entre ceux qui mettent la clim et ceux qui ouvrent les fenêtres, etc.
Je n’arrive pas à dormir entre la chaleur et le contact de l’oreiller… Je dois faire attention avec mon fils qui me fait des câlins et donc… contact physique.
Les douleurs étant intenses, j’ai des contractures musculaires au cou et donc du mal à tourner la tête ou à lever le bras…
Et puis il y a le moral qui oscille. La colère, le désespoir. Je suis beaucoup plus irritable car épuisée… On appelle aussi cela, avec les AVF, les maladies du suicide. J’ai beau être maman, je dois avouer que dans les pires moments, sans diagnostic et donc sans perspective de m’en sortir, je me suis dit que je ne pourrais pas tenir une vie comme ça.
Aujourd’hui, la perspective de l’intervention, même si elle me fait peur (on ouvre la boîte crânienne), me permet de tenir et j’espère sincèrement que cela va fonctionner… sans quoi, je ne sais pas ce qu’il se passera.
Enfin, que conseilleriez-vous à une personne en errance médicale ?
Si vous ne vous sentez pas écouté(e) par un médecin ou si vous n’êtes pas à l’aise, changez directement, n’attendez pas ! Trouvez du soutien auprès de vos proches aussi, car même une fois le diagnostic posé, le parcours est encore long !
Un dernier mot ?
Si des personnes sont concernées, je leur envoie tout mon soutien (et si elles souhaitent échanger avec moi, je suis tout à fait disposée à le faire depuis mon compte Instagram @lameinvisible).
Un grand merci à @lameinvisible pour son témoignage !
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