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Achalasie œsophagienne de type 2 : “J’ai subi l’errance et les violences médicales…”

Publié le 31 mai 2023 • Par Candice Salomé

Marie, dite @chroniquedemalade sur les réseaux sociaux et Carenity, est atteinte d’achalasie œsophagienne de type 2. Cette pathologie rare ne touche qu’1 personne sur 100 000. Ses premiers symptômes sont arrivés tôt et ont été très handicapants : elle avait de grandes difficultés à s’alimenter. Pendant 10 ans, elle a rencontré de nombreux spécialistes et effectué de nombreux examens… Elle a dû “s’auto-diagnostiquer” avant qu’un nouveau médecin ne la prenne au sérieux. Désormais, elle veut sensibiliser et informer le plus grand nombre au sujet des maladies rares. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity. 
 
Découvrez vite son histoire ! 

Achalasie œsophagienne de type 2 : “J’ai subi l’errance et les violences médicales…”

Bonjour Marie, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions. 

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ? 

Bonjour Carenity ! Je m’appelle Marie, je viens tout juste d’avoir 30 ans. Et comme pour beaucoup de malades chroniques, la suite de cette présentation a beaucoup plus de mal à sortir… La maladie m’a rendu difficile le fait de pouvoir me définir aujourd’hui

Ma vie professionnelle : je travaillais dans la musique et ma santé en a décidé autrement. 

Dans ma vie personnelle, j’étais quelqu’un de passionnée, je passais mon temps à aller voir des concerts et à voyager / vivre à l’étranger. 

À présent, le plus important, c’est rire, manger et profiter des moments simples avec mes proches. Mon quotidien consiste surtout à essayer de m'adapter à l’évolution de mon état physique, prendre soin de ma santé, trouver comment et vers quoi me projeter. J’ai la chance de vivre avec un conjoint formidable qui me soutien au quotidien, et une belle famille aux petits soins.

Vous êtes atteinte d’achalasie œsophagienne, qui est une maladie rare. Pourriez-vous nous dire quelles ont été les premières manifestations de la maladie ? Quel âge aviez-vous ? Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? 

La toute première fois, je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais en vacances, j’avais 15 ans, je mangeais une glace avec des amis, et là j’ai senti un blocage, un serrement dans la gorge. J’ai eu du mal à respirer, à avaler. C’était inconfortable. 

Je me souviens paniquer un peu, demander à mes amis « ça vous ai déjà arrivé ça… ? » et essayer de décrire tant bien que mal ce que je ressentais. Bien évidemment, personne n’a pu m’éclairer. 

Ce premier symptôme a signé 10 longues années d’errance médicale. 

D’une sensation étouffement, à des blocages, on est progressivement arrivé à des régurgitations quasi-systématiques aux solides. J’ai consulté dès l’apparition des premiers symptômes car, outre la dysphagie, des douleurs étaient associées. 

Je savais, dès les premiers symptômes, que quelque chose clochait et c’est devenu très rapidement un vrai handicap. Plus les années passaient, plus je perdais du poids et mes capacités à m’alimenter diminuaient… Je restais parfois plusieurs jours sans pouvoir réellement manger et atteindre un point où même les liquides ne passaient parfois plus

Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ? Combien de médecins avez-vous rencontrés ? Et quels examens avez-vous passés ? 

10 très longues années… entre-coupées d’une période de plusieurs années où j’ai abandonné, après avoir subi des violences médicales et psychologiques venant du corps médical. Plusieurs médecins m’ont soutenu que je n’avais strictement rien

Je ne pourrais pas citer le nombre d’ORL, de gastroentérologues et divers médecins consultés – des dizaines et des dizaines. Et aucun n’a jamais évoqué l’éventualité de l’achalasie ou d’une maladie rare. 

Pour l’achalasie, deux examens permettent de poser un diagnostic : la manométrie HD (le seul examen assez précis pour déterminer la typologie, il permet d'évaluer les variations des pressions le long de l'œsophage, lors de la déglutition) et le TOGD (n’est pas suffisant en général, mais peut donner une bonne indication dans certains cas avancés). 

J’ai passé à l’époque plusieurs TOGD (dont 2 qui ont été mal interprétés mais qui montraient déjà la maladie des années avant le diagnostic), des fibroscopies et des endoscopies… et pour finir, le pire examen que j’ai eu à passer : la fameuse manométrie HD.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du diagnostic ? Connaissiez-vous la maladie ? Avez-vous pu recevoir toute l’information nécessaire à sa compréhension ? 

Je n’ai pas vraiment eu le « privilège » d’une annonce de diagnostic. Je me suis « auto-diagnostiquée » à la suite du jour où j’ai passé une manométrie HD. 

J’ai subi des violences médicales lors de cet examen, j’ai vécu celui-ci comme de la torture. À la fin de cet examen, le médecin m’a dit, tout sourire : « Oh oui, en effet, il y a un problème, vous n’avez plus de motricité dans votre œsophage ». C’est tout ce qu'il m’a dit... 

Je suis sortie de la salle d’examen, seule, en larmes, endolorie, incapable de parler et traumatisée par ce qui venait de se passer, avec pour seule information cette phrase, même pas un diagnostic. Et c’est par cette unique phrase et mes recherches sur Internet que je suis arrivée à identifier la maladie, qui sera confirmée 2 semaines plus tard par un ORL. Encore aujourd’hui, je trouve cela inadmissible de laisser des patients sortir dans cet état et sans aucune information sur la pathologie ou la suite du parcours de santé. 

Quelle est ou a été votre prise en charge ? En êtes-vous satisfaite ? 

Malgré la maladie identifiée, cela n’a pas été simple dans l’immédiat. L’ORL rencontré deux semaines après la manométrie HD a donc officiellement posé le diagnostic de l’achalasie type 2, mais a simplement ajouté « Vous savez, il n’y a rien à faire pour ce genre de pathologie ». 

C’était terrifiant d’entendre cela alors que je commençais à ne plus pouvoir avaler de liquides. La consultation a duré 10 minutes au plus. Heureusement, j’avais appris de mes erreurs et pris les devants. J’avais passé les deux semaines à faire des recherches sur la pathologie, ses typologies, les examens, les symptômes, les traitements, les chirurgies. Ce qui m’a sauvée la vie : je me suis rapprochée d’un groupe de patients sur Facebook qui m’a orienté vers l’une des rares chirurgiennes capables d’effectuer l’intervention (POEM) sur Strasbourg.  

Je savais alors que ce médecin avait tort. J’ai été consternée par son niveau d’ignorance et son manque d’intérêt, surtout face à mon état physique… N’aurait-il pas pu passer quelques minutes à faire des recherches ? N'aurait-il pas pu m’orienter vers un autre spécialiste afin de trouver des solutions ?  

J’ai fait le choix, à partir de ce jour, de devenir actrice principale de ma santé : je suis retournée voir mon médecin traitant, et je lui ai demandé, de façon très directe, de m’adresser à la chirurgienne de façon urgente. En l’espace de deux semaines, la chirurgienne m’a reçue et a programmé mon opération quelques semaines plus tard. Elle a été très réactive et très optimiste pour mon cas. J’ai une Achalasie type 2, qui est la typologie la plus réceptive à cette intervention

L’opération s’est très bien passée, et quelques mois plus tard, cela a été le jour et la nuit : j’ai pu boire et manger sans régurgitation. C’est assez formidable, même si cette pathologie est incurable et que nous n’avons aujourd’hui que des solutions palliatives – c’est assez rare d’avoir une modification aussi drastique dans la qualité de vie. Je ne pensais jamais pouvoir remanger. Et pourtant si, c’était bien possible ! 
 
Même si je ne regrette absolument pas d’avoir subi cette intervention, l’opération a aussi déclenché du négatif. Il y a peu de suivi post-opératoire et la chirurgie reste expérimentale à ce stade. J’ai, depuis cette intervention, développé d’énormes douleurs chroniques pour lesquelles nous n’avons pas encore trouvé les causes ou de solutions antalgiques. Je suis suivie par énormément de spécialistes différents mais mon cas est complexe étant porteuse de plusieurs pathologies rares

Quel est ou a été l’impact de la maladie sur votre scolarité, votre vie professionnelle et sociale ? Qu’est-ce qui est, selon vous, le plus dérangeant au quotidien avec l’achalasie œsophagienne ? Quelles sont les principales difficultés auxquelles font face les patients, selon vous ? 

Il y a eu d’énormes impacts, tant physiques, que psychologiques et sociaux, provoqués par la maladie, mais aussi par l’errance médicale, les violences médicales, l’abandon des médecins et le fait de ne pas avoir été crue pendant toutes ces années. Cela fait maintenant presque 5 ans que j’ai été opérée et que cette maladie n’est plus autant handicapante, pourtant les séquelles sont encore là.  

Le plus difficile du point de vue de la maladie, c’est évidemment de s’alimenter et de s’hydrater. Ensuite, les douleurs et les blocages quand quelque chose se fraye un chemin. L’incapacité de manger sans eau ou toilettes à proximité.  

D’un point de vue du parcours médical : atteindre le diagnostic c’est un vrai challenge. Comme pour la plupart des maladies rares, l’errance médicale est longue.  

Enfin, socialement, c’est très compliqué. Les repas partagés et dans les lieux publics ne sont en général pas évidents. Le fait d’être porteur d’une maladie rare et invisible, c’est aussi difficile à porter. Le regard des autres est difficile à accepter, certains sont souvent très sceptiques face à nos symptômes. C’est important de sensibiliser autour de nous à cette pathologie.

Êtes-vous atteinte d’autres pathologies ? Si oui, lesquelles ? Sont-elles liées ? 

Je suis également atteinte d’un Syndrome d’Ehlers-Danlos type hypermobile, un diabète insipide et on a découvert également un adénome hypophysaire. Toutes ces pathologies sont rares, alors il y a peu de recherches. Difficile d’établir où est l’origine et quelle pathologie est une conséquence. Cependant le SEDh donne beaucoup de prédispositions à développer d’autres pathologies comme le diabète insipide, par exemple. 

Vous êtes active sur les réseaux sociaux sous le nom de Chronique de Malade. Qu’est-ce qui vous y a poussé ? Quels messages souhaitez-vous transmettre à vos abonnés ? Et quels sont leurs retours ? 

Ce qui m’a poussée, en premier lieu, c’est le besoin d’extérioriser ce que je ressentais. Je n’ai pas vraiment pensé tout de suite au but de ce compte

Les maladies chroniques, les maladies rares, le handicap invisible, c’est un combat compliqué que beaucoup de personnes vivent en silence autour de nous. J’avais l’envie de montrer l’invisible, de le normaliser. J’avais envie d’ouvrir le dialogue sur le handicap, les violences médicales, l’errance médicale, le validisme et la positivité toxique. J’avais envie de créer un espace pour que les personnes qui se sentent seules et démunies puissent trouver un espace de bienveillance. Ce compte est voué à évoluer, et j’espère pouvoir y dédier plus de temps pour pouvoir apporter des conseils utiles aux patients.  

Les retours ont été très positifs, j’ai été surprise de l’intérêt qu’il y a eu pour ce compte. Je reçois de très beaux messages de remerciement et de soutien.  

Le premier message que j’essaie de véhiculer, c’est de donner de l’espoir à tous ceux qui affrontent leurs propres batailles sans avoir encore trouvé une issue de secours. Les médecins sont humains, ils ne sont ni omniscients ni infaillibles, y compris dans leur propre domaine de compétences. Ne vous arrêtez pas après une consultation, ou un diagnostic si vous êtes en souffrance. La médecine évolue tous les jours. Battez-vous, et gardez espoir ! 

Quels sont vos projets pour l'avenir ? 

Prendre soin de ma santé, continuer de tester des traitements et thérapies afin de trouver des solutions. Je suis en attente d’une réponse de la MDPH pour obtenir une RQTH et j’espère pouvoir retrouver très rapidement un emploi adapté à mon état de santé

Quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par une maladie rare ? 

Soyez acteur de votre santé. Informez-vous, lisez les dernières recherches, rapprochez-vous des meilleurs spécialistes de votre pathologie, rejoignez les groupes de patients. Le moteur, c’est vous. Je sais que c’est éprouvant, mais c’est essentiel afin d’avancer et de trouver des solutions vers une meilleure qualité de vie. 

Un dernier mot ? 

Merci à vous de laisser un espace d’expression pour les malades chroniques et de permettre aux patients de pouvoir se rapprocher les uns des autres. La sensibilisation, et ouvrir la parole sur ces sujets, c'est essentiel. La santé est un sujet beaucoup trop capital pour être tabou !  


Un grand merci à Marie pour son témoignage !  
  
  
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

1 commentaire


marifab
le 01/06/2023

Le parcours de Marie est identique au mien. J'utilise les mêmes mots, expressions pour d'écrire toutes les difficultés d'écoutes de la part du corps médical, des proches que ce soient famille ou amis. J'ai eu droit de la part de certains collègues de travail à : tu es boulimique, anorexique, tu ne veux pas prendre de poids et aussi : ah voilà madame tamalou !!! Bref vivre avec une maladie rare et invisible abîme tant physiquement que psychologiquement.

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