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Sexualité et handicap, assistance sexuelle : un sujet tabou ?

Publié le 19 avr. 2018

Sexualité et handicap, assistance sexuelle : un sujet tabou ?

Les personnes en situation de handicap, qu’il soit physique ou mental, ont le droit de vivre des relations amoureuses et d’avoir une sexualité. Mais dans les faits, cela n’est pas si simple.

Catherine Agthe Diserens, sexo-pédagogue spécialisée et auteure de Sexualité en handicaps. Entre tout et riens… (éd. Saint-Augustin) a accepté de répondre à nos questions

Pourquoi la sexualité des personnes handicapées est-elle encore taboue ?

Identité et sexualité, composantes centrales de l’être humain, sont mariées à jamais au nom de l’évidence fondée sur le genre : on naît homme ou femme, avant tout (au sens biologique). Le handicap ne peut certes pas être gommé, mais il ne doit pas devenir une identité. Chacun est une personne sexuée, sexuelle et désirante. Un être humain en relation, un être vivant. Habituellement, le corps naît, grandit, vieillit, meurt. Le corps ressent, s’épanouit, souffre, aime… celui de la personne handicapée aussi !

L’ouverture des esprits, de la parole et des actes au sujet de la sexualité des personnes en situation de handicap (qu’il soit inné ou acquis) ne cesse de croître depuis une trentaine d’années. Des résistances subsistent bien sûr, c’est pourquoi nous prolongeons nos engagements : faire connaître les enjeux liés aux droits relevant de la santé sexuelle que l’on vive, ou non, avec un handicap. En Suisse, depuis une quinzaine d’années nous faisons plus que "d’en parler" ! Nous avons construit des réponses, nous adaptons les accompagnements, nous permettons au désir et au plaisir d’exister, de se développer.

Comment sortir de ce tabou ?

À cet égard, j’aimerais citer le récent Guide de bonnes pratiques dans le contexte des institutions spécialisées (publié en Suisse romande par Santé Sexuelle suisse et l’association SEHP dont je fus la présidente durant 18 ans).

Parmi les propositions et réalisations mises en avant dans cet ouvrage :

  • - en institution, la privatisation de la chambre pour le respect de l’intimité du/de la bénéficiaire,
  • - l’achat d’un lit de couple,
  • - l’usage ponctuel de sextoys,
  • - des rencontres "slow dating" pour élargir le cercle des relations amicales, voire plus si entente,
  • - l’aide de l’assistance sexuelle, une suppléance créative dans un désert de touchers sensuels, sexuels.

Pour encore alléger le poids du tabou, je préconise vraiment de se former. Car comment imaginer un entourage professionnel se comportant d’emblée adéquatement dans un domaine si sensible ? Les formations de base sont encore assez souvent muettes à cet égard.

Qu’est-ce que l’assistance sexuelle aux personnes handicapées ?

Il est souvent gênant, voire insupportable, de se confronter au regard de l'autre lorsque l'on doit, par défaut, s'inscrire en marge des normes sociales si prégnantes, lorsqu'il s'agit de l'image du corps et de ses performances. Il est parfois insurmontable d'accéder à une réponse érotique ou sexuelle lorsque la communication est entravée ou que les comportements ne sont pas compris par la communauté. L'incorporation de la sexualité dans le concept global de la santé vient rejoindre les objectifs d'émancipation et de citoyenneté qui concernent également la personne handicapée.

L’assistance sexuelle est une suppléance sensuelle et sexuelle qui permet aux personnes handicapées (majeures) la souhaitant, une approche délicate et nuancée de leur corps et du corps d’autrui. Un développement personnel sous forme de découvertes intimes, une expérience de la sensualité et parfois de la sexualité, davantage de mieux-être… souvent si complexe à ressentir pour tout le monde, que l’on vive ou non avec un handicap ! L'assistance sexuelle s’exerce en Suisse sans tapage, en dehors des scandales et des remous, sans excès et performances non plus.

Que comprendre lorsque l’on parle de la sexualité de la personne handicapée ?

Cette sexualité n’est pas forcément génitale. La sexualité sensorielle et sensuelle peut en effet combler les besoins d’identité, d’affirmation de soi, d’apaisement de tensions ou d’angoisses, de contact de peau à peau. Ce processus peut  conduire à divers stades du plaisir sexuel, sans exclure l’expérience de l’orgasme. Ces expériences sont initiatiques et facilitent d’autres apprentissages. La parentalité relève aujourd’hui d’un choix, plutôt que d’une obligation ou d’un renoncement.

Une personne en fauteuil roulant rencontre-t-elle les mêmes "problématiques" qu'une personne handicapée mentale? 

Les enjeux de la vie affective et sexuelle ne sont absolument pas les mêmes selon la nature du handicap. Le seul dénominateur commun à tous les handicaps : les réactions de l’entourage professionnel ou familial qui colorent les situations de leurs gênes et de leurs peurs, et amplifient souvent une expression sexuelle normale et légitime en l’érigeant en problème. Je constate que le duo sexualité et handicap peut plus rapidement être dramatisé, que banalisé ou vu comme signe de bonne santé mentale ! Interrogeons-nous d’abord et penchons-nous sur nos interactions avec les autres par rapport aux diverses facettes de la sexualité humaine, avant de juger, de réagir et d’agir envers la sexualité des personnes handicapées (que celle-ci soit problématique ou non).

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Santé Magazine

8 commentaires


Etiennou • Membre Ambassadeur
le 20/04/2018

Je n'avais jamais pensé aux problèmes de sexe pour les handicapés. Ça me fait beaucoup de peine. Ils peuvent peut-être rencontrer des personnes qui puissent leur faire des caresses sensuelles. J'imagine leur trac et la peur d'être ridicule. Comment peuvent-ils faire une rencontre et faire comprendre à la personne qu'il est très attiré par elle ou lui.

nous devrions parler plus souvent de leurs problèmes, qu'il y ai des reportages télévisés afin de mettre à l'aise toutes ces personnes.

j'ai envie d'hurler pour que ces personnes ne sentent pas leur handicap.

j'espere que nous serons nombreux à répondre à cet article .

marie-france


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Utilisateur désinscrit
le 23/04/2018

perso,apres 41 ans de dialyse,je suis tjrs celibataire,bien qu'ayant fait 8 demandes en mariage en40 ans!,et tombant facilement amoureux!ms la dialyse comme ts les handicaps fait peur !ms je n'ai jms été si heureux qd la femme que j'aimais,me donnait bonheur,tendresse et amour physique,trop peu l'acceptent malheureusement,ms celles qui l'acceptent,qu'elles en soient remerciées!c'est la plus belle preuve d'amour d'accepter des relations avec un handicapé!


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Utilisateur désinscrit
le 23/04/2018

je précise par ailleurs que meme apres 41 ans de dialyse et à 60 ans,meme si je suis en debut d'andropose!j'ai tjrs besoins de calins sexuels amoureux et que la solution suisse est peut etre une solution qd ona plus d'amie,à condition de l'encadrer strictement pour qu'il n'y ait ps d'abus vis à vis des patients handicapés!


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Utilisateur désinscrit
le 23/04/2018

ceux qui ne connaisse pas de handicap ne peuvent pas comprendre comment ca manque de ne pas avoir de relations sexuelles,et ce n'est pas parce que l'on est en fauteuil par exemple que le cerveau est bloqué

et je penses qu'il ne faut pas que ce soit tarifé,sinon il y auras des dérives et des abus


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Utilisateur désinscrit
le 25/04/2018

Bonjour, joli sujet qui dénote d'une belle intelligence du cœur. Les tabous n'ont pour seule limite que notre capacité à en parler.

Ces corps qui souffrent prennent une valeur médicale, ce qui est totalement antagoniste à une valeur sensuelle, à des affects aussi essentiels que le désir, être désiré autant que désirer.

C'est pourtant une composante primaire dans la pyramide des besoins de Maslow.

Je ne sais pas comment cette composante peut être prise en charge par l'accompagnement, je dirais paramédical dans un pays peu habitué au toucher et sur un sujet aussi sensible que la sphère de l'intime, il y' a certainement des pistes intéressantes à explorer, ce n'est qu'une question de volonté publique, mais elle me semble importante. Plus d'humanité n'est jamais de trop.

Je cautionne cette vision comme une belle avancée vers plus d'humanité en espérant que la France, pays de la Liberté, l’Égalité, et la Fraternité soit en mesure d'y répondre pour ne pas laisser certains être des sous-citoyens, quel optimisme !

Un malade est avant tout un être humain. Et un être humain a besoin de nourrir son rapport érotique comme une pulsion de vie. J'aime bien dire que c'est ce qui met de la poésie dans la vie, et une vie sans érotisme, c'est comme boire un grand cru dans un gobelet en plastique, çà c'est non. Alors si un système de soin peut amener cette poésie, démédicaliser le rapport au corps, je crois que c'est un surplus de bonheur pour des personnes qui en ont grandement besoin, je vote oui.

Mais en même temps, je me demande si c'est bien le rôle des institutions de suppléer au regard que les gens portent sur la maladie ou le handicap (j'aimerais pourtant croire que ce serait suffisant), d'autant que la conjoncture "économique" du système de santé n'est pas en faveur d'une vision humaniste et que le personnel médical peine à faire valoir qu'une tarification à l'acte laisse peu de place à un rapport humain satisfaisant. Que les EHPAD sont confrontés à un manque de personnel (1 douche par semaine pour des "pensionnaires" qui ont contribué au monde dans lequel on vit, la misère), çà me laisse perplexe, mais j'ai envie d'y croire quand même. Après tout, ce qui existe n'est que le résultat de la conscience des individus qui font société.

@Louise-T‍ Article très intéressant. J'en profite pour te dire que tes choix d'articles sont perspicaces et de bonnes occasions de réfléchir à des aspects auxquels nous ne penserions pas forcément. Merci à toi.

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