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CRISPR-Cas9, une révolution génétique qui promet beaucoup (et pose de nombreuses questions)

Publié le 28 janv. 2016

CRISPR-Cas9, une révolution génétique qui promet beaucoup (et pose de nombreuses questions)
SCIENCE - Modifier génétiquement un embryon, éradiquer des maladies héréditaires, ou encore faire revivre les mammouths, de la science-fiction? Plus pour très longtemps.
 
Depuis quelques années, le monde scientifique est bousculé par une nouvelle méthode révolutionnaire permettant de modifier l'ADN de tout être vivant avec une facilité déconcertante. Son nom ? CRISPR-Cas9.
 
Cette méthode a même été nommée découverte capitale de l'année 2015 par le magazine Science. Avant d'étudier les dizaines de possibilités testées par les scientifiques, incroyables et parfois effrayantes, il faut comprendre de quoi il est question (ou, si vous n'aimez vraiment pas la biologie, vous pouvez directement passer à la partie "Rat retrouvant la vue, cochon donneur d'organe et OGM 2.0").
 
CRISPR-Cas9 est une enzyme qui peut détecter une partie spécifique de l'ADN et la détruire, coupant ainsi la double hélice qui compose toute vie en deux. Pour développer cette technique, les scientifiques se sont inspirés, comme souvent, de la nature.
 
Une vaccination de la bactérie
 
CRISPR est l’acronyme de Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats. Derrière ce nom barbare, une propriété observée pour la première fois en 1987. Dans certaines bactéries, l'ADN était composé de séquences de bases (rappelez-vous vos cours de biologie, les fameux A-T-C-G, voir ci-dessous) se répétant comme un palindrome. Entre celles-ci, d'autres séquences que l'on ne comprenait pas vraiment.
 
Il a fallu attendre 2005 pour que des chercheurs réussissent à percer le mystère de cette bactérie. Les séquences en question sont en réalité celles de virus, les bactériophages, qui ne s'attaquent qu'aux bactéries. "Cela permet de stocker en mémoire l'ADN d'un virus, afin de le combattre si celui-ci tente une nouvelle fois d'attaquer la bactérie", précise au HuffPost Christine Pourcel, chercheuse à l'Institut de Biologie Intégrative de la Cellule, qui a participé à la découverte de ce phénomène. "Si l'on veut, c'est une sorte de vaccination, cela ressemble à un système immunitaire".
 
Une fois le virus détecté, la bactérie va créer un ARN (comme de l'ADN, mais avec une seule "branche") correspondant au virus. Une enzyme (le fameux Cas9) va alors intégrer cette molécule et aller se fixer sur le virus pour couper son ADN, entraînant sa mort.
 
Des ciseaux low cost
 
Cette découverte va intéresser de nombreux chercheurs. Et c'est en 2012 que leurs travaux se concrétisent: deux équipes de chercheurs (qui se disputent depuis la découverte) réussissent à synthétiser l'enzyme Cas9. Et l'intérêt est énorme. Car à l'inverse des virus, une cellule classique ne se laisse pas faire quand on essaye de couper son ADN. "La cellule va essayer de réparer les dégâts. On peut alors introduire une mutation dans l'ADN", explique au HuffPost David Bikard, directeur du laboratoire de biologie de synthèse de l'institut Pasteur.
 
Pour ce faire, il faut introduire dans le noyau de la cellule un morceau d'ADN modifié approprié, qui va ainsi être récupéré et collé là par les enzymes de la cellule. On se retrouve ainsi avec une cellule génétiquement modifiée.
 
"C'est une sorte de ciseaux à ADN reprogrammable", précise le chercheur. Certes, ce n'est pas le premier outil de ce type inventé. Il y avait par exemple les méganucléases, qui permettaient de faire quelque chose de similaire. Mais la différence, c'est la facilité. "La méthode CRISPR-Cas9 est tellement simple qu'il faut maintenant quelques jours pour programmer l'enzyme pour couper un morceau d'ADN particulier, alors qu'avant, cela pouvait prendre des mois", s'enthousiasme David Bikard.
 
La méthode est tellement simple qu'on peut faire plusieurs coupes en même temps, en utilisant plusieurs enzymes, programmées chacune pour cibler une partie spécifique de l'ADN. Tellement simple, même, "qu"il est possible de faire réaliser ces travaux par des étudiants en master en quelques semaines", rajoute le chercheur. Et qui dit simple dit bon marché. Très bon marché.
 
Rat retrouvant la vue, cochon donneur d'organe et OGM 2.0
 
Avec cette nouvelle technique, la modification de l'ADN est devenue "grand public" dans le monde de la génétique. "C'est la découverte la plus importante du domaine depuis les années 80-90", estime David Bikard. Et le fait est que depuis 2012, les articles scientifiques sur de nouvelles expériences se multiplient.
 
Le 7 janvier dernier, des chercheurs ont réussi à améliorer la vision de rats touchés par une maladie héréditaire source de cécité. En utilisant les fameux ciseaux à ADN, ils ont coupé le gène défectueux, source de la maladie, et l'ont remplacé.
 
En octobre dernier, une autre équipe a édité l'ADN de cellules de cochon 67 fois (!) afin de retirer un gène qui existe à plusieurs endroits du génome de l'animal (pour rappel, un brin d'ADN est très long, déplié, il permettrait de faire plusieurs fois le tour de la terre). L'intérêt? Les organes d'un cochon modifié de la sorte pourraient être greffées à un humain.
 
Cette technique est également testée sur les végétaux comme un substitut aux classiques et polémiques OGM. A l'inverse de la modification génétique (où l'on intègre un gène d'une autre espèce) utilisée depuis des années, le couper/coller possible grâce à CRISPR-Cas9 ne va pas utiliser de gène étranger, mais simplement modifier l'ADN.
 
En finir avec la drépanocytose et Huntington
 
Plusieurs sociétés réfléchissent déjà à un moyen d'utiliser CRISPR-Cas9 comme un médicament pour lutter contre certains cancers ou maladies liés à la mutation d'un gène bien particulier.
 
Mais il reste beaucoup de travail, car dans ce cas, il faudrait que l'enzyme détecte les cellules concernées parmi les millions que compose le corps humain. Bill Gates a d'ailleurs participé au financement d'une de ces startups (qui a réussi à lever 120 millions d'euros).
 
David Bikard travaille sur une autre application possible, avec son équipe et la société qu'il a lancé. "Si l'on injecte CRISPR-Cas9 dans une bactérie, en utilisant par exemple un bactériophage, un virus destiné aux bactéries, la bactérie meurt", explique-t-il. Cette méthode pourrait ainsi remplacer les traitements antibiotiques. Surtout, Cas9 élimine une bactérie bien précise et ne touche pas aux autres, essentielles pour l'organisme, alors que les antibiotiques sont "des sortes d'armes de destruction massive".
 
Licorne, embryon modifié et bébé sur-mesure
 
Mais jusqu'où cette nouvelle méthode peut-elle nous emmener? Peut-on vraiment imaginer faire revivre les mammouths, voire même créer des animaux imaginaires, comme des licornes? "Théoriquement, c'est possible. La limitation, c'est notre compréhension du vivant", explique David Bikard. Car si CRISPR-Cas9 permet de couper où l'on veut l'ADN, encore faut-il savoir ce que chaque séquence d'ADN provoque et ce que l'on peut changer.
 
Mais le coût est si faible qu'on peut facilement imaginer des recherches tous azimuts, dans toutes les directions. Y compris les plus prometteuses... et dangereuses. "On peut théoriquement corriger des maladies génétiques héréditaires, en modifiant les cellules germinales, qui permettent de créer spermatozoïdes et ovules. Auquel cas, on modifie l'évolution de l'espèce humaine", met en garde David Bikard.
 
Et, encore une fois, ce n'est pas de la science-fiction. On peut citer notamment l'équipe chinoise qui avait fait polémique en avril 2015 en modifiant un gène défectueux dans plusieurs embryons humains. L'expérience n'a pas été un franc succès (la modification n'a pas fonctionné dans la plupart des embryons) et a été abandonnée, mais la question est bien présente.
 
Une commission britannique étudie depuis le 14 janvier la possibilité de permettre l'utilisation de CRISPR-Cas9 d'embryons humains dans le cadre de recherches contre l'infertilité. En France, la recherche sur les embryons en général est encadrée par une loi qui interdit ces travaux, sauf dérogations spécifiques. Dans tous les cas, les embryons ne peuvent pas être "transférés à des fins de gestation".
 
Mais techniquement, la modification d'embryons se rapproche de l'homme. Des singes génétiquement modifiés grâce à CRISPR-Cas9 sont ainsi nés en 2014 dans le cadre de recherches chinoises.
 
Un groupe de chercheurs a appelé en décembre à un encadrement sur la question, demandant à ce que la recherche puisse continuer mais qu'une utilisation clinique soit interdite. En Mars 2015, d'autres chercheurs mettaient en garde contre les dérives d'une telle pratique.
 
Des questions qui vont continuer à se poser car, comme le disait un héros génétiquement modifié (de fiction), de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. Sans gène modifié, à vous de trouver de quel personnage il s'agit...

Le Figaro Santé

3 commentaires


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Utilisateur désinscrit
le 28/01/2016
Bonsoir, Spider-Man (film)

Jolepotager


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Utilisateur désinscrit
le 28/01/2016

Merci. 


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Utilisateur désinscrit
le 28/01/2016

Bonsoir Spider-Man, alias JulienP

Génétiquement modifié, vous avez dit génétiquement modifié, Je cite :" Voici les lignées approuvées de betterave sucrière tolérante à un herbicide :

La betterave à sucre (Beta vulgaris L.) T120-7 tolérante au glufosinate ammonium, un herbicide à spectre large. L’ADN introduit comprend le gène pat, isolé à l’origine de Streptomyces viridochromogenes, une bactérie que l’on trouve couramment dans le sol et qui code l’enzyme phosphinothricine-N-acétyl transférase (PAT). L’enzyme PAT annule l’effet toxique de la L-phosphinothricine, l’ingrédient actif du glufosinate ammonium. La betterave à sucre T120-7 est prévue pour servir aux mêmes utilisations alimentaires que la betterave à sucre classique. On cultive la betterave à sucre principalement pour sa racine dont on extrait du sucrose, lequel est transformé en sucre raffiné destiné à la consommation humaine.

Vous pouvez obtenir une information plus détaillée en accédant directement à l’adresse Internet suivante : http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/gmf-agm/appro/2000-sugarbeet-betterave_sucre-fra.php.

La betterave à sucre (Beta vulgaris L.) H7-1 tolérante au glyfosate. Cette lignée exprime le gène CP4 5-enolpyruvylshikimate-3-phosphate (cp4-epsps), lequel confère une résistance aux herbicides à base de glyphosate. Le gène cpr-epsps qui procure la tolérance à l’herbicide a été dérivé de la souche CP4 de l’espèce Agrobacterium, une bactérie répandue dans le sol.

Vous pouvez obtenir une information plus détaillée en accédant directement à l’adresse Internet suivante : http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/gmf-agm/appro/august100_final-fra.php.

On cultive la betterave à sucre principalement pour sa racine dont on extrait du sucrose ou saccharose, lequel est transformé en sucre raffiné destiné à la consommation humaine."

Ouf, j'ai de la chance, beaucoup de chance, je suis diabétique et donc le sucre provenant de la betterave est proscrit dans mon alimentation, hélas j'en consommais avant la naissance de mon fils unique et je soupçonne que sa perte de cheveux précoce soit de ma faute et qu'il soit génétiquement modifié lui aussi.

Jolepotager,  un vieux sucrier de betteraves.

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