Symptômes, traitements, espoir : les tumeurs neuroendocrines et moi
Publié le 13 nov. 2018 • Par Louise Bollecker
À 68 ans, @mariebleu est l’heureuse maman de deux enfants et grand-mère de petits-enfants « miracles ». Malgré l’aide de son mari attentif, malade lui aussi, notre membre s’est souvent senti isolée face à la rareté des TNE dont elle souffre depuis au moins 20 ans. Partager son expérience est un moyen pour elle d’aider d’autres patients.
Quand avez-vous appris que vous aviez une TNE ? Aviez-vous des symptômes ?
Trois semaines après une grosse opération en 1998. J'avais des symptômes importants depuis quelques mois et des symptômes non identifiés depuis 5 à 6 ans.
Pour éclaircir ce terme de TNE, je dirais que le corps se met à fabriquer, comme dans tout cancer, des cellules malignes dont il n'arrive pas à se débarrasser. Ces tumeurs très particulières peuvent être "actives" et se comporter comme de petites glandes endocrines, c'est-à-dire secréter des hormones qu'elles lâchent dans le système sanguin de manière totalement aléatoire.
Ces hormones sont responsables des symptômes dits "carcinoïdes" que sont les flushs rouges cutanés, les grosses chutes de tension avec crise de tachicardie (qui m'ont plusieurs fois menée au coma) et des diarrhées plutôt violentes.
Parallèlement, se développent des métastases, par des cellules qui empruntent les voies lymphatiques sans doute et s'installent là où elles arrivent. Le foie et les os sont souvent leur cible, alors que les tumeurs primaires se trouvent souvent dans l'intestin, le pancréas... Cela dépend du type de maladie. La progression de la maladie est assez lente et les premiers symptômes paraissent souvent sans gravité, ce qui peut retarder le diagnostic. Actuellement la maladie est bien mieux connue, heureusement, et les thérapies bien plus adaptées.
Pouvez-vous nous décrire votre TNE ?
Dès le début, selles très molles, voire diarrhées, flushs cutanés intenses, c'est à dire rougeurs au visage et dans le haut du corps, pendant 5 minutes au moins. La tumeur primaire était en bas de la partie ascendante du côlon, avec des métastases au foie. L'intervention a pu enlever le côlon ascendant et la valvule qui le relie à l'intestin grêle, une grande partie du foie, mais il restait des TNE inaccessibles.
Quel traitement avez-vous suivi ? Trouvez-vous que vous êtes suffisamment documentée sur tous les traitements qui existent ?
Premier traitement Somatuline tous les 10 jours et Imodium selon les besoins. Actuellement Somatuline 120 Lp tous les 28 jours. Chimiothérapie 1200 heures, fluouracile en 2007. 3 chimioembolisations du foie, meilleurs résultats en termes de réduction des tumeurs. Intervention en radiofréquence pour une tumeur rétive. Traitement à l'Affinitor pendant un an sans réels résultats.
Découverte d'une pseudo-occlusion intestinale (paralysie de l'intestin). Découverte d'une multitude de métastases osseuses en 2012. Nouvelle chimiothérapie Folfox 21 mois après l'échec d'une chimioembolisation, veines du foie inaccessibles. Résultat limité. Évolution des symptômes importante.
Deux interventions sur la colonne vertébrale, cimentoplasties.
En 2017, Lutathérapie, traitement nucléaire par perfusion. Somatuline entre temps.
Y-a-t-il des effets secondaires ?
L'intestin a perdu sa mobilité avec l'Imodium sur une longue durée, les reins ont été endommagés par l'Affinitor, ils n'ont plus que 25% d'efficacité. L'ensemble des traitements a détruit le système immunitaire, actuellement je suis sous transfusion sanguine tous les 20 jours environ. Dénutrition, perte musculaire et fatigue énorme.
Comment la TNE affecte-t-elle votre quotidien ?
J'ai perdu beaucoup d'autonomie, je dois utiliser un fauteuil roulant par exemple. Alimentation très difficile à équilibrer.
Vous sentez-vous comprise et soutenue par vos proches ?
Pas totalement, car en dehors des flushs, cela ne se voit pas trop.
Sur le plan personnel, j'aimerais dire que personne ne peut se mettre à la place d'un patient. Personne n'a pu comprendre mon égarement, mon désespoir, ma souffrance sauvage et morale.... Quand on ne l'a pas vécu, on ne peut pas l'imaginer. On ne peut pas demander â l'Autre ce qu'il ne peut pas donner, sauf chaleur, présence, attention, amour... Chacun de nous est alors son meilleur ami, son meilleur allié. Je ne me suis pas battue, ce n'est pas mon caractère, j'ai essayé de vivre en paix avec mon passager clandestin. J'ai entraîné avec moi ma famille et mes amis. Ensemble, nous avons passé toutes les étapes, je les rassurais par ma propre espérance. Et je continue ! Bien sûr, il y a eu des creux de vagues, de la lassitude des uns ou des autres, des ruptures parfois avec des "amis", mes propres plongées dans l'horreur, mais au fond de moi, reste une puissante envie de vivre.
Vous sentez-vous comprise et soutenue par les professionnels de santé ?
Par les spécialistes oui, mais cela a été difficile de trouver un médecin traitant à l'écoute.
Il y a de vrais bons médecins, à l'écoute et qui font vraiment ce qu'ils ont annoncé avec sérieux, voire même enthousiasme et chaleur humaine. J'ai maintenant un médecin traitant en qui j'ai confiance et je viens de rencontrer un néphrologue qui m'a ouvert des perspectives de meilleur état auxquelles je ne croyais plus. Le moral est très lié à ce soutien des soignants, j'ai dû changer de médecin traitant, sans faire de grosses vagues, et je ne le regrette pas.
Qu'est-ce qui est le plus dur dans une TNE ?
C’est de savoir dès le départ qu'il n'y aura pas de guérison.
Les TNE peuvent "stagner" pendant des années, est-ce une source d'inquiétude permanente ?
Nuit et jour, malgré un bel optimisme…
Comment prenez-vous la vie du bon côté ?
J'essaie de rester en contact avec tous les amis qui n'ont pas tourné le dos, je profite le plus possible de mes petits-enfants. D’ailleurs, la mort est difficile à expliquer aux enfants dans notre civilisation, comment changer cet état d’esprit ?
La Mort se rapproche, sans doute plus vite que prévu, elle ne m'effraie pas pour moi, ce que je redoute, c'est de ne plus vivre et ne plus entendre de rires joyeux autour de moi... c'est le tour des jeunes d'avancer, on devrait être imprégné de cette idée en naissant, mais notre civilisation ne nous y aide pas !
Comment faire pour améliorer le quotidien des personnes atteintes d'une TNE ?
Tous les cas sont très différents, informer les proches et amis pour qu'ils soient un soutien efficace. Ne pas hésiter à se faire aider psychologiquement et oser poser toutes les questions aux soignants.
Quels conseils donneriez-vous à un patient diagnostiqué récemment ?
Les techniques ont beaucoup avancé et les TNE sont enfin mieux connues. Confiance !
Le mot de la fin ?
J'ai beaucoup de chance d'avoir tenu environ 25 ans, mais la question reste, pourquoi moi ? Je souhaite à tous, quelle que soit la maladie, de garder confiance en soi, de conserver toutes les ressources intimes intactes, pour rester digne et se préserver et préserver nos proches d'une parenthèse misérable, alors que la vie reste belle !
Merci beaucoup à @mariebleu d'avoir accepté de témoigner ! Échangeons ensemble sur les symptômes et les traitements pour être mieux armés face aux TNE !