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Quand l’anxiété devient maladive

Publié le 24 mai 2018

Quand l’anxiété devient maladive

Dominique Servant, psychiatre et directeur d’enseignement à l’université de Lille, consulte et enseigne sur le traitement de l’anxiété depuis 25 ans. Dans Se libérer de l’anxiété et des phobies en 100 questions (éd. Tallandier), il distingue l’anxiété normale, éprouvée par tous, de celle qui fait souffrir et qu’il faut soulager.

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Nous ressentons tous une anxiété face aux incertitudes de l’existence. Nous avons peur de tomber malade, de perdre des êtres chers. Cette émotion est normale, et l’on peut considérer qu’elle joue un certain rôle dans notre capacité à nous adapter à ce qui nous arrive.

Mais pour beaucoup d’entre nous, l’anxiété n’est plus raisonnable, elle n’obéit plus à la logique, elle devient envahissante et nous rend vulnérables. Il nous est alors difficile de trouver le sommeil, de nous concentrer. Notre esprit s’accroche à des pensées que nous n’arrivons pas à mettre à distance. L’anxiété se dresse devant nous sans prévenir, et tout d’un coup la panique s’abat sur nous.

Nos proches ne comprennent pas toujours cette souffrance qui ne relève pas d’une anomalie observable ou d’un problème concret. Mais l’anxiété est bien là et nous gâche la vie.

Quand l'émotion n'est plus normale

Chez certaines personnes, dans certaines situations et à certains moments de la vie, l’anxiété devient maladive. Quatre conditions doivent être réunies pour qu’elle puisse être qualifiée ainsi :

  • -> Quand elle est disproportionnée et survient en lien avec des choses qui ne sont pas dangereuses en elles-mêmes. Elle revêt alors un caractère irrationnel, illogique qui s’oppose au bon sens. Nous sommes conscients qu’il n’y a rien de grave mais nous ne pouvons nous raisonner.
  •  
  • -> Quand elle est trop intense. Au lieu de nous aider à mieux nous adapter à la situation, l’anxiété devient improductive et inutile. Lorsque le seuil d’une anxiété modérée est dépassé, l’anxiété forte entrave ce que nous sommes en train de faire et nous la ressentons comme une vraie souffrance.
  •  
  • -> Quand elle se prolonge. L’anxiété peut devenir permanente et envahissante. Elle empêche alors de vivre normalement et ne laisse plus de répit. Nous avons l’impression qu’elle ne s’arrêtera jamais, de ne pas voir la fin du tunnel.
  •  
  • -> Quand elle devient incontrôlable. Quand nous ne pouvons la maîtriser, nous ressentons de l’impuissance, parfois même de la colère contre nous mêmes. Nous nous en voulons de ne pas pouvoir agir.

Une personne sur cinq est touchée

Ainsi, on distingue les troubles anxieux de l’anxiété normale par la présence de plusieurs symptômes intenses, durables, qui entraînent un vrai mal-être et une gêne dans la vie de tous les jours, dans le travail ou les loisirs. Ces troubles touchent environ une personne sur cinq. Il en existe de plusieurs sortes.

Le trouble panique : il est défini par la répétition d’attaques de panique (crises aiguës d’angoisse), dont certaines sont imprévisibles, entraînant une gêne quotidienne et une anxiété anticipatoire (« peur d’avoir peur ») quasi permanente.

Les phobies : elles sont toutes caractérisées par une peur intense, et perçue comme excessive, d’objets ou de situations non réellement dangereux. Toute confrontation (réelle ou en imagination) avec l’objet ou la situation en cause provoque une anxiété qui peut être majeure, allant jusqu’à l’attaque de panique. Néanmoins l’angoisse est absente dès que le sujet se sent « à l’abri ».

Deux formes de phobies sont distinguées :

  • les phobies spécifiques qui concernent un seul type d’objet ou de situation simple (animaux, sang, avion, etc.),
  • l’agoraphobie, définie par une peur et un évitement de situations où la personne aura du mal à s’échapper ou à trouver du secours comme la foule, les grands magasins, les salles de concert, les transports en commun.

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La peur du regard et du jugement de l’autre

Les phobies sociales (que l’on appelle aussi trouble d’anxiété sociale) : elles sont caractérisées par une peur intense du regard et du jugement de l’autre. Le sujet redoute des activités quotidiennes comme parler ou agir en public. Les phobies sociales correspondent à un authentique trouble anxieux qui ne saurait être confondu avec une simple timidité.

Le trouble anxieux généralisé : il correspond à une inquiétude quasi permanente et durable (d’au moins six mois), concernant divers motifs de la vie quotidienne (risque d’accidents ou de maladies pour les proches ou soi-même, anticipation de problèmes financiers ou professionnels, etc.), sans possibilité de se « raisonner » et de contrôler ces ruminations. Celles-ci engendrent un état de tension permanent, physique et psychique.

L’anxiété, sous les différentes formes citées plus haut, est le problème psychologique le plus fréquent. Des études faites sur de très grands échantillons à travers le monde montrent qu’environ 15 à 20 % des personnes interrogées ont présenté à un moment de leur vie un trouble anxieux, selon une étude publiée en 2005.

La proportion, en France, dépasse cette fourchette pour atteindre 22,4 %, un niveau plus élevé que dans les autres pays européens comme le montre l’étude épidémiologique ESEMed/MHEDEA publiée en 2005. Les phobies spécifiques sont les plus fréquentes (11,6 %) suivies par l’anxiété généralisée (6 %), les phobies sociales (4,7 %), le trouble panique (3 %) et l’agoraphobie (1,8 %).

Plus de femmes que d’hommes touchés

Les études ont montré que les troubles débutaient chez l’adulte jeune (de 18 à 35 ans) et parfois même chez l’enfant (anxiété de séparation, phobie sociale…). Après une période de stabilisation au milieu de la vie, on note un nouveau pic à partir de 65 ans. Toutes les études montrent que les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. Cette particularité n’a pas d’explication unique et plusieurs hypothèses ont été avancées comme des particularités biologiques et hormonales, des facteurs sociologiques (le rôle social des femmes) ou psychologiques (sensibilité).

Les troubles anxieux touchent toutes les catégories sociales et toutes les origines. L’anxiété semble plus fréquente dans les villes, comparativement à la campagne. On attribue cela au stress des villes liés à l’urbanisation. La pollution également pourrait jouer un rôle sur le système neurobiologique de l’anxiété.

Pourquoi sommes-nous anxieux ? L’anxiété a longtemps été attribuée à une nature faible et émotive ou à un manque de volonté, avant qu’elle soit reconnue comme relevant de causes à la fois médicales et psychologiques qui restent à préciser.

L’exagération d’un fonctionnement biologique normal ?

Concernant la biologie, les chercheurs n’ont pas trouvé d’anomalie. Les chercheurs pensent plutôt à l’exagération d’un fonctionnement biologique normal. Aucun gène codant pour un neuromédiateur ou un enzyme impliqué dans la biologie de l’anxiété n’a été retrouvé.

Les nouvelles méthodes d’exploration du corps et du cerveau comme l’imagerie cérébrale (scanner, IRM), la neurobiologie et la génétique montrent des perturbations dans l’anxiété. Les structures du cerveau impliquées dans la réaction de peur seraient, dans l’anxiété, sensibilisées, comme montré dans cette étude publiée en 2016.

L’intervention sur les facteurs de stress et leurs conséquences psychologiques reste donc la meilleure façon de prévenir, pour les personnes qui possèdent une vulnérabilité génétique, la survenue ou l’évolution d’un trouble anxieux.

Nous savons bien que l’anxiété ne peut s’expliquer uniquement par la biologie et l’hérédité. Il y a aussi des causes psychologiques comme les évènements de l’enfance, l’éducation et le vécu qui ont forgé notre personnalité. L’anxiété est une émotion fondamentale, nécessaire au développement de l’enfant, à la construction de sa personnalité et à son adaptation au monde et à ses dangers.

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Accepter l’anxiété, pour qu’elle ne soit plus un obstacle dans notre vie

L’anxiété ne se soigne pas seulement, elle se maîtrise : on apprend à l’accepter pour qu’elle ne soit plus un obstacle dans notre vie. On peut agir sur sa propre anxiété. Quand on a une nature anxieuse, on ne va pas en changer mais peu à peu, on va réagir totalement différemment dans des circonstances dans lesquelles, auparavant, on alimentait la mécanique anxieuse. Avec le temps, on comprend mieux ses propres réactions.

Lorsque l’anxiété est plus forte et plus résistante, on pourra avoir recours à des traitements. Les médicaments anxiolytiques soulagent transitoirement l’anxiété mais exposent à la dépendance. Comme traitement de fond, les antidépresseurs agissant comme un véritable filtre émotionnel sont recommandés. Il faut cependant limiter l’utilisation des médicaments et proposer d’autres méthodes tout aussi efficaces, particulièrement les psychothérapies.

On prescrit les médicaments quand il est nécessaire de soulager les symptômes et que ce n’est pas possible immédiatement par des moyens autres non, médicamenteux. Il ne faut pas considérer que ce n’est une fin en soi, il faut s’engager dans un autre traitement qui implique un engagement personnel comme les thérapies cognitives et comportementales (TCC). Les techniques de relaxation et de méditation permettent également de soulager les symptômes. Les TCC et la méditation de pleine conscience ont une efficacité équivalente aux médicaments avec l’avantage d’une meilleure stabilité dans leurs effets. Ils évitent aussi la rechute.

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The Conversation

25 commentaires


Yacine7
le 14/09/2019

@Alinou91  bonjour, j'aimerais parler avec toi de l'anxiété stp 


avatar
Utilisateur désinscrit
le 15/09/2019

Un sujet qui me touche , la dernière fois que je me suis rendu chez mon ophtalmo seul, j'avais quelque km de nationale a faire , la fois précédente , c'était l'hiver , il y avait peu de véhicules et j'avais un convois spécial devant moi , bonne excuse pour ne pas rouler vite , mais la les vacances , les voitures qui sortaient de partout , mon obligation de tenir le 110 et de dégager la voie pour les nouveaux entrants de me déporter sur la voie de gauche , la sueur , tout ces véhicules , je ne pouvais ralentir , mes oreilles bourdonnaient , plus ça allait plus j'avais de la peine a respirer , le coeur , j'avais l'impression qu'il allait sortir de ma poitrine , je ne pensais qu'a une chose : La bande d’arrêt d'urgence , et faire le 15 , j'étais en train de faire une crise cardiaque c'était sur "-A la prochaine sortie serrez a droite" me dit mon GPS , j'étais sorti de cette maudite route , mais ça n'allait pas mieux : " -Au prochain carrefour tournez a gauche " Oui mais ce carrefour la avait deux voix de gauche, j'ai pris la première, je haletais, je voulais en finir : "-Vous roulez dans le mauvais sens" Et mer.., pas la bonne route , devant moi , un homme dans son véhicule qui me fait signe de reculer, j'y vois trouble de sueur , en plus , j'ai juste ma voiture et par rapport aux anciennes , ces crocevers  connecté , on ne voit presque rien a l'arrière , la manœuvre est difficile , et l'autre c.. qui limite me pousse avec sa voiture , avec quelque coups de klaxons, je parviens temps mal que bien a gagner la route principale et a gagner celle qui me conduit a ma destination , en arrivant , le parking était plein , j'ai du aller sur un autre 100 m plus loin , heureusement j'étais très en avance , je me suis senti mourir dans cette voiture ou je suis resté longtemps avant de pouvoir sortir .

Depuis , tous ces déplacements , je les fait en taxi ou VSL , en faite , la ou je suis a peu près bien , moins pire , c'est chez moi en suivant scrupuleusement mes petites habitudes , comment peut on changer ainsi ? Jeune il m'arrivait de traverser la France pour aller en vacances , il est bien loin ce temps .

Cordialement 


mickeymyriam
le 24/09/2019

Bon moi depuis la mort brutale de mon mari survenue pile a 1 an, il m,arrive de temps en temps, heureusement, je faire des crises de panique ou je suis oppressee, mon cœur qui bat la chamade, mes jambes qui refusent de marcher etc...c,est tres penible mais je ne veux pas prendre d,anxiolithiques qui ne feraient que d,empirer le cas et me rendraient dependante.Quand ça arrive, je reste tranquille chez moi, pense a des choses positives, essaie de me calmer, ce n,est pas facile, je l,avoue  mickeymyriam


cocoudi
le 24/09/2019

ceci n'est pas nouveau pour moi car même avant le cancer j'étais déjà très anxieuse, c'est t'une seconde nature chez moi pour un oui où un non je me tracasse, la photo, le footing, la zumba, ou le chant m'aide à appaisser le stresse mais impossible de pas stressez-le diminuer son oui on peut mais ne plus stresser et juste impossible.


mariebleu
le 24/09/2019

Bonjour à tous,  oui quand on est sensible, la source de stress est infinie.... il y a des jours où la dose est trop forte, j'ai un malaise en entrant dans un lieu public, je manque d'équilibre, je passe la nuit blanche.... en dehors de la maladie,  cela me suit depuis ma plus tendre enfance,  mes parents ne m'aidaient pas, à mon avis, ils m'ont dit plus tard qu'ils ne s'en étaient pas rendu compte. En fait, je frisais la phobie sociale. 

Avec les années,  j'ai pris de l'assurance et exercé un métier face au public. Maintenant,  je ne peux pas me passer d'anxiolytique, à petite dose, cela adoucit les moments de panique. J'ai fait plusieurs tentatives pour m'en passer, mais je n'y arrive pas. Toutes ces réactions de mon corps qui échappent à mon contrôle,  cela me laisse insatisfaite, mais je reste optimiste. Comme le stress peut alimenter le cancer, il vaut peut-être mieux abaisser ce niveau,  même chimiquement. 

Bon courage à tous,  bien à vous. 

Marie-Sylvie 

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