La vente de médicaments à l'unité : une fausse bonne idée ?
Publié le 28 sept. 2015

Un an après le lancement de l'expérimentation dans une centaine d'officines volontaires, les pharmaciens ne sont pas convaincus. En cause, une lourdeur administrative trop importante.
Un an tout pile que l'expérimentation est lancée. En septembre 2014, une centaine de pharmacies se sont portées volontaires pour tester la vente de médicaments à l'unité pour quatorze antibiotiques et leurs génériques. Mais le bilan est plus que mitigé. En demandant aux pharmaciens de ne remettre aux patients que le nombre précis de comprimés prescrits, la mesure voulait lutter contre le gaspillage des médicaments, et réduire le déficit de la Sécurité sociale, qui atteindrait 12,8 millions d'euros cette année.
Pourtant déjà mis en place depuis plusieurs années en Grande-Bretagne et en Allemagne, le dispositif, étudié par l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), ne convainc pas les pharmaciens. «L'expérimentation s'arrête à la fin du mois prochain, précise Eric Myon, secrétaire général de l'UNPF (Union nationale des pharmacies de France) et pharmacien participant à l'expérimentation. Nous ne sommes absolument pas contre la dispensation à l'unité. Mais il faut montrer les limites de cette expérience».
«La question d'une vente à l'unité doit être posée, mais il faut que la logistique soit plus rodée»
Eric Myon, secrétaire général de l'UNPF
Premier reproche, le manque de traçabilité. «Les conditionnements actuels ne sont pas adaptés, explique le représentant de l'UNPF. Il faut ouvrir le boitage, découper le bon nombre de comprimés, vérifier le numéro de lot, essentiel pour la traçabilité, réimprimer une notice si nécessaire, mettre le tout dans un sachet pour le patient», énumère-t-il. Des tâches qui prennent du temps. «Cinq à six minutes de temps en plus pour un exercice de gommettes». Si la question d'une vente à l'unité «mérite d'être posée», la logistique doit être «plus rodée».
Des difficultés à laquelle s'ajoute une lourdeur administrative. Les patients, pour intégrer l'expérimentation, doivent d'abord donner leur consentement par écrit au pharmacien, où est précisé l'âge, le sexe et la posologie du patient. «D'une feuille seulement», tempère Bruno Ventelou, responsable scientifique de l'enquête Insem sur l'expérimentation. L'institut vérifie ensuite auprès des patients «que la vente à l'unité ne dégrade par la sécurité de leur traitement, leurs observances du traitement, et ce qu'ils font lorsqu'ils ont des unités en plus grand nombre». Et l'incitation de 500 à 1500 euros par an versée aux pharmacies volontaires ne suffit pas. «On perd de l'argent avec l'expérimentation, parce qu'elle ne prend pas en compte le temps passé par le pharmacien. Mais il fallait essayer», note toutefois le pharmacien. «Je comprends leur position, assure Bruno Ventelou. Le dispositif peut paraitre assez lourd, mais il est voué à disparaitre lorsque cela ne sera plus une expérimentation».
Les patients partagés
De même pour le financement de la mesure: «Ils ne peuvent pas se baser sur l'incitation pour en déduire le montant du forfait prévu au financement de l'opération, ajoute Bruno Ventelou. L'indemnisation prend pour l'instant en compte la dispensation à l'unité et la participation à l'enquête Inserm. A la fin de l'étude, cela ne sera pas calculé de la même manière». Un premier rapport d'étape réalisé par l'institut est attendu pour le mois de décembre. Côté patients, la mesure semble diviser. «Certains sont méfiants et se demandent si on ne leur redonne pas des médicaments ramenés par d'autres», explique à l'AFP Minh Hardy, employée dans une pharmacie parisienne qui participe à l'expérimentation.
Pour Michel Siffre, pharmacien, la démarche a été «très bien accueillie par les patients qui estiment à 99% que cela évite le gaspillage». «Les avis des patients sont très diversifiés et ils dépendent de leur perception de la santé, ajoute Eric Myon. Pour moins de gâchis, il faut une bonne prescription, que le patient respecte son traitement, et une bonne délivrance du médicament». Pour le pharmacien, si «l'expérimentation est une bonne chose», l'étude ne se pose pas la bonne question: «que veut le patient ?».
LeFigaro.fr
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