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Sclérose en plaques : “Il faut apprendre à connaître son corps et ses limites !”

Publié le 24 août 2022 • Par Candice Salomé

Charlotte Tourmente, journaliste médicale, auteure et sexologue, est atteinte de sclérose en plaques depuis ses 20 ans. Au quotidien, elle souffre de névralgies au visage et de fatigue chronique mais elle a opté pour une philosophie de vie axée sur la psychologie positive, les plaisirs et le rire, pour compenser les symptômes de la maladie. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity ! 

Découvrez vite son histoire ! 

Sclérose en plaques : “Il faut apprendre à connaître son corps et ses limites !”

Bonjour Charlotte, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions. 

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?  

En quelques mots, je suis une femme engagée, passionnée, aimant aider les autres. Je suis une célibataire épanouie, aimant la légèreté, les instants avec mes proches et ma vie professionnelle. Je suis médecin et je travaille comme journaliste médicale pour 2 sites Internet, l’un de santé, l’autre dédié aux patients atteints de sclérose en plaques (SEP-ensemble.fr), maladie dont je souffre depuis 26 ans. Je suis auteure de plusieurs livres en santé et d'un témoignage, Sclérose en plaques et talons aiguilles où je partage mes astuces pour mieux vivre avec la maladie. 

J'ai également une activité de sexologue, qui m'a permis de retrouver le bonheur de soigner les patients. 

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Vous êtes atteinte de sclérose en plaques. A quel âge avez-vous ressenti les premiers symptômes de la maladie et quels étaient-ils ? 

J’avais 20 ans quand cette maladie a été diagnostiquée. Je souffrais de paresthésies, des fourmillements dans les jambes, qui s’étendaient jusqu'à la taille. Le diagnostic de sclérose en plaques (SEP) a été posé rapidement puisque, deux ans auparavant, j’avais également eu une névrite optique. Durant 6 semaines, j'ai vu à travers un brouillard intense qui m’empêchaient de lire, de travailler et de voir au-delà de quelques mètres… 

Quels examens avez-vous dû passer pour obtenir le diagnostic ? 

Le diagnostic se pose grâce à l’IRM, qui montre les fameuses plaques, lésions classiques de la SEP. J’en avais déjà un certain nombre au niveau du cerveau et de la moelle épinière. Les médecins cherchent également s’il y a eu, dans le passé, des symptômes neurologiques, comme des troubles visuels ou de l’équilibre, des faiblesses musculaires, etc. Mon père étant médecin, il m’a orientée très rapidement vers un neurologue qui a lancé un bilan complet. Le diagnostic a pris moins d’une semaine et je n’ai pas connu l’angoissante errance diagnostique que connaissent bien des patients. 

Etudiante en médecine lorsque vous avez reçu le diagnostic, vous y attendiez-vous ? Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de ce diagnostic ? 

En 1996, je commençais ma troisième année de médecine, je m’apprêtais à soigner les gens, pas du tout à être soignée moi-même ! Personne n’est préparé à avoir une maladie chronique, de surcroît aussi imprévisible et angoissante que la SEP. 

J’ai vécu le diagnostic comme un tsunami… les 3 lettres “SEP” ont tourné en boucle dans ma tête durant des semaines. 

Quand je suis retournée à la faculté, je me suis précipitée à la bibliothèque pour mieux connaître la maladie, apprivoiser l’ennemi à défaut de le vaincre. A l’époque, il y avait très peu de traitements mais ma chance a été l’arrivée des premiers traitements de fond pour la forme de maladie dont je suis atteinte, la forme récurrente-rémittente, autrement par poussée. Une poussée est une crise, de quelques jours à quelques semaines, avec apparition de symptômes variés tels que des troubles de l'équilibre, de la vue, des paralysies, qui régressent plus ou moins en fonction des poussées et des patients. 

A l'époque, j'ai rapidement été sous traitement de fond et la vie a repris ses droits. 

Au départ, je me suis convaincue que cela ne changerait rien à ma vie ni à ma carrière… J’ai refait des poussées (troubles de la sensibilité, de l’équilibre, troubles urinaires) dont j’ai bien récupéré mais le handicap s’est installé durablement, sous la forme de douleurs parfois très intenses et d’un immense épuisement… 

Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Comment avez-vous jugé/vécu l'accompagnement médical et/ou psychologique ?  

A l’époque, j’ai été très bien prise en charge par mon neurologue, j’ai quasiment toujours été sous traitements de fond, qui fonctionnent bien chez-moi puisqu'ils ont limité le nombre et l'intensité des poussées. 

Arrivée à Paris, j’ai eu du mal à trouver un neurologue à la fois compétent et avec des qualités humaines mais j’ai trouvé la perle rare depuis 10 ans, au sein d’un hôpital où les neurologues sont vraiment accessibles. 

Concernant la prise en charge psychologique, on n’en parlait pas en 1996… Je me suis débrouillée toute seule, en lisant des livres sur le bouddhisme ou sur le développement personnel, en m’initiant au yoga, que je pratique toujours, et à l’hypnose. En 2015, j’ai suivi une thérapie durant 4 mois car je sentais qu’il y avait de l’angoisse résiduelle, cela m’a fait un bien fou ! 

Aujourd’hui, je fais beaucoup de méditation en pleine conscience, du yoga. 

Aider d'autres patients est très important pour moi, ce que je fais étant marraine pour l’association SEP’avenir et en m’investissant pour le site SEP-ensemble, où j’écris Les Chroniques de Charlotte, où je fais des vidéos pour répondre aux questions des patients et où je réalise des podcasts

Quel est la fréquence et l’intensité de vos poussées, combien de temps durent-elles en général ? Quels sont vos symptômes au quotidien ? Et quels sont vos traitements ? 

Au total, j’ai dû faire une quinzaine de poussées, de la « petite » poussée où mes symptômes quotidiens étaient exacerbés à une poussée très sévère en 2010, où je me suis réveillée hémiplégique et atteinte d’une aphasie (quand un médecin m’a demandé de citer 10 noms d’animaux, j’en ai trouvé seulement 2…). 

Cela a été un traumatisme, beaucoup plus que l’hémiplégie où je me disais que je récupérerais quelques soient les efforts et le temps que cela prendrait. Mais je n’étais plus sous traitement quand j’ai fait cette poussée, la plus éprouvante de toute ma vie. Et depuis, j’ai un traitement de fond par perfusion extrêmement efficace puisque je ne fais plus de poussée pour le moment

Dans ma vie quotidienne, je souffre de névralgies dans le visage, intenses et imprévisibles, de douleurs en étau dans les jambes quand je suis debout, ce qui limite mon périmètre de marche, ainsi que des douleurs dans les bras si je les utilise trop. J’avale ente 5 et 7 comprimés par jour, dont du tramadol, contre les douleurs et j’ai intégré un protocole de "stimulation magnétique transcrânienne" heureusement très efficace.

L’épuisement chronique est aussi handicapant et des pics de fatigue imprévisibles s’ajoutent souvent. J’ai également toute une kyrielle de symptômes invisibles qui sont moins gênants et avec lesquels j’ai appris à cohabiter : j’ai moins de force à droite, séquelle de mon hémiplégie ; j’ai des fourmillements un peu partout dans le corps et l’impression que la moitié de mon visage est cartonné. Je suis extrêmement maladroite car la motricité fine des mains est loin d’être parfaite : cela rend la cuisine périlleuse ! 

Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ? 

Mes symptômes, douleurs et épuisement en tête, ont un fort impact. Je travaille à temps partiel et même en vacances, je « vis à temps partiel » car je suis incapable d’enchaîner les activités durant une journée complète, sous peine de voir mes douleurs s’exacerber et d’être totalement épuisée. 

En revanche, je vis intensément à temps partiel dans mes vies professionnelle, personnelle et associative - je souris ! Je préfère voir tout ce que je peux encore faire plutôt que ce que je ne peux plus faire. Je continue à faire de nombreuses activités, comme les voyages par exemple, mais en les adaptant à mes possibilités. 

Actuellement, vous êtes médecin-journaliste. Pourquoi avoir choisi ce métier ? Quels sont vos thématiques de prédilection ? Pourquoi ? 

J’ai dû abandonner la pratique de la médecine, qui était mon rêve… Mais je dis souvent que les rêves peuvent s’adapter ! J’ai réinventé ma vie professionnelle grâce au journalisme médical, à destination du grand public. J’ai travaillé pour l’émission de télévision Le Magazine de la Santé, sur France 5. Je travaille depuis 12 ans pour leur site Internet Allodocteurs et j’ai la chance d’avoir un poste adapté à temps partiel, en grande partie en télétravail pour éviter les douleurs et la fatigue des transports. 

Je traite tous les sujets, de la maladie rare au mal de dos, en passant par la sexualité, qui reste mon domaine de prédilection puisque je suis sexologue. Je me suis formée à la suite de mon hémiplégie, qui a servi de déclic : il fallait que je fasse ce dont je rêvais depuis quelques temps. J’ai ainsi retrouvé le bonheur d’aider les patients dans un domaine très intime. 

Vous êtes aussi vice-présidente de l’association DareWomen. Pourriez-vous nous parler de l’association, de ses missions et de votre rôle au sein de cette association ? 

DareWomen, une association ouverte aux femmes comme aux hommes, a pour but d’aider les femmes à oser davantage pour mieux s’épanouir dans leur vie professionnelle. Nous proposons des ateliers afin de développer les fameux softskills, comme la prise de parole ou la confiance en soi, ainsi que du mentoring afin de bénéficier de l’expérience d’un ou d’une mentor. Nous nous réunissons aussi, en présentiel à Paris ou en ligne. 

L’association a également plusieurs entités, qui proposent des actions plus ciblées. Je suis la présidente de celle dédiée aux femmes en situation de handicap. DareWomen Handicap est parti d’un constat fait par le Défenseur des droits en 2016 : les femmes handicapées sont invisibles dans les médias, les entreprises, la société… Elles sont aussi victimes d’une double discrimination, due à leur handicap et au genre féminin, d’une plus grande précarité, de temps partiel souvent subi. L’entité offre donc des espaces de parole pour déposer des expériences parfois lourdes et échanger des conseils ; elle organise aussi des ateliers, comme "Mieux vivre son handicap dans la sphère professionnelle". 

DareWomen fait briller les femmes en situation de handicap, sur ses réseaux (Instagram, Facebook, LinkedIn et Twitter) ainsi que lors des Journées mondiales du handicap et de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. 

Vous avez publié un livre « Sclérose en plaques et talons aiguilles » en 2019 aux Editions First. Pourriez-vous nous en parler ? Pourquoi avoir décidé de parler de la maladie au travers d’un livre ? Quels thèmes y abordez-vous ? 

En 2018, j'ai été repérée par une éditrice qui avait lu Les Chroniques de Charlotte et trouvait très intéressant mon témoignage et le ton direct, avec une dose d'humour dès que c'était possible. 

J’ai accepté d’écrire ce livre pour donner de l’espoir aux personnes qui viennent d’être diagnostiquées, ceux qui sont gênés par la maladie : il est possible de retrouver un équilibre même si, encore une fois, l’évolution est variable selon les patients. Evidemment, chaque cas de sclérose en plaques est différent, j’ai un handicap invisible qui reste invalidant dans la vie quotidienne mais je mesure ma chance : je suis sensible à mon traitement de fond et même si je le fais à temps partiel, j’arrive à travailler, à être insérée socio-professionnellement. 

Au final, c’est à la fois un livre positif, où je raconte mon expérience de la maladie et où je partage les conseils qui m’ont aidée et m’aident à mieux vivre avec une maladie chronique invalidante. Même si je souffre parfois terriblement, même si tout me demande un effort tellement l’épuisement est présent, j’arrive à savourer tous les bons moments et ce sont eux qui me donnent la force de mieux gérer les mauvais… 

En plus de mon métier, m’investir dans le site sep-ensemble.fr, dans mon livre Sclérose en plaques et talons aiguilles, ainsi que dans les associations autour de la SEP et DareWomen, m’a permis de donner du sens à tout ce que j’avais vécu : aider les autres aide aussi à moins penser à sa maladie de façon négative. 

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En dehors de vos traitements médicamenteux, avez-vous recours à des traitements et soins alternatifs ? Quels sont-ils ? Quels sont leurs bénéfices sur la santé ? 

En plus de mes traitements, je fais du yoga qui m’aide à mieux gérer mon équilibre, le stress et les douleurs grâce au travail sur la respiration. Et je me muscle en douceur. J’ai pris conscience de l’importance de l’activité physique (marche, vélo surtout) à la suite de mon hémiplégie et même si je n’ai pas toujours l’énergie d’en faire après avoir travaillé, je bouge davantage et me sens mieux dans mon corps. Je fais de la méditation en pleine conscience tous les jours, après avoir fait de l’autohypnose. J’ai adopté une philosophie de vie axée sur la psychologie positive, les plaisirs et le rire, pour compenser les symptômes de la maladie. 

Concernant l’alimentation, aucun régime n’a prouvé son impact sur l’évolution de la maladie ; je mange beaucoup de fruits et légumes, de produits semi-complets ou complets, des œufs et du poisson mais peu de viande, de charcuterie, de produits ultra-transformés. 

Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity, également touchés par la sclérose en plaques, dans la gestion de la maladie ? 

Soyez acteurs de votre prise en charge : renseignez-vous sur la maladie, notamment auprès des associations ou grâce à l’éducation thérapeutique. On vit mieux avec ce que l’on connait ! 

N’hésitez pas à vous faire aider par un autre patient, l’association SEP’avenir propose un parrainage : un ou une marraine vivant avec la maladie depuis un certain temps et ayant retrouvé un équilibre répond aux questions d’un patient récemment diagnostiqué ou qui traverse une difficulté dans son parcours. Il ne s’agit évidemment pas d’un accompagnement médical ou paramédical mais d’un simple partage d’expérience et d’un soutien entre pairs, souvent très réconfortant. 

Dernier conseil, apprenez à connaître votre corps et ses limites, cela vous évitera de trop forcer durant une trop grande période et de le payer durant plusieurs jours voire semaines. Avec à la clé, le fait de mieux profiter des bons moments ! 

Un dernier mot ? 

Concentrez-vous sur tout ce que vous pouvez encore faire et non pas sur ce que vous ne pouvez plus faire. Continuez à faire des projets, à multiplier les petits et grands plaisirs, faites différemment si c'est nécessaire. Ce qui est différent n'est pas forcément moins intense, moins plaisant, moins satisfaisant ! 

Et multipliez tous les moments de plaisir, ceux qui donnent du sens, ou font se sentir utiles : ils aident à mieux vivre avec la maladie… 


Un grand merci à Charlotte pour son témoignage !      
    
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

5 commentaires


colombia
le 25/08/2022

Merci Charlotte pour ce précieux témoignage nimbé de sagesse et d’espoir. Je me suis battue comme vous, et me souviens de l’époque où chaque pas était une victoire. Aujourd’hui je cohabite avec cette maladie avec plus ou moins de recul, selon les heures, selon les jours. Merci 🙏🏻


Chris3232
le 25/08/2022

Merci Charlotte, j ai été diagnostiquée il y a un an et demi après des années d errance médicale et donc le départ a été à la fois un choc mais aussi du déni.

Grâce à des témoignages comme le tien je me sens plus en confiance et rassurée de savoir que notre vie peut être à peu près normale si on le souhaite. J espère qu un jour je pourrais aussi travailler autour de l aide que l on peut apporter aux patients. Je me sentirai utile de faire cela.

Merci 🤗


Manado
le 25/08/2022

Bonjour Charlotte

je vous remercie pour votre témoignage qui donne plein d’espoir et une perspective positive a chaque personne concernée.

merci de tout cœur


Angel6
le 26/08/2022

Bonjour Charlotte,

J'ai une Sep depuis 1998 avec peu de poussées, paresthésie, névrite optique, et troubles de l'équilibre, beaucoup de douleurs et énormément de fatigue.

Pas de traitement, morphine quand les douleurs sont trop intenses, je travaille à temps plein, je fais du sport.

Maladie invisible pour les autres et beaucoup de compréhension avec la famille proche.

Oui, il faut vivre pleinement même si parfois c'est difficile.

Merci pour votre témoignage.






Hookette • Membre Ambassadeur
le 27/08/2022

Bonsoir

Très beau témoignage

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